Cinéma / LA NUEE de Just Philippot

La Nuée est le premier long métrage de Just Philippot. Label de la Semaine de la Critique 2020, sa sortie en salle a été reportée en raison du Covid. A la fois film de genre (« fantastique ») et chronique sociale, il sort enfin sur grand écran !

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Virginie et ses enfants – La Nuée – Crédit photo : The Jokers / Capricci / Arte

Sélectionné à la Semaine de la Critique cannoise 2020 (qui n’a pas pu se tenir), le 1er long métrage de Just Philippot aurait du être l’une des très bonnes surprises de l’année écoulée. Sa sortie en salle étant reportée plusieurs fois en raison de l’épidémie de Covid, il a fallu s’armer de patience. Le voilà enfin sur le grand écran, plus d’un an après. Entre temps, il a été remarqué dans les festivals. A Angoulème, puis au réputé Festival du film fantastique de Sitges en Catalogne, où il a obtenu le Prix spécial du jury et le Prix d’interprétation féminine pour Suliane Brahim, et à Gérardmer où il a fait l’unanimité, la critique et le public lui décernant leur prix. Des récompenses méritées pour cette fiction qui est une véritable réussite. Ce qui n’était pas garanti pour un film à rattacher au « cinéma de genre »n d’ordinaire l’apanage de l’étranger, Etats-Unis et Asie principalement, même si les choses ont commencé à bouger dans la production française ces dernières années.

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Suliane Brahim – La Nuée – Crédit photo : The Jokers / Capricci / Arte

Si La Nuée peut ainsi appartenir au genre fantastique, catégorie « horreur », il est aussi un film hybride. L’histoire (écrite par Jérôme Genevray et Franck Victor) est celle de Virginie, veuve, à la fois agricultrice et mère de famille , qui s’est lancée (par défi ?) dans l’élevage des sauterelles comestibles (« L’Avenir !« ) tout en s’occupant de ses deux enfants. Elle doit se battre au quotidien pour survivre et éviter la faillite. Tant pis si, obsédée par son travail et par sa réussite jusqu’à l’aveuglement, elle doit s’enfermer dans une logique de productivité et subir la loi du marché qui lui maintient la tête sous l’eau. La Nuée est à la fois un portrait de femme, un drame familial, une chronique sociale et un « film-catastrophe » comme le définit lui-même le réalisateur : »(…) il y a cette femme (…) qui ne cesse de se donner, de se sacrifier le plus normalement du monde. Ça commence comme un thriller agricole, puis une fois la limite franchie, on atteint un point de non-retour et on tombe dans le film catastrophe ». Avant de poursuivre : « ce qui m’a intéressé dans cette histoire, c’est qu’il s’agissait d’un film d’aujourd’hui, un film qui, à travers sa dimension fantastique, parlait de nous directement, du grand déséquilibre qui affecte le monde et l’agriculture en particulier. Ce déséquilibre est lié essentiellement à une cause : celle de produire pour moins cher. »

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Suliane Brahim – La Nuée – Crédit photo : The Jokers / Capricci / Arte

Des films comme Les Oiseaux, La Mouche ou Phase IV viennent à l’esprit, cependant, il n’est pas étonnant que Just Philippot en évoque d’autres, bien différents, et de citer Take Shelter de Jeff Nichols, Petit Paysan d’Hubert Charuel et le documentaire Anaïs s’en va en guerre de Marion Gervais sur une jeune femme qui se lance dans la production de plantes aromatiques et médicinales. Dans La Nuée l’association réalisme/fantastique (horreur) fonctionne parfaitement. L’évolution est progressive. On glisse d’une situation sociale vers une pathologie à la fois physique et mentale.
Le choix de Suliane Brahim, sociétaire de la Comédie-Française, peu connue du grand public, comme interprète principale se révèle particulièrement judicieux. Son jeu, à la fois psychologique et physique, est impressionnant. Quant aux « adorables » sauterelles (des criquets migrateurs), elles sont réelles, mais aussi virtuelles créées en numérique. Pour Antoine Moulineau, superviseur des effets numériques, avec du métier (The Dark Knight, Avatar) : »
Le film est assez réel. On ne voulait pas tomber soudainement dans le fantastique ou dans le délirant. On s’est appliqués à garder des mouvements naturels. Recréer cette nuée de sauterelles et son comportement était un véritable défi. Ce qui était vraiment important pour nous, c’était d’avoir un effet qui soit spectaculaire mais qui reste plausible. »… à l’opposé de biens des productions fantastiques où la surenchère d’effets et le spectaculaire l’emportent sur « tout le reste ». Comme d’autres, soigneusement bâclées, de C jusqu’à Y, comptent sur les « click & like » pour connaître une notoriété (éphémère).
La Nuée est une très bonne surprise et une réussite sur toute la ligne à découvrir sans tarder au Cinéma.

La Nuée de Just Philippot (Fantastique/Drame – France – 2020 – Date de sortie : 16 juin 2021 – Interdit aux -12 ans). Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne, Raphaël Romand.
La bande-annonce du film (The Jokers / Capricci – 1mn41)
– A propos de l’entomoculture (l’élevage des insectes)

Philippe Descottes

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