Retour à la normale…

Annulé en 2020, décalé à juillet l’année dernière, le Festival de Cannes revient en mai. Un retour à la normale mais dans un contexte qui n’engendre guère à l’optimisme : guerre à l’Est de l’Europe avec toutes les conséquences qu’elle entraîne déjà, la pandémie qui n’est pas terminée, les incertitudes du ppf (paysage politique français) et, pour ce qui est du cinéma, les plate-formes qui mettent de très gros moyens (pour le moment) afin d’attirer des cinéastes reconnu.es, la fréquentation des salles de cinéma qui peine à retrouver le niveau d’avant-covid (34 % d’entrée en moins depuis le début de l’année par rapport à 2019). Aussi cette 75e édition du Festival de Cannes est comme un petit rayon de soleil au cœur de la noirceur et du pessimisme ambiants.
Ce sera le dernier tour de piste pour Pierre Lescure qui quittera la présidence au 1er juillet prochain. Pour lui succéder (et c’est une première), une femme, Iris Knobloch, juriste allemande de 59 ans. Inconnue du public et un peu des « professionnell.es de la profession » (elle a été l’ancienne patronne française et européenne de Warner Bros),elle l’est dans le monde des affaires (Accor, banque Lazard, LVMH,Axel Springer)… C’est elle qui accueillera les invités en haut des marches en 2023 avec Thierry Frémaux, toujours délégué général et chargé de la sélection des films.

Créée l’année dernière, la section Cannes Première est bien une vitrine pour des cinéastes confirmés, tels Marco Bellocchio (Esterno Notte), Rachid Bouchareb (Nos Frangins), Serge Bozon (Don Juan), Dominik Moll (La nuit du 12) ou Emmanuel Mouret (Chronique d’une liaison passagère). Un Certain Regard s’était recentré sur le jeune cinéma et les 1er films. Cette année, sept premiers longs métrages figure parmi les 20 films retenus.
21 c’est le nombre de longs métrages de la Sélection Officielle en Compétition.
Les tendances…
– L’impact de la Guerre en Ukraine
Malgré les pressions, la sélection en compétition de Madame Tchaïkovski de Kirill Serebrennikov, a été maintenue. Le cinéaste russe, opposant de longue date à Vlamdimir Poutine, s’est récemment exilé à Berlin. En parallèle, le cinéaste ukrainien Sergueï Loznitsa présentera en Séance spéciale The Natural History of Destruction, documentaire sur la destruction des villes allemandes par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Mariupolis 2, le documentaire posthume du réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, tué en avril 2022 lors du tournage pendant le siège de Marioupol. A UCR a été sélectionné Bachennya Metelyka, le 1er long métrage de Maksim Nakonechnyi. L’histoire d’une Ukrainienne spécialisée dans la reconnaissance aérienne, qui rentre chez elle après plusieurs mois passés en prison dans le Donbass.
– Sur les traces de Jane Campion et de Julia Ducournau
Elles sont quatre réalisatrices a pouvoir prétendre à la Palme d’Or. Avec Amandiers, Valeria Bruni Tedeschi replonge dans les années 1980 et l’effervescence du théâtre des Amandiers de Patrice Chéreau. Claire Denis et Stars at noon évoquent la passion amoureuse d’une journaliste américaine et d’un homme d’affaires britannique au Nicaragua. Avec Amandiers, Valeria Bruni Tedeschi, replonge dans dans les années 1980 et l’effervescence du théâtre des Amandiers de Patrice Chéreau. Dans Showing up, Kelly Reichard suit le quotidien d’une artiste en plein chaos à la veille d’un vernissage. Léonor Serraille (Caméra d’or en 2017 pour Jeune Femme) filme dans Un petit frère la chronique ordinaire d’une famille africaine en banlieue parisienne.
– Les « Palmés » sont de retour
Ils ont déjà eu la Palme. Les frères Dardenne (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005), content l’amitié de deux jeunes migrants africains dans Tori et Lokita. Triangle of Sadness est le premier film américain de Ruben Ostlund (The Square). Hirokazu Kore-eda (Une affaire de famille) a tourné en Corée,un road-movie familial, Les Bonnes Etoiles. Enfin, dans R.M.N., Cristian Mungiu (4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours) observe « les effets des politiques européennes sur les communautés d’un village de Transylvanie ».
– En attendant la Palme
lIs ont souvent concouru pour la Palme sans l’obtenir. Arnaud Desplechin (huitième participation) filme dans Frère et Sœur, les retrouvailles entre une actrice (Marion Cotillard) et son frère écrivain (Melvil Poupaud). David Cronenberg (Crash, Maps to the Stars) signe Les Crimes du futur, un film d’anticipation dans lequel un couple d’artistes (Viggo Mortensen et Léa Seydoux) développe de nouveaux organes pour les exhiber lors de performances clandestines… James Gray (quatre fois auparavant, dont La nuit nous appartient, Two Lovers) revient avec Armageddon Time, inspiré de son adolescence à New York, avec Anne Hathaway et Anthony Hopkins. Enfin, Park Chan-wook, avait obtenu le Grand Prix en 2004 avec Old Boy. Il présente Decision to Leave un thriller érotique.
– Cap sur le Moyen Orient
Avec Leila’s Brothers de Saeed Roustaee (La Loi de Téhéran), Les Nuits de Mashhad d’Ali Abbasi (Danois, le réalisateur est né à Téhéran. Il a été révélé en 2018 avec Border) et Boy from Heaven de Tarik Saleh(L.A. Confidential).
Les 21 films qui concourent pour la Palme d’or de cette 75e édition sont : Holy Spider de Ali Abbasi, Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, Les Crimes du Futur de David Cronenberg, Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Stars At Noon de Claire Denis, Frère et Sœur de Arnaud Desplechin, Close de Lukas Dhont, Armageddon Time de James Gray, Broker de Kore-Eda Hirokazu, Nostalgia de Mario Martone, RMN de Cristian Mungiu, Triangle of Sadness de Ruben Östlund, Decision to Leave de Park Chan-Wook, Showing Up de Kelly Reichardt, Leila’s Brothers de Saeed Roustaee, Boy from Heaven de Tarik Saleh, Tchaïkovski’s Wife de Kirill Serebrennikov, Pacifiction de Albert Serra, Un Petit Frère de Léonor Serraille, EO de Jerzy Skolimowski, Le Otto Montagne de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen.
Hors compétition, Séances spéciales et Séances de minuit :
L’embarras du choix et pour tous les goûts, avec 21 films, parmi lesquels
Top Gun Maverick avec Tom Cruise
Mascarade de Nicolas Bedos, une « comédie policière niçoise »
Elvis un biopic de Baz Luhrmann
Mi pais imaginario de Patricio Guzman
Jerry Lee Lewis, trouble in mind d’Ethan Coen
ou encore, Fumer fait tousser du déjanté Quentin Dupieux.

Le Jury. Fait rarissime, le Président du Jury n’était pas connu lorsque la Sélection a été dévoilée. Avec le covid, de nombreux projets ont été décalés dans le temps, rendant plus aléatoire la disponibilité potentielle des éventuel.es appelé.es. Après Cate Blanchett (2018), Alejandro Gonzalez Iñarritu (2019) et Spike Lee (2021), une femme était pressentie. La rumeur (et les réseaux) avait avancé le nom de Penelope Cruz ou celui de Marion Cotillard. Il n’en fut rien. Vincent Lindon, qui fut notamment chômeur, syndicaliste, patron d’entreprise avec Stéphane Brizé, maitre nageur pour Philippe Lioret, pompier avec Julia Ducournau et 1er ministre pour Alain Cavalier, a finalement endossé le rôle et la lourde responsabilité. La dernière personnalité française à la présidence était Isabelle Huppert en 2009. Il est entouré de huit jurés : quatre femmes et quatre hommes. L’actrice et réalisatrice anglo-américaine Rebecca Hall (Vicky Cristina Barcelona), l’actrice et productrice indienne Deepika Padukone, la comédienne suédoise Noomi Rapace (Millenium), l’actrice italienne Jasmine Trinca, les réalisateurs Asghar Farhadi (Un Héros), Ladj Ly (Les Misérables), Jeff Nichols et Joachim Trier (Julie en 12 chapitres).
Le Jury Un Certain Regard présidé par Valeria Golino
Le Jury de la Caméra d’Or présidé par Rossy De Palma
Le site officiel du Festival de Cannes.
La Semaine de la Critique
La Quinzaine des Réalisateurs
L’ACID

Hommage à Philippe Prost. Pendant plusieurs années Philippe a couvert les festivals de Cannes et de Deauville. Il faisait bénéficier régulièrement CiaoVivalaculture de ses photos. Jeudi dernier, 12 mai, il avait encore envoyé quelques clichés des anciennes éditions cannoises. Et puis, vendredi, l’annonce de son décès. Une disparition brutale que rien ne laissait présager. Photographe professionnel, Philippe Prost était également vice-président d’un petit club de foot amateur, mais aussi peintre et musicien ! Celles et ceux qui l’ont connu gardent le souvenir de sa gentillesse, de sa bonne humeur et de son dynamisme. Son départ nous plonge dans une profonde tristesse. Ciao l’Artiste et Ami !
Philippe Descottes