Un bien sombre début d’année 2022 marqué par la disparition de plusieurs personnalités du 7e Art ou liées au Cinéma :

– 06 janvier. Sidney Poitier (Acteur et réalisateur, né le 20 février 1927)
Le 13 avril 1964, au Santa Monica Civic Auditorium, Anne Bancroft remettait l’Oscar du meilleur acteur à Sidney Poitier pour son rôle dans Le Lys des champs de Ralph Nelson.
C’était 24 ans après Hattie McDaniel, qui avait reçu l’Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Autant on emporte le vent. Et 16 ans après l’Oscar d’honneur décerné à James Basket (Mélodie du Sud). Il faudra attendre 2002, et l’Oscar de Denzel Washington (Training Day), avant qu’un autre acteur noir lui succède.
A la fin des années 1940 sa carrière au théâtre semble lancée quand Joseph L. Mankiewicz lui propose l’un des rôles principaux de La porte ouverte (1950). Dès lors, il ne cessera pas de tourner, au cinéma et à la télévision, jusqu’à la fin des années 1970. Sa prestation dans La Chaîne de Stanley Kramer lui vaut une 1ère nomination à l’Oscar du meilleur acteur en 1958. Parmi les films les plus marquants, L’Homme qui tua la peur de Martin Ritt (1957), Le Carnaval des dieux de Richard Brooks (1957), Porgy and Bess d’Otto Preminger (1959), Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison (1967), Devine qui vient dîner…de Stanley Kramer (1967). A partir des années 1970, il se lancera dans la réalisation de quelques longs métrages et continuera son métier d’acteur le plus souvent dans des téléfilms. Il aura ainsi l’occasion d’interpréter Nelson Mandela (Mandela and de Klerk).
Lors d’un entretien en 1988 il indiquait : « J’ai fait des films à une époque où le seul autre Noir des studios était le cireur de chaussures. Je me sentais bien seul. Depuis, sont venus les Eddie Murphy, Richard Pryor et dix autres qui ont pris la relève. Je suis un peu leur papa. Je leur ai ouvert la voie. » Depuis, d’autres visages et d’autres voix sont venus s’y ajouter, comme Forest Whitaker, Denzel Washington, Michael B. Jordan, Spike Lee, Ryan Coogler, Barry Jenkins. Mais le chemin est encore long et les obstacles nombreux, non seulement pour les hommes mais aussi pour les actrices et réalisatrices Afro-Américaines. A propos de ses rôles, Sidney Poitier a par ailleurs déclaré : « Je ne veux accepter que des rôles qui inspirent fierté aux spectateurs noirs, leur donnant envie de se redresser dans leur fauteuil et qui imposent au spectateur blanc l’image d’un noir estimable dont l’autorité met en question leurs préjugés. » Il a toujours assumé cet « idéalisme » qui lui a été reproché, parfois avec virulence (Spike Lee).
Dans une Amérique marquée par la ségrégation, il s’était engagé dans la lutte pour les droits civiques. Il avait d’ailleurs participé à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté du 28 août 1963.
En 2002, il fut à nouveau célébré par l’Académie Award avec un Oscar d’honneur
En 2009, Barack Obama lui avait remis la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine.
Sidney Poitier, Academy Class of 2014 (Entretien – Academy of Achievement – Avril 2016 – 1h47)
– 06 janvier. Peter Bogdanovich (Réalisateur, né le 30 juillet 1939)
Le Cinéma aura été sa passion. Après avoir suivi les cours de Stella Adler, dont le conservatoire a eu pour élèves Marlon Brando, Robert De Niro ou encore Benicio Del Toro, Peter Bogdanovich semblait se destiner à une carrière d’acteur. On a pu le voir dans Les Anges sauvages de Roger Corman (1966). Mais, déjà programmateur, journaliste et critique de cinéma, c’est la réalisation qui le démange. Il franchit le cap grâce à Roger Corman. qui produit son premier film, La cible (1968) avec Boris Karloff. Après La Dernière Séance (1971), très bien accueilli, il connaît deux autres succès. On s’fait la valise, docteur ? (1972), une screwball comedy (« comédie loufoque »), et La Barbe à papa (1973), un road-movie initiatique. Figure du Nouvel Hollywood Peter Bogdanovich a, néanmoins, toujours été attaché à l’âge d’or hollywoodien. Par la suite, en tant que réalisateur, il ne retrouvera pas la reconnaissance critique et publique, mais son admiration pour les « anciens », ses rencontres et les liens qu’il a pu tisser au fil de sa carrière (Welles et Ford en particulier) feront de lui, grâce à ses ouvrages, une mémoire d’un certain cinéma américain. Peter Bogdanovich s’était impliqué dans la restauration du film inachevé d’Orson Welles, De l’autre côté du vent. En tant que comédien, il a continué à faire quelques apparitions, au cinéma ou à la télévision. Il fut ainsi le Dr Elliot Kupferberg dans la série Les Soprano.
A tribute to Director Peter Bogdanovich (Turner Classic Movies – 2017 – 5mn – VO)
Conférence de Peter Bogdanovich sur John Ford (Hillsdale College – 12 mars 2020 – 60mn – Vostfr)
Les Maîtres d’Hollywood – Entretiens avec Peter Bogdanovich 1 et 2

– 08 janvier. Marilyn Bergman (Parolière, née le 11 septembre 1925)
Son nom est étroitement associé à ceux d’Alan Bergman, de Marvin Hamlisch et de Michel Legrand. Elle a remporté trois Oscars, celui de la meilleure chanson originale, en 1969 (Windmills Of Your Mind du film L’Affaire Thomas Crown) puis en 1974 (The Way We Were du film Nos plus belles années), et en 1984 celui de la meilleure partition de chansons et adaptation musicale pour Yentl.
– 13 janvier. Jean-Jacques Beineix (Réalisateur, né le 08 octobre 1946)
Jean-Jacques Beineix a d’abord entamé des études de médecine avant de s’orienter vers le cinéma et de préparer l’IDHEC (ex-Fémis). Assistant de René Clément, Claude Berri, Jerry Lewis et de Claude Zidi, il réalise en 1975 son premier un court métrage, Le chien de Monsieur Michel, puis passe au long avec Diva (1981) qui révèle Richard Bohringer et Gérard Darmon. Le démarrage est lent mais le bouche-à-oreille et l’effet César (4 en 1982 dont celui de la première œuvre) attireront finalement 2 millions de spectateurs sur un an d’exploitation. Suivent, La Lune dans le caniveau (1982) avec Gérard Depardieu, Nastassja Kinski et Victoria Abril, et 37°2 le matin d’après le roman Philippe Djian. Le récit d’une passion torride entre Betty et Zorg deux écorchés vis, interprétés par une inconnue, Béatrice Dalle, et Jean-Hugues Anglade, attirera 3,6 millions de spectateurs en 1986. Mais le divorce est consommé entre le réalisateur et une bonne partie de la critique qui lui reproche une esthétique nourrie de clips et de la pub (« esthétisme clinquant et pubard »). Ses trois autres longs métrages, Roselyne et les lions (1989), IP5 (1992) et Mortel Transfert (2001) seront des échecs. Auteur de plusieurs ouvrages, dont une autobiographie (Les Chantiers de la gloire), il avait également réalisé plusieurs documentaires. Richard Bohringer : « (…) Jean-Jacques ne se laissait pas marcher sur les pieds. Il étai très exigeant. Tous les cinéastes le sont, mais chez lui ce désir de perfection allait encore plus loin. Pour moi il était dans une recherche universelle, mais il n’était ni lointain ni froid comme on l’a dit » (Le Parisien du 15 janvier 2022).
Entretien avec Jean-Jacques Beineix – 1ère partie (Filmo TV – 01 février 2013 – 61mn)
Entretien avec Jean-Jacques Beineix – 2e partie (Filmo TV – 01 février 2013 – 86mn)
– 17 janvier. Michel Subor (Acteur, né le 02 février 1935)
Il a débuté au cinéma au côté de Louis de Funès en 1959 dans Mon pote le gitan. Deux ans plus tard, il côtoie Brigitte Bardot, Mireille Darc et Claude Brasseur dans La bride sur le cou (1961) de Roger Vadim. François Truffaut fait de lui le narrateur dans Jules et Jim (1961).Puis il est Bruno Forestier, un photographe déserteur réfugié à Genève, dans Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard. Tourné en pleine guerre d’Algérie, le film est interdit par la censure en 1960 avant d’être finalement autorisé à sortir en 1963. Malgré L’Étau de Hitchcock (1969), aux côtés de Claude Jade, il ne parviendra pas à s’imposer. Il fera son retour au grand écran à la fin des années 1970, avant de devenir l’un des acteurs fétiches de Claire Denis qui le fera tourner dans : Beau Travail, L’Intrus, White Material et Les Salauds. De Claire Denis : «Michel Subor montrait un bloc massif, imperméable et en même temps, il nous échappait, il rêvait. Il glissait dans son propre film comme dans un univers parallèle. Entre nous, on appelait ça »suboriser »»
Le petit Soldat de Jean-Luc Godard (extrait – 1mn52)
L’Intrus de Claire Denis (bande annonce -1mn09).

– 19 janvier. Gaspard Ulliel (Acteur, né le 25 novembre 1984)
Décédé des suites d’un accident de ski en Savoie à seulement 37 ans, Gaspard Ulier était considéré comme l’un des plus doués de sa génération. Il s’était révélé dans Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc, avant d’obtenir le César du meilleur espoir masculin en 2005 pour Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet. Il aura été Jacquou le Croquant dans le film du même titre de Laurent Boutonnat (2006), Hannibal Lecter dans Hannibal Lecter : Les Origines du mal de Peter Webber (2007), le duc de Guise dans La Princesse de Montpensier (2010) de Bertrand Tavernier, ou le couturier Yves Saint Laurent dans Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014). En 2017, il obtient le César du meilleur acteur cette fois, pour son rôle dans Juste la fin du monde de Xavier Dolan, présenté à Cannes l’année d’avant (Grand Prix du jury). Il sera à l’affiche de la série Marvel Moon Knight le 30 mars 2022.
Gaspard Ulliel en quatre incarnations-cultes (L’Obs – 19 janvier 2022 – 1mn29)
Gaspard Ulliel : une heure en tête-à-tête avec l’acteur (Télérama – 24 octobre 2018 – 1h13mn)
– 23 janvier. Serge Korber (Réalisateur, né le 1er février 1936)
Serge Korber a été l’assistant de Guy Debord sur son court métrage Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps » (1959), puis acteur dans Tire au Flanc 62 (1961) de Claude de Givray et François Truffaut. Après plusieurs courts métrages, il passe à la réalisation de son premier long métrage Le Dix-Septième Ciel (1965) avec Jean-Louis Trintignant. Il réalisera par la suite des comédies, dont L’Homme Orchestre et Sur un arbre perché avec Louis De Funès, des drames et même des films érotiques sous le pseudonyme de John Thomas. A partir des années 1980 il travaillera surtout surtout à la télévision (séries et téléfilms). Dans les années 2000, il se consacrera au documentaire. On lui doit notamment Gabin intime, aristocrate et paysan et Jean-Louis Trintignant, pourquoi que je vis.
– 23 janvier. Jean-Claude Mézières (Illustrateur, photographe et dessinateur, né le 23 septembre 1938)
Jean-Claude Mézières a rejoint la mégapole Galaxity. Avec son ami d’enfance Pierre Christin (scénariste), né comme lui en 1938, il a créé Valérian et Laureline qui paraît dans Pilote en 1967. La bande dessinée sera éditée en album par les éditions Dargaud de 1970 à… 2019 ! Pour le cinéma, Jean-Claude Mézières a réalisé à la demande Jeremy Kagan des esquisses de décors pour Out of Time, tiré du roman de René Barjavel, La nuit des temps. Mais le projet n’a pas été jusqu’au bout, faute de budget. En 1985, il a travaillé sur les esquisses de décors et de costumes de Un Dieu rebelle de Peter Fleischmann (Scènes de chasse en Bavière). En 1992, associé à Giraud, il travaille sur Le Cinquième Elément de Luc Besson. Mézières imagine notamment les taxis volants et les « limouzingues ». En 2017, sort sur les écrans Valérian et la Cité des mille planètes, une adaptation libre de la bande dessinée signée Luc Besson. L’univers de Jean-Claude Mézières a inspiré certains réalisateurs, dont George Lucas pour Star Wars, lesquels n’ont jamais crédité le dessinateur (comparaisons plus que troublantes…)
Le site officiel de Jean-Claude Mézières
Jean-Claude Mézières : « Valerian c’est moi ! » (Entretien Patrick Simonin – L’Invité – TV5 Monde – 10 novembre 2021 – 22mn34).
– 02 février. Monica Vitti (Actrice, née le 03 novembre 1931) : Voir Je me souviens…
– 07 février. Douglas Trumbull (Réalisateur des effets spéciaux, né le 8 avril 1942)
Son nom sera associé à tout jamais à un chef d’œuvre du 7e Art, 2001 L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. On doit à Douglas Trumbull les mouvements de vaisseaux dans l’espace, les écrans de l’ordinateur HAL, et la « porte des étoiles », le tunnel dans lequel s’engouffre Bowman dans la dernière partie du film. Par la suite, il signera les effets spéciaux de Rencontres du troisième type de Steven Spielberg (1977) et Blade Runner de Ridley Scott (1982). Il a également travaillé à deux reprises avec Robert Wise (Le Mystère Andromède, 1971, et Star Trek, le film (1979), et réalisé deux films (de science fiction), Silent Running (1971) et Brainstorm (1981-83) qui sera le dernier film de Natalie Wood. Marqué par la mort tragique de l’actrice et en conflit avec la MGM, coproductrice, Douglas Trumbull quitte un temps le cinéma pour se tourner vers la pub et les parcs d’attractions (Universal). Il reviendra à la demande de Terrence Malick, qui fait appel à lui pour les séquences planétaires de Tree of Life (2011)
Son savoir-faire aura donné au Cinéma une autre dimension.
Douglas Trumbull – Master Class – Higher Learning (TIFF – 14 décembre 2012 – 1h38 – VO)

– 09 février. André Wilms (Acteur et metteur en scène, né le 29 avril 1947)
Originaire de Strasbourg, André Wilms a d’abord passé un CAP de plâtrier avant de partir pour Toulouse. Il travaille comme machiniste (cintrier) au théâtre Grenier où il commence à faire de la figuration. Puis direction Paris avant de revenir à Strasbourg au milieu des années 1970 où Jean-Pierre Vincent et André Engel ont monté leur troupe. Comédien, il se lance également dans la mise en scène. Des planches au cinéma, il n’y a qu’un pas.
A l’écran, André Wilms était connu du grand public par son personnage de Jean Le Quesnoy, un bourgeois coincé, père de cinq enfants qui vouvoie son épouse dans La vie est un long fleuve tranquille (1988) d’Étienne Chatiliez. Mais il est aussi l’acteur fétiche d’Aki Kaurismaki, sous la direction duquel il a tourné : La Vie de bohème (1992), Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse (1994), Juha (1999), Le Havre (2011), L’Autre côté de l’espoir (2017). A propos du réalisateur Finlandais il déclarait : « Les grands metteurs en scène n’ont pas besoin de parler ! il me disait : Play like an old gentleman. Ne cours pas. Ne renverse rien… Tout le monde court dans les films aujourd’hui. (…) Aki est l’un des rares metteurs en scène qui ne prend pas les acteurs pour des analphabètes, quoiqu’il y en ait beaucoup ».
Sur leur 1ère rencontre : «J’ai débarqué à 2 heures du matin, au bar de son hôtel. Dès qu’il m’a vu, il a dit : « Vous avez les yeux tristes et un grand nez, comme moi, qui vous permet de fumer sous la douche. C’est bon, je vous engage.»(*)
Sur le fait d’être autodidacte, pour lui c’est : » Un atout. Ceux qui disent le contraire mentent. Comme on ne sait rien, on apprend trois fois plus de choses que les autres, en besogneux. »(*)
Un bon acteur : «C’est quelqu’un sur lequel je peux projeter des choses, que je peux lire. C’est comme une page blanche. J’adore Buster Keaton pour cela. Il réunit la danse et la métaphysique. Ce n’est pas un hasard si c’était l’acteur préféré de Beckett. Et puis il y a Robert Mitchum, lequel racontait qu’il était devenu acteur après avoir vu Rintintin à la télévision : « Puisqu’un chien arrive à faire, il n’y a aucune raison que je n’y arrive pas », disait-il. C’est très drôle et ça remet bien le métier d’acteur à sa place. Mitchum, lui, ne faisait rien, mais c’était une présence animale invraisemblable. »(*)
Dernièrement, on a pu le voir au cinéma dans Le Sel des larmes de Philippe Garrel. Il sera à l’affiche de Maigret, le nouveau film de Patrice Leconten le 23 février.
(*) Extraits d’un entretien accordé à Télérama en décembre 2011
André Wilms & Leningrad cowboys (Arte – 2mn09)
André Wilms présente « Le Havre » de Aki Kaurismäki (Cinéma Capitole, Cinémathèque suisse – 16 décembre 2011 -14mn38)
Extrait de La vie est un long fleuve tranquille d’Étienne Chatiliez (4mn20)
Entretien avec André Wilms (INA Stars – France3 Alsace – 15 mars 1999 – 19mn20).
Philippe Descottes