Disparition / Michel Bouquet

Monstre sacré du théâtre et du cinéma, Michel Bouquet s’est éteint ce mercredi 13 avril dans un hôpital parisien à l’âge de 96 ans

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Michel Bouquet – Le Malade imaginaire – Crédit photo : AFP/Stéphane de Sakutin

Michel Bouquet est né à Paris le 6 novembre 1925. Son enfance est marqué par le pensionnat, pendant 7 ans, et l’Occupation. Son père prisonnier de guerre, il enchaîne les petits boulots après ses études pour venir en aide à sa mère modiste. Elle emmène son fils à l’Opéra-Comique, à la Comédie-Française, à la Gaîté lyrique. En 1942, il est impressionné par l’interprétation de Maurice Escande sur scène, à la Comédie Française, dans Madame Quinze. Quelques mois plus tard, en mai 1943, il trouve son adresse et se rend chez lui. Le sociétaire l’écoute dire La Nuit de décembre de Musset et l’encourage à suivre ses cours. « Ça été comme s’il m’avait coupé le cordon ombilical. L’enfant est sorti. Je me suis mis à pleurer un peu, forcément. »Michel Bouquet intègre le Conservatoire avec Gérard Philipe…
Il débute sur les planches en 1944. Il ne les quittera qu’en 2017, avec Le Tartuffe de Molière, mis en scène par Michel Fau qui fut son élève au Conservatoire. Il jouera Anouilh, Beckett, Bernhard, Büchner, Camus, Pinter, Shakespeare, Strindberg et deux auteurs de prédilection : Ionesco et Molière. Son rôle fétiche sera celui de Bérenger Ier dans Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco, qu’il jouera près de vingt ans dans les théâtres parisiens et en tournées.

De Molière, il sera l’inoubliable interprète de  Tartuffe ou l’imposteur, Le médecin malgré lui, Dom Juan, L’avare, Le malade imaginaireEn 2017, il lui consacrera un livre : Michel Bouquet raconte Molière. « C’est dans Molière que j’aurai trouvé toutes les réponses aux questions les plus profondes qui se présentent à nous au cours de notre vie. »
Outre Michel Fau, il aura eu pour metteur en scène Jean Anouilh, Jean-Louis Barrault, Roger Planchon, Claude Régy ou encore Jean Vilar. Paradoxe, il n’intégrera jamais le TNP, tout comme il refusera de devenir sociétaire de la Comédie-Française.
En 1998, il reçoit son premier Molière du comédien pour Les Côtelettes de Bertrand Blier, suivi d’un second en 2005 pour Le Roi se meurt. Fabrice Lucchini lui remet un Molière d’honneur en 2014.
En 2019, il aurait du jouer Albert Einstein dans une pièce de Laurent Seksik, cependant, s’estimant trop fatigué lors des répétitions, il céda le rôle à Michel Jonasz.

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Michel Bouquet – Un Condé d’Yves Boisset – Crédit photo : Parafrance/Le Pacte

Le cinéma le sollicite rapidement, dès 1947 (Monsieur Vincent de Maurice Cloche), mais ne lui offre que des petits rôles ou de second plan. C’est sur le tard, au milieu des années 1960, que sa carrière cinématographique prend une autre dimension, avec François Truffaut et Claude Chabrol notamment. Il tournera également sous la direction d’Abel Gance, Yves Boisset, Henri Verneuil, Alain Corneau ou Robert Hossein. Il excellera souvent dans des rôles de « personnages complexes, équivoques, cruels ou tourmentés ». « Je suis un acteur heureux qui a toujours rencontré les gens qu’il fallait qu’il rencontre au moment où il fallait les rencontrer. Par exemple quand j’ai rencontré Chabrol et Truffaut, j’avais envie de faire du cinéma.Je les ai rencontrés au bon moment ».
De Claude Chabrol, il dira :« Durant les six films que j’ai tournés pour lui, j’ai toujours essayé de deviner son point de vue : quels secrets pouvaient se cacher derrière son envie de faire tel ou tel film ? Car il pouvait bien déclarer avoir écrit spécialement pour moi La Femme infidèle, je ne me sentais personnellement rien de commun avec ce personnage de bourgeois assassin… Et en outre j’ai remarqué qu’au cinéma, bien souvent, le metteur en scène se cache derrière chacun de ses personnages, fait du héros son double ; ce qui n’est guère le cas au théâtre. Il était donc très important pour moi de savoir à qui j’avais à faire. » (extrait d’un entretien accordé à Télérama -Septembre 2010).
Deux César du Meilleur acteur viendront récompenser son talent, en 2002, pour Comment j’ai tué mon père d’Anne Fontaine et en 2006, pour son interprétation de François Mitterrand dans Le Promeneur du Champ-de-Mars de Robert Guédiguian.
Dans l’un des ses derniers grands rôles au cinéma, il aura été le peintre Auguste Renoir dans
Renoir de Gilles Bourdos.
Michel Bouquet disait ne pas avoir de préférence pour le théâtre ou le cinéma : « Les deux choses sont très différentes mais elles ont la même valeur. »
Pour la télévision, Michel Bouquet aura tourné dans plus de cinquante dramatiques ou téléfilms
En septembre 2018, il a été l’un des signataires de lAppel des 200 personnalités pour sauver la planète.

Michel Bouquet- Renoir - Mars Distribution
Michel Bouquet – Renoir – Gilles Bourdos – Crédit Photo : Mars Distribution

Michel Bouquet et le métier d’acteur (entretien accordé à l’AFP en 2019) :
« 
C’est un service. L’acteur n’est pas si important à ses propres yeux que le public ne le croit. C’est un métier d’humilité. L’humilité est sacrée pour l’acteur. Je prépare un rôle pendant six mois et quand le moment de le jouer arrive, je me fais tout petit et je me dis ‘j’ai fait ce que j’ai pu. »

« La personnalité de l’auteur au théâtre est tellement majestueuse, puissante quand il s’agit de très grandes figures, que ce soit Pinter ou Molière… Nous, qu’est-ce qu’on fait là ? On ne fait qu’essayer de comprendre, essayer de porter la parole le plus docilement possible, la pensée de l’auteur et non pas la pensée de ce qu’on en pense. C’est l’oubli de soi qui est le plus important. »
Reposez en paix Monsieur Bouquet.

A voir également :
Le Roi se meurt – Extrait (Le Festival l’Été Musical en Bergerac 2013 – 11mn)
Gros plan sur Michel Bouquet – Spécial Cinéma (Christian DefayeRTS – 1978 – 27mn)
La Sirène du Mississippi de François Truffaut (Bande annonce – 1969 – 2mn19)
La Mariée était en noir de François Truffaut (Bande annonce – 1968 – 3mn43)
La Femme infidèle de Claude Chabrol (Extrait – 1969 – 2mn)
Les Misérables de Robert Hossein (Extrait – 1982 – 2mn06)
Renoir de Gilles Bourdos (Bande annonce – 2012 – 1mn43)
A écouter :
Michel Bouquet – Jacques Chancel (Radioscopie – Entretien audio – 13 novembre 1979 – Entretien audio – 54mn)
Michel Bouquet – Le monde d’Elodie (Elodie Suigo/Radio France – Entretien audio – 30 décembre 2019 – 4mn)
A lire :
Mémoire d’acteur Michel Bouquet avec la collaboration de Fabienne Pascaud (Plon – 2011)
Les Joueurs – Michel Bouquet et Charles Berling (Grasset – 2001)

Philippe Descottes

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