Nice / La Justice à Nice, du Sénat au Palais de Justice moderne

«Justus Judex» cette énigmatique inscription visible sur le linteau de la porte d’un immeuble du n°14 de la rue Droite (carrierra Drecha)* dans la Vieille-Ville peut nous interpeller…

CiaoViva - Justus Judex (Nice,14 rue Droite) - Crédit photo DR
Justus Judex (Nice,14 rue Droite) – Crédit photo YD

On pourrait la traduire par «La Justice est juste» mais c’est sans compter la présence du trigramme «IHS» (Iesus Hominem Salvator)** au centre du texte qui nous ferait préférer plutôt la traduction « Le Christ est un juge juste » plus conforme à l’esprit de l’époque médiévale d’alors imprégnée de culture religieuse.
Les maisons étaient ainsi bénites par un prêtre pour assurer ses habitants de la protection divine. Si cette coutume a disparu du fait de la Révolution Française, elle perdurera à Nice jusque dans les années 1960.

CiaoViva - Palais du Sénat - Crédit photo DR
Palais du Sénat – Crédit photo : Métropole Nice Cote d’Azur

Dans le Vieux-Nice, non loin de la rue Droite, on trouve actuellement la place du Palais de Justice, autrefois Place Saint-Dominique, sur laquelle se dresse depuis 1892 le nouveau bâtiment destiné à remplacer l’ancien Sénat (premier palais de justice de Nice créé par lettres patentes du 8 mars 1614 par le duc de Savoie Charles-Emmanuel 1er) devenu inadapté à une Justice moderne. L’ancien couvent et église des Dominicains, érigé ici en 1243, est rasé. Sur l’emplacement ainsi libéré, est édifié de 1890 à 1892 le nouveau Palais de Justice niçois en style néo-classique, œuvre de l’architecte Auguste Vincent Dieudé Defly. L’installation des services judiciaires eut lieu le 17 octobre 1892, jour de la rentrée habituelle des Tribunaux. Curieusement, on ne note pas à cette occasion de festivités particulières. Un banquet républicain avait été prévu dans la salle des Pas-Perdus mais, sans savoir pourquoi, une directive venue «d’en haut» stipula de prendre purement et simplement possesion des locaux en y tenant l’audience de rentrée de l’année judiciaire 1892-1893. Ce 17 octobre donc le bâtiment ouvrit ses portes à 14h30 pour la première audience ouverte au public.
Etaient présents les magistrats du siège en costume de cérémonie, c’est à dire ceints de la traditionnelle écharpe bleue, sous la présidence d’un certain M. Cavalier président du Tribunal Civil. Autour de lui, se trouvaient le vice-président, plusieurs juges et des juges suppléants.
Le siège du ministère public était occupé par le Comte Parent de Moiron, procureur, assisté de son substitut M. Gain, M. Girard greffier en chef tenant le plumitif. M. Ernest Lairolle, bâtonnier et Me Narici, président des Avoués, étaient présents entourés de leurs confrères. La nouvelle année judiciaire fut déclarée ouverte par le Procureur de Moiron et l’audience fut levée sans autre cérémonie.

CiaoViva - Nice, Palais de Justice - Crédit photo DR
Nice, Palais de Justice – Crédit photo Collection YD


Que dire du nouvel édifice ? Les critiques sur ce sujet allaient bon train donnant même lieu à des polémiques dans la presse et des incidents d’audience. Les avoués refusèrent de prendre place sur leurs bancs jugés trop vétustes, sans doute achetés d’occasion dans un commerce voisin en situation de faillite. Ils refusèrent alors de siéger dans ces conditions et il a fallu l’intervention de la Commission départementale et du Préfet pour leur donner raison et changer leurs sièges. Mais il n’y avait pas que cela…
Les magistrats de la première chambre constatèrent que leurs locaux étaient très mal adaptés aux activités : une acoustique mauvaise, un éclairage déficient, courants d’air et j’en passe. D’ou déménagement à la Cour d’Assises mais, en guise d’éclairage on se voit forcé d’utiliser des lampes à huile hors d’âge qui forçait les avocats à plaider dans la pénombre sans pouvoir lire convenablement les pièces des dossiers en cours. La Justice se plaint de son manque de moyens matériels et humains, aujourd’hui, on s’aperçoit que cela n’est pas nouveau !

Quelque temps après on transforma la façade en ajoutant des balcons, remplaçant les vieilles vitres par des vitraux, on réaménagea les stuctures intérieures, mais tout cela ne va pas répondre vraiment aux besoins toujours plus grands de ses services. On envisagera même une Cité judiciaire dans la vallée du Paillon, projet abandonné par la suite, le vieux Palais à la vie dure !

La Justice républicaine issue du Rattachement se met donc en place en 1860. L’ancienne prison, toute proche de l’ancien Sénat, est abandonnée au profit des nouvelles prisons édifiées, rue de la Gendarmerie en 1897 (***). Actuellement cet établissement souffre de surpopulation carcérale (152% !), mais il n’est pas le seul en France et les choses ne sont pas prêtes de s’arranger vu que les mairies veulent bien que l’on construise de nouveaux centres de détention mais surtout pas sur leurs communes !

Yann Duvivier – Avril 2023

(*) La rue Droite était en fait la rue «directe» reliant la Place Saint-François au Cours Saleya.

(**) «Jésus Sauveur de l’Homme» avec les 3 clous de la Passion. Ce trigramme était très utilisé par Bernardin de Sienne (1380-1444), prédicateur franciscain.

(***) Pour les condamnations à mort, la guillotine était transportée depuis Paris par le train et les exécutions étaient publiques jusqu’avant la Seconde Guerre, puis dans la prison jusqu’au 9 septembre 1981, date de l’abolition officielle de la peine capitale sous le premier septennat de François Mitterrand (Loi Badinter).
Sous l’Ancien Régime, les exécutions se pratiquaient à la hache pour les nobles et par pendaison pour les gens du peuple. Avant la guillotine, d’autres machines à décapiter furent utiliser en Europe, comme la mannaia en Italie au XVIe siècle.

Iconographies :

Métropole Nice Côte d’Azur (plaque Sénat)
Photos et C.P. Collection Y.D.

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