Je me souviens… de Monica Vitti

Monica Vitti s’est éteinte à 90 ans ce mercredi 2 février…

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Monica Vitti (1965) – Crédit photo : Giancarlo Botti/Gamma-Rapho

Je me souviens qu’elle fut la muse et la compagne de Michelangelo Antonioni. Elle incarna les personnages de la « tétralogie de l’incommunicabilité », la Claudia tourmentée de L’Avventura, la Valentina tentatrice de La Nuit, la mystérieuse Vittoria de L’Eclipse et la Giuliana névrosée de Désert rouge.
Je me souviens que Monica Vitti est né à Rome le 3 novembre 1931. Elle aurait pu devenir secrétaire pour ne pas contrarier ses parents, mais la passion du théâtre pris le dessus. Très jeune, il distrayait ses frères avec des spectacles de marionnettes, puis fait du théâtre en amateur avant de s’inscrire à l’Académie nationale d’art dramatique de Rome. Elle entame une carrière théâtrale et obtient des petits rôles, au cinéma et dans des feuilletons télévisés, dans des comédies. Sur les conseils de l’un de ses professeurs à l’Académie elle prend un nom d’artiste et retient les premières syllabes du nom de sa mère (Vittiglia). Pourtant, celle-ci l’a mise mise en garde :
« La poussière de la scène corrode l’âme et le corps ».
Je me souviens que, pour arrondir ses fins de mois, elle a fait du doublage (pour Monicelli, Fellini, Pasolini notamment). Antonioni l’avait vue sur scène jouer du Feydeau. Il la rencontre alors qu’elle est sur la post-synchronisation du Cri (1957), elle double l’actrice Dorian Gray. C’est le début de leur histoire qui durera dix ans.
Dans un entretien accordé à la télévision italienne dans les années 1980, elle a déclaré : »
J’ai eu la chance de commencer ma carrière avec un homme de grand talent », mais aussi « spirituel, plein de vie et d’enthousiasme« . A propos de ses yeux le cinéaste italien dira : « « C’est ce qu’il y a en elle de plus bizarre. Ils ne s’arrêtent sur aucun objet, mais fixent de lointains secrets. C’est le regard d’une personne qui cherche où finir son vol et ne le trouve pas »
Grande, blonde, mystérieuse, la voix rauque, Monica Vitti est à l’opposé du stéréotype de l’actrice italienne. Elle dira d’ailleurs : « (…) trop blonde pour une Latine, trop mince, trop grande perche, bigleuse. (…) j’ai un visage où se devinent trop facilement mes peurs, mes joies, mes peines ; or, je n’aime pas être déchiffrée si vite. J’ai tellement rêvé être mystérieuse et énigmatique ! »
Mais pour elle, jouer est un exutoire :« J’ai décidé de faire semblant d’être une autre, dira-t-elle. Et de me faire rire autant que possible au théâtre et au cinéma. Dans la vie, c’est une autre histoire. »

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Deux affiches – Monica Vitti – Crédit photo DR

Je me souviens qu’après Antonioni, elle est revenue à la comédie à l’italienne, dont elle deviendra l’une des figures aux côtés de Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Nino Manfredi et Alberto Sordi. Pour Sergio Sergio Toffetti, ancien président du musée du cinéma de Turin : «elle était le cinquième homme. A elle seule, elle était capable de rééquilibrer le poids de ces quatre mousquetaires de la comédie ».
Monica Vitti a tourné sous la direction de Pasquale Festa Campanile, Carlo Di Palma, Mario Monicelli, Dino Risi, Ettore Scola, Alberto Sordi, Luigi Zampa, mais aussi de Roger Vadim (Château en Suède), Joseph Losey (Modesty Blaise) et Luis Buñuel (Le Fantôme de la liberté). Elle a retrouvé Michelangelo Antonioni pour Le mystère d’Oberwald (1980, d’après Jean Cocteau).

C’est en 1989, qu’elle passe à la réalisation et interprète Scandale secret, avec Elliott Gould. Ce sera sont dernier film pour le cinéma. Au début de la décennie qui suit elle écrit deux livres autobiographique, Sept jupes (1993) et Le Lit est une rose (1995), avant de se retirer peu à peu de la vie publique.
En 2011, le directeur de la photographie et réa­lisateur Roberto Russo, son époux, révèle qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis une quinzaine d’années.
Parmi les nombreuses récompenses, Monica Vitti a obtenu cinq David di Donatello (les César italiens), un Ours d’argent à Berlin et un Lion d’Or à la Mostra de Venise pour l’ensemble de sa carrière.

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Monica Vitti – Le mystère d’Oberwald – Crédit photo DR

Je me souviens de quelques Hommages parmi bien d’autres :

– Le metteur en scène Carlo Verdone : «C’était une actrice complète à la forte personnalité. Aux côtés d’Anna Magnani, on se souviendra d’elle comme d’une actrice extraordinaire tant dans les films dramatiques que les comédies ».
-Le quotidien italien
La Repubblica (mercredi 2 février) : « Point de référence pour toutes les actrices venues après elle, Monica Vitti était tout à la fois : profonde, énigmatique, sensuelle, drôle. Et intellectuelle, populaire, mélancolique, intelligente. Bellissima ».
– Les responsables de Cinecittà :
«Grâce à elle, la société italienne s’est découverte un peu plus émancipée, ironique et finalement contemporaine».
– Gilles Jacob, l’ancien président du Festival de Cannes, lui a rendu hommage sur Twitter : « Sublime, elle jouait les voisines de palier avec une classe de déesse et les reines avec la simplicité de la voisine de palier. Bardot a eu Vadim pour la lancer. Monica a eu Antonioni. Puis elle s’est abandonnée au luxe de la comédie à l’italienne avec Scola, Monicelli et les autres. Elle est devenue star mondiale en restant elle même, rieuse et simple ».

RIP Monica Vitti

A voir également :
Monica Vitti ou l’amour du cinéma (RTS.ch -Archives – 6 juillet 1965 – 4mn39)
Monica Vitti (INA Archives – Ciné regard FR3 – 07 février 1981 – 4mn39)
Monica Vitti par Laetitia Masson (Blow Up – Arte – 7 avril 2015 – 6mn35)
Philippe Descottes

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