Après Tu mérites un amour en 2019, la comédienne Hafsia Herzi réalise son 2e long métrage, Bonne Mère, sélectionné à Un Certain Regard au 74e Festival de Cannes. Un regard féminin sur les quartiers nord de Marseille. A ne pas manquer.

La Bonne Mère du titre évoque la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, qui domine Marseille, mais c’est surtout Nora, cette habitante des quartiers nord de la cité phocéenne. Dès l’aube, Nora (étonnante et rayonnante Halima Benhayed), la cinquantaine, prend le bus qui va la conduire jusqu’à l’aéroport où elle travaille comme femme de ménage dans les avions d’Air Corsica. Elle est également auxiliaire de vie auprès de Viviane (Denise Giullo), une vieille dame admiratrice de Frédéric François. Pas facile de joindre les deux bouts et d’élever seule ses enfants et petits-enfants, avec un fils, Ellyes (Mourad Tahar Boussatha), en prison, et une fille, Sabah (Sabrina Benhamed), au bord de la prostitution.
Après un premier long métrage remarqué, Tu mérites un amour (2019), la comédienne Hafsia Herzi signe son deuxième film derrière la caméra. Bonne Mère (qui fait écho à un autre portrait de femme de ménage, la Fatima du film homonyme de Philippe Faucon) aurait même dû être le premier puisqu’elle a commencé à en écrire le scénario en 2007, à partir de situations qu’elle a vécues : « Ce personnage de mère-courage me fascine depuis que je suis petite. J’ai grandi seule avec ma mère qui était femme de ménage. J’ai perdu mon père très jeune. J’ai beaucoup d’admiration pour cette femme qui, quand on se réveillait le matin, avait déjà tout préparé pour nous, avant de partir travailler. Je voulais faire un film sur elle et sur ces femmes-là, qui s’oublient complètement pour leurs enfants, quelles que soient leurs origines. Avant de faire du cinéma et de voyager, je ne connaissais que cet endroit. J’ai grandi dans le quartier Les Oliviers, dans un immeuble juste en face de celui dans lequel j’ai tourné. Cette cité des quartiers nord m’a toujours inspirée. Je voulais immortaliser ces tours avant qu’elles ne soient détruites un jour, montrer les ambiances qui y règnent, faire entendre ses bruits… »
Comme précédemment, la réalisatrice s’est entourée d’une petite équipe. Compte tenu du contexte c’était même nécessaire : « J’ai pu y tourner uniquement parce que j’y ai grandi. J’ai filmé avec une petite équipe, j’aime travailler comme ça, et il est impossible dans cette cité de faire autrement si on veut restituer la réalité de ce qui s’y passe. Il faut se fondre dans le lieu ».

Révélée en 2007 dans La Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche, Hafsia Herzi semble avoir été influencée par le réalisateur et privilégie le réalisme. Elle prend le temps de filmer ses personnages, Nora, bien entendu, mais aussi sa famille, ses enfants et sa belle-fille, et des collègues de travail (…toutes et tous interprété(e)s par des non professionnels !), en gros plans et plans séquences. Elle pose sur eux un regard juste, ne les juge pas, évite l’angélisme et le misérabilisme. Malgré les difficultés et la précarité Nora s’efforce de rester digne. Comme ses proches, elle ne s’apitoie pas sur son sort et essaie d’aller de l’avant. « Tant que je suis debout, je resterai solide » » nous dit-elle.
Présenté au 74e Festival de Cannes, en Sélection officielle Un Certain Regard, Bonne Mère a obtenu le Prix d’Ensemble.
Bonne Mère de Hafsia Herzi (Drame – France – 2021 – 1h36 – Date de sortie : 21 juillet)). Avec Halima Benhayed, Sabrina Benhayed, Jawed Hannachi Herzi, Justine Gregory, Mourad Tahar Boussatha.
Bonne mère au Festival de Cannes
Hafsia Herzi présente son film (TV5 Monde – Patrick Simonin – 2021 – 8mn39)
La bande annonce du film (Paname Distribution – 1mn28)
Philippe Descottes
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