Le réalisateur norvégien Joachim Trier a écrit son scénario en pensant à Renate Reinsve. Julie (en 12 chapitres), portrait audacieux d’une jeune femme de 2020, est son 1er grand rôle au cinéma. Elle a obtenu à juste titre le Prix d’interprétation lors de la 74e édition du Festival de Cannes.

Avec Julie, le cinéaste norvégien retrouve Anders Danielsen Lie, le comédien fétiche de ses deux premiers longs métrages (Nouvelle Donne/Reprise, Oslo 31 août), et son alter ego, tout en continuant d’explorer en partie la voie prise lors de son précédent film Thelma, une plongée dans l’univers mental d’une jeune étudiante norvégienne. Cependant, comme dans Thelma, le personnage féminin tient le rôle principal.
Julie (Renate Reinsve) brillante étudiante, bientôt 30 ans, aurait pu faire médecine et devenir chirurgienne, mais la chirurgie c’est… manuel. C’est la psyché qui l’intéresse, alors elle fait psycho. En fin de compte, c’est la photo qui la branche. Elle s’adonne à sa nouvelle passion tout en prenant un boulot dans une grande librairie. A moins que la tentation de l’écriture… Insatisfaite en permanence, elle ne parvient jamais aller au bout des choses sur le plan professionnel. Côté cœur, cela semble aller pour le mieux. Elle a probablement trouvé le grand amour en la personne d’Aksel (Anders Danielsen Lie), la quarantaine et auteur de BD à succès. D’ailleurs, même si un soir, lors d’une fête de mariage à laquelle elle n’était pourtant pas invitée, elle rencontre Eivind (Herbert Nordrum), celui-ci est déjà en couple…

Structuré en 12 chapitres (plus un prologue et un épilogue), qui ont chacun leur tonalité et une durée différente, le film, dernier volet de la « trilogie d’Oslo », est un portrait audacieux d’une jeune femme de 2020, indépendante, impulsive, indécise, angoissée, qui « aspire à autre chose » (sans forcément savoir quoi). Elle veut être libre, mais se pose aussi beaucoup de questions. Porté par son interprète principale Renate Reinsve (elle tenait déjà un petit rôle dans Oslo 31, mais en Norvège la comédienne est surtout connue par le théâtre), étonnante et éblouissante par l’étendue des émotions qu’elle fait passer à l’écran (elle est loin d’ »être la pire personne au monde » comme le suggère le titre international), Julie peut être perçu comme une comédie romantique douce-amère, bien plus amère que douce à mesure que l’on avance dans le film.
Julie aborde des sujets concernant une jeune femme d’aujourd’hui. Néanmoins, Joachim Trier souligne :« Certaines de ces questions sont existentielles et communes aux hommes et aux femmes. Ce film traite de comment les relations amoureuses reflètent nos attentes existentielles. Dans notre culture occidentale, on a été élevés dans l’idée que l’amour et la carrière sont les endroits où s’épanouit une vie. Ça dépasse donc le genre. Mais vu que Julie est un personnage féminin, je ne peux pas ne pas faire un film sur les femmes, à condition de ne pas généraliser. Ce film traite avant tout de l’individu Julie, je ne voulais pas faire un exposé sur « la femme de notre temps » ! Cet aspect de regard sur le féminin fait naturellement son chemin dans le film, à travers des situations sincères, humoristiques, satiriques, et à travers diverses anecdotes que j’ai vécues ou imaginées »(Extrait du dossier de presse).

A travers Julie (et Eivind), le réalisateur dresse un portrait d’une génération qui se cherche, en même temps il fait aussi celui d’une autre, celle du « monde d’avant », la sienne, incarnée par Aksel. A cet égard, le constat qu’il livre est pessimiste : le monde qu’il a connu est déjà révolu. Les deux « époques » sont-elles incompatibles ? Pas vraiment. Julie et Aksel refusent l’un et l’autre le conformisme. Mais le temps passe. Il a défilé trop vite et il s’accélère… Sauf à un seul moment. Il s’arrête (presque) totalement, lorsque Julie est emportée par les élans de son cœur. Un instant magique et poétique, un e audace visuelle du film.
Par le biais de Julie, d’Aksel et Eivind, Julie (en 12 chapitres) aborde aussi des thèmes de société très contemporains comme l’écologie, les réseaux sociaux, le néo-féminisme, la « cancel culture ». Bien plus qu’une comédie romantique ordinaire (« à peine vue déjà oubliée »).
Renate Reinsve a obtenu le Prix d’interprétation féminine à l’occasion du 74e Festival de Cannes où le film était présenté en compétition. Une récompense amplement méritée.
Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier. Avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum (Norvège/France – Comédie romantique/ dramatique – 2021 – 2 h 01 – Date de sortie : 13 octobre).
Voir :
La bande annonce du film (Memento Distribution – Vostf – 1mn16)
La Conférence de presse – Festival de Cannes (09 juillet 2021 – VF – 38mn)
Rencontre avec Joachim Trier et Renate Reinsve (Télérama – Juillet 2021 – Vostf – 5mn23)
Philippe Descottes