Remarqué avec Le Mystère Jérôme Bosch (2016), documentaire sur Le jardin des délices du peintre flamand, José Luis Lopez-Linares retrouve le Prado à Madrid avec L’Ombre de Goya. Le guide, un conteur érudit, a pour nom Jean-Claude Carrière. Emouvant et passionnant.

Ancien chef op’ passé à la réalisation de films sur l’art, José Luis Lopez-Linares a été remarqué en 2016 avec la sortie dans les salles de cinéma du Mystère Jérôme Bosch. Dans ce documentaire, il se focalisait sur Le jardin des délices du peintre flamand, un triptyque exposé au musée du Prado à Madrid, un tableau aussi fascinant qu’énigmatique qui prête à de multiples interprétations. Retour au Prado, mais avec les œuvres d’un autre peintre, dans L’Ombre de Goya.
C’est avec émotion que l’on regarde le film, car il s’agit de la dernière contribution au cinéma (ici « acteur » et narrateur) du scénariste et écrivain Jean-Claude Carrière, décédé à l’âge de 89 ans le 8 février 2021. L’homme de lettres et de cinéma, conteur, amoureux des arts, érudit, entreprend un ultime voyage en Espagne sur les traces du peintre espagnol qui a peint les têtes couronnées, mais aussi les pauvres. Il nous parle de sa passion pour l’artiste, nous fait part de ses interprétations et réflexions (des liens avec Luis Buñuel notamment), mais aussi de ses interrogations face à des œuvres (certaines célèbres comme Saturne dévorant ses fils, les deux Maja ou Tres de Mayo, d’autres moins) qu’il connaît pourtant depuis très longtemps.

Entre Jean-Claude Carrière et l’Espagne, c’est une histoire qui remonte à 1963, date à laquelle il fait la connaissance de Luis Buñuel. Le point de départ d’une longue et étroite collaboration (6 films, 20 années de complicité). D’autre part, il aura été scénariste (et acteur) pour Carlos Saura, scénariste pour Jesus Franco, Juan Luis Buñuel et Fernando Trueba et dialoguiste de Luis Garcia Berlanga. Parmi ses écrits on notera, La controverse de Valladolid (1992), qu’il adaptera au théâtre, et Mémoire Espagnole (2012). Quant à sa fascination pour Goya… en 2005, il cosigna avec Milos Forman, le scénario des Fantômes de Goya, l’avant dernier long métrage réalisé par le cinéaste d’origine tchèque. Enfin, Buñuel avait aussi de l’admiration pour Goya. Tous les deux étaient originaires d’Aragon, ils ont connu l’exil et été frappés de surdité. Dans le documentaire, Carlos Saura (né en Aragon lui aussi), par ailleurs réalisateur de Goya à Bordeaux (1999), souligne : « Chez Goya il y a deux aspects que l’on retrouve chez Buñuel. D’un côté, il y a quelque chose de brutal, de barbare, d’une grande violence, et de l’autre, une grande sensibilité. »

Par le biais de son parcours professionnel, celui de directeur de la photographie de Carlos Saura auquel s’ajoute la réalisation de deux documentaires, l’un sur Buñuel, l’autre, déjà sur Goya, José Luis Lopez-Linares connaissait Jean-Claude Carrière, le guide idéal pour ce projet. Du réalisateur : « (…) Jean-Claude (…) a passé 10 jours en Espagne avec nous, nous a suivis sur les traces de la vie de Goya, du musée du Prado au village de Fuendetodos près de Saragosse, où le peintre était né. Il suffisait que Jean-Claude se mette devant un tableau, devant la maison de Goya ou autre, pour s’inspirer du moment. Il élaborait tout de suite une histoire, c’était extraordinaire. C’est peut-être pour cela que le film a ce naturel, il m’a suffit de le suivre avec les caméras. » (extrait d’un entretien accordé à l’occasion du Festival de Cannes).
Avec Cristina Otero, sa scénariste et monteuse, José Luis Lopez-Linares a pour habitude de construire la narration au montage. Cette fois, le tournage a été retardé par la pandémie, puis Jean-Claude Carrière s’est éteint, obligeant le cinéaste a revoir l’histoire qui était en train de se construire, d’où très probablement, une place plus importante donnée à d’autres interventions que celle envisagée, dont celles de Nahal Tajadod, la veuve de l’écrivain scénariste, de Charlotte Chastel-Rousseau, en charge de la peinture hispanique du Louvre, et du peintre cinéaste Julian Schnabel. Loin d’un documentaire didactique, L’Ombre de Goya est à la fois un voyage au cœur de l’œuvre d’un peintre et de son mystère et le portrait d’un amoureux des arts. Passionnant.
L’Ombre de Goya de José Luis Lopez-Linares. Avec Jean-Claude Carrière, Nahal Tajadod, Carlos Saura, Julian Schnabel, Michel Carré (Documentaire – France/Espagne – 1h30 – Date de sortie : 21 septembre 2022).
Pour en savoir plus
La bande annonce du film (Epicentre Films – 1mn34)
Entretien avec José Luis López-Linares (Que tal Paris ? – 30 août 2022)
Luis Buñuel vu par Jean-Claude Carrière : dialogue avec Serge Toubiana (Cinémathèque française – Canal U -13 juin 2009 – 62mn)
[Visite privée] « Expérience Goya » (Palais des Beaux-Arts de Lille – Octobre 2021 – 25mn47)
L’Œuvre en scène : Francisco de Goya ou l’invention de la Modernité (Musée du Louvre – Octobre 2018 – 55mn)
Philippe Descottes
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