Cinéma / Belfast de Kenneth Branagh

« Acteur et réalisateur shakespearien », Kenneth Branagh est pourtant né en 1960 en Irlande du Nord. Avec Belfast, film en grande partie autobiographique, il évoque ses racines et ses souvenirs d’enfance en 1969. L’un de ses meilleurs longs métrages derrière la caméra.

De Kenneth Branagh réalisateur on garde un (assez) bon souvenir de ses années 1990, période des adaptations shakespeariennes (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet), mais aussi de Peter’s Friends. Depuis, sont arrivées de grosses productions avec les studios hollywoodiens (Disney notamment), comme Thor, Cendrillon, The Ryan initiative, ou, le dernier en date, Mort sur le Nil. Des fictions à la qualité inversement proportionnelle aux millions de $ investis.
Avec
Belfast, le réalisateur signe son film le plus personnel et très probablement le plus intéressant de sa carrière ces dernières années. « Je me suis certainement perdu pendant pas mal de temps, je crois. Ça m’a pris du temps pour retrouver mon chemin jusqu’à la maison, et avec ce film j’y suis arrivé. » a déclaré Kenneth Branagh lors de la présentation du film à Los Angeles en novembre 2021.

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Caitriona Balfe et Jude Hill – Belfast – Crédit photo : Univesal Pictures France

Irlande du Nord, Belfast, 1969. Dans une rue d’un quartier ouvrier, Buddy (Jude Hill, adorable chenapan) joue au foot ou se rêve chevalier (ou roi ?) avec une épée en bois et un couvercle de poubelle en guise de bouclier. Il a 9 ans vit avec sa mère (Catriona Balfe) et son frère aîné (Lewis McAskie). Son père (Jamie Dornan) travaille en Angleterre comme menuisier pour essayer d’offrir aux siens en avenir meilleur. Il ne revient à la maison que le week-end voire tous les 15 jours. Cette absence/séparation, Buddy la compense auprès de ses grands-parents (Judi Dench et Ciarán Hinds, qui forment un merveilleux couple toujours complice et amoureux). Malgré les difficultés (les parents ont des dettes), la famille est soudée. Les voisins sont catholiques, mais il n’y a pas de problèmes entre les deux communautés. Et puis un jour des extrémistes protestants viennent saccager les maisons, piller les commerces et dépaver la rue. C’est le début des « Troubles », comme on disait hypocritement pour ne pas employer le terme de guerre civile… La situation s’aggrave. Pour les parents se pose alors cette question : faut-il partir ou rester ?

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Judi Dench, Ciarán Hinds – Belfast – Crédit photo : Univesal Pictures France

Kenneth Branagh est né à Belfast en 1960. Aussi le film est en grand partie autobiographique. « J’ai voulu serrer la main à cet enfant de neuf ans et aussi tenter de comprendre ce que mes parents avaient traversé » précise-t-il. A la recherche de ses racines irlandaises, le cinéaste plonge dans ses souvenirs. La petite histoire va rencontrer la grande Histoire. Cependant, si une scène donne à penser que le réalisateur règle ses comptes avec la religion, Belfast est un film plus social que politique mais il est avant tout un récit d’initiation et d’apprentissage. C’est toujours le point de vue de Buddy qui prévaut. Conventionnel, sur le fond comme sur la forme (malgré quelques audaces visuelles), Belfast est une évocation mélancolique qui emprunte également le ton de la comédie, filmée dans le superbe noir et blanc du directeur de la photographie Haris Zambarloukos (inspiré de l’œuvre d’Henri Cartier-Bresson) et rythmée par la voix et les chansons de Van Morrison (lui aussi natif de Belfast). Une chronique sur la fin de l’innocence, nostalgique (sans être larmoyante), avec des bons sentiments certes, mais aussi de l’émotion que bien des spectateur.rice.s partageront en revivant des souvenirs, à la fois personnels et communs (…les 400 coups, le premier amour), ou en découvrant ceux du gamin Kenneth (la naissance de la cinéphilie où Raquel Welch croise Garry Cooper et John Wayne, et déjà, la passion du théâtre).

Truffaut a fait Les 400 Coups, le petit Totò de Giuseppe Tornatore a découvert le cinéma dans une salle paroissiale (le Cinema Paradiso) et Alfonso Cuaron est revenu dans le quartier de Mexico où il a grandi pour Roma. Mais le rapprochement le plus évident de Belfast se fait avec le film d’un autre cinéaste Britannique, John Boorman, dont Hope and Glory, la guerre à 7 ans (1987) apparaissait également comme une parenthèse dans sa carrière (il avait réalisé Excalibur, La Forêt d’émeraude). Le réalisateur de Zardoz indiquait à propos de son film : « (…) il évoque mes souvenirs personnels de la Seconde Guerre, la phase la plus euphorique et la plus exaltante de mon enfance. Pour un enfant, c’était une ère magique et merveilleuse, un mélange agréable d’allégresse et de terreur »...

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La magie du cinéma – Belfast – Crédit photo : Univesal Pictures France

En septembre 2021, Belfast avait remporté le Prix du Public au TIFF (Festival international du film nominations). En janvier, il a été récompensé par le Golden Globe du Meilleur scénario (sur 7 nominations). Pour les Oscars, il en a obtenu 7 nominations dont celles du Meilleur film et du Meilleur réalisateur.
Inutile cependant d’attendre le palmarès pour aller le découvrir au cinéma

Belfast de Kenneth Branagh avec Jude Hill, Jamie Dornan, Caitriona Balfe, Judi Dench, Ciarán Hinds (2021 – Drame – Royaume-Uni – 97mn – Date de sortie : 02 mars 2022).

A voir :

La bande annonce du film (Universal Pictures France – 2022 – 2mn22 – Vostf)
Behind The Scenes Of Belfast Movie (CineMagna – 2021 – Vo – 46mn)
Conversation entre Kenneth Branagh et Danny Boyle (2022 – Vo – 30mn)

Philippe Descottes

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