Amis Lecteurs, coucou, me revoilà après une assez longue absence !
Je vous avoue que l’été niçois me fait beaucoup souffrir et que, en ces circonstances – l’âge étant là par ailleurs – je n’ai pas alors l’inspiration nécessaire pour m’entretenir sereinement avec vous, d’où mon silence. Maintenant je n’ai plus d’excuses, la fraîcheur est revenue et il est grand temps de finir ma dernière prose qui traitait du quartier de Saint-Barthélémy.

Tout près de l’église, un peu plus au nord, se dresse une grande propriété, la Villa Arson à laquelle nous allons nous intéresser dans les lignes qui suivent. L’histoire de cette propriété remonte au début du XIXè siècle avec son premier propriétaire Pierre-Joseph Arson riche négociant avignonnais qui s’installe dans notre région à cette époque. Le souverain sarde Charles-Félix de Savoie l’élève au titre de comte de Saint-Joseph puis le nomme consul de Nice en 1830 et lui confère le titre de commandeur de l’Ordre de Saint-Maurice et Saint-Lazare.
Le domaine qu’il possède à Saint-Barthélémy représente une superficie de six hectares comprenant un potager et un superbe jardin planté d’espèces méditerranéennes végétales rares. Le parc est orné de statues et de colonnades, un lieu enchanteur. Le prince de Talleyrand, de retour du Congrès de Vienne (1815) est de passage à Nice et passe quelques jours dans la propriété du comte Arson qui domine tout Nice ce qui fait dire au «Diable boiteux» son regret d’avoir abandonné cette magnifique région au duc de Savoie…c’était un peu tard !

Le commandeur Arson était un personnage original, féru de recherches métaphysiques, de philosophie, d’idéaux humanistes et il s’adonnait aussi à la magie !
Son fils Gonzague Arson était un opposant farouche au Rattachement de Nice à la France (1860) et proposait plutôt d’en faire une commune autonome. Après sa mort en 1864 c’est le déclin pour ce magnifique domaine. Il va successivement devenir un grand hôtel (1884) puis une clinique (1927) avec, en corollaire, des modifications des bâtiments et malheureusement une dégradation des jardins.

Dès les années 1920 l’opinion publique s’émeut des morcellements successifs des belles et anciennes propriétés niçoises, la bétonisation pointait son nez déjà !
Tout juste après la Grande Guerre le contexte économique est peu propice à la protection de l’ancienne belle Villa Arson. Les jardins n’occupent plus qu’une superficie de 2,3 hectares.
En 1943, le domaine est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques puis racheté par la Ville en 1948 qui maintient les lieux en l’état n’ayant pas les moyens financiers de faire de grands travaux de rénovation. Il y avait d’autres urgences dans cet après-guerre de 1939-1945. On avait le projet de faire de ce lieu un centre voué à l’art et à l’enseignement de cette discipline.
En 1962, le ministre de la Culture André Malraux en visite à la villa Arson est enthousiasmé et le projet se concrétise. Portée par la renommée de l’Ecole de Nice la Ville cède le terrain à l’Etat en 1965 dans le but de créer un lieu pluriel consacré à l’art contemporain.
Le chantier de transformation de la villa Arson va commencer en 1967, chantier ambitieux dirigé par Michel Marot, grand Prix de Rome en 1954. Cela n’a pas été simple pour autant, vu la réticence des Monuments Historiques devant les structure annexes en béton prévues par l’architecte et considérées comme peu compatibles avec un monument historique, mais il fallait aussi disposer d’une école dotée de moyens et d’équipements modernes.
L’ensemble se présente sous la forme d’un grand vaisseau – muraille triangulaire allongé sous lequel se trouve la partie active du centre (salles de cours, amphis, ateliers) desservie par une rue intérieure et des escaliers. L’éclairage est fourni par des pyramidions translucides émergeant sur la terrasse.

L’architecte a conservé la villa, aujourd’hui siège des services administratifs, décorée de son enduit ocre-rouge d’origine. Le faîte de la façade est ornée d’un phœnix s’envolant au dessus des flammes, emblème de la famille Arson.
La terrasse et les espaces de circulation sont demeurés en béton brut de décoffrage, plaqué de millions de galets du fleuve Var pour les façades.
La végétation des lieux n’est pas absente avec de grands arbres centenaires préservés. Des œuvres d’art sont installées en permanence à l’intérieur et à l’extérieur du site. Cette école d’art inaugurée en 1972 abrite aujourd’hui quelques 200 étudiants. Cette institution est unique en France.
Pour finir, le nom des Arson se rappelle à Nice par une place et une rue dans le quartier de Riquier, une fontaine dans la rue de la Boucherie (Vieux Nice) et la célèbre fontaine des Tritons située au jardin Albert 1er.
Chers Amis, bonne lecture et a si reveire ! 😉
Yann Duvivier – Octobre 2021
Sources :
C.P. : Collection Yann Duvivier
Photos : Yann Duvivier