Exploration sur plusieurs décennies d’une relation père-fils qui n’en finit pas de se dégrader au cœur de laquelle s’inscrit, en toile de fond, des flashbacks souvenirs. L’histoire façonnée d’une Nation et d’une famille parmi d’autres, fait ressurgir les démons de la violence et de l’intolérance. La symbolique du récit, où archaïsme et modernité s’affrontent, brosse, via le relationnel du « duo », un constat amer et terrifiant. Pour son passage derrière la caméra Viggo Mortensen fait mouche !
Il y a le père, Willis (Lance Henriksen) vieillissant et malade, vivant tout seul dans sa ferme de l’Ontario qu’il a du mal à gérer. Son fils, John (Viggo Mortensen ) va tenter de le persuader de venir s’installer en Californie où il vit , afin de lui trouver un centre d’accueil et de soins et l’avoir proche de lui et s’en occuper avec sa soeur. Willis , invité à se rendre aux retrouvailles familiales, après un rendez-vous médical pour des soins, lorsque le projet lui est présenté, il refusera de quitter sa ferme… et être contrait de changer ses habitudes , d’autant que ça fait bien longtemps que le relationnel avec fils et fille , a été rompus!. Dés lors ,Willis se braque, et les règlements de compte du passé vont refaire surface au cœur d’une soirée de repas qui s’envenime ! Rancœurs et violence verbale du Père y font des étincelles et chacun va en prendre pour son grade !. Alors, va s’installer un bras de fer au cœur duquel le nerf de la guerre des rapports, va finir par faire resurgir les dissensions familiales du passé qui ont fini par s’installer au fil des années et faire se distendre irrémédiablement les liens du sang . Viggo Mortensen s’est inpsiré de son passé familial , pour y inscrire en toile de fond un vécu, reflétant le ressenti révélateur d’une évolution des mentalités et du pays. Celui qui s’est façonnée au fil du temps et des décennies, où l’héritage de la naissance de la Nation entretenu par les décisions politiques et sociales , ont modelé le paysage Américain. Le Cinéaste a choisi d’en décrypter les signes et les conséquences qui en découlent par le biais de la construction subtile d’un récit, au cœur duquel les flashs-backs , viennent par petites touches précises, traduire et décrire à la fois l’évolution des mentalités. En même temps, que le ressenti des individus qui en sont les récepteurs, et en vivent le quotidien selon les conditions sociales et environnementales dans lesquelles ils se retrouvent immergés. Celles qui se font le reflet des comportements et des mentalités , comme l’illustre l’ancrage rural et réactionnaire du Père, incarnation vivante de cette Amérique façonnée et porteuse de l’héritage culturel. A l’image de cette belle séquence où, c’est une réplique de John Wayne dans un Western … que va reprendre Willis, lors d’un conflit avec son fils. Le télescopage du dialogue surfant sur deux situations semblables est une superbe trouvaille . Comme le seront bien d’autres scènes de retour au passé , à l’image de celle de l’apprentissage du fils, à la chasse… ou celle de la chevauchée et dressage à cheval , toutes deux révélatrices d’une éducation familiale paternelle imposée, révélatrice de la naissance des rapports tendus qui s’installent inexorablement. Le cinéaste explique « Une grande partie du film consiste à essayer de comprendre comment le gouffre s’est creusé . John essaie d’accepter son père , et Willis essaie d’accepter John , et c’est lié au fait qu’ils doivent assumer leurs sentiments envers la mère de John» .
Ce fils dont la « contamination » par la « gentry de la communauté » californienne moderne ouverte aux différences, va devenir la cible de l’ire paternelle . Mais qu’est-ce qui lui a donc pris à ce fils indigne de s’éloigner de l’éducation familiale traditionnelle formatrice du maître de maison à qui tout le monde doit respect et obéissance !. Les valeurs et traditions qui s’effondrent, la dégénérescence liberticide : voilà le mal qui gangrène, et Willis qui rentre en fureur envers ce fils qui s’est vautré sans retenue dans la perversion !. Ce fils qui a tout renié de « son » éducation , et qui de surcroît …s’est marié à un homme !, et cerise sur le gâteau : n’ont-ils pas de surcroit adopté une petite fille, qu’ils élèvent ensemble !. Vous imaginez alors le flot de récriminations et d’injures homophobes qu’il se plaira, quand l’envie lui prend , à déverser à son fils ! Willis , homophobe et de surcroit raciste, comme le souligne la réplique cinglante « évidemment, tu a voté pour ce nègre ! »» , qu’il crache presque à la figure de son fils, évoquant l’émergence de l ‘ère Trump . C’est violent , très violent et cette violence là, elle va s’inscrire aussi , tout au long des séquences où le passé va refaire surface. Celles -ci, ouvrant à chaque fois une porte supplémentaire où se déroulent toute une série d’événements qui ont fini par laisser une trace indélébile sur ce vécu du passé familial dont chacun porte les stigmates . Celles dont on découvrira également les conséquences parfois tragiques qui ont fini par imprégner la violence d’un quotidien au cœur duquel, les comportements d’un certain pouvoir masculin finissent par révéler insidieusement le poids de la soumission qui s’y attache . Celle qui finira d’une certaine manière, via le devoir d’autoritarisme instauré par une tradition millénaire qui le perpétue, par détruire l’amour au cœur d’un cercle familial, en y injectant au cœur , le soupçon , la crainte, la jalousie et ( ou ) la soumission qui s’immisce dans le couple, et le cercle familial au cœur duquel il n’est pas question de montrer sa faiblesse. Chacun contraint dès lors de rester à sa place: femme au foyer, enfants obéissants, éducation et travail… la vie quotidienne normalisée !. Mais cette emprise, va finir par attiser les rancœurs de part et d’autre, comme le récit va le révéler, et , on vous en laisse découvrir les étapes qui décrivent le parcours et les souvenirs de John qui finira par s’en libérer, et trouver sa propre voie …
En toile de fond, ce sont les superbes portraits de ces destinées familiales que Viggo Mortensen brosse admirablement via, celui de John auquel il apporte une dimension admirable par la subtilité de son interprétation. Le parcours de celui-ci , dont on suivra les multiples changements de cap pour trouver enfin sa voie , et une certaine forme de dignité dans laquelle il s’enveloppe et se protège, pour faire face . De la même manière que, l’on suivra le même parcours de sa sœur et sa quête de vie et sérénité personnelle. Des portraits sensibles, enrichis et complétés , par le regard porté sur les personnages de la nouvelle génération, à l’image de celui- superbe-de la jeune fille adoptée par John et son mari . Ou encore ceux des enfants de la sœur de John et quelques proches et camarades, au regard distant et parfois provocateur . Sans oublier ces personnages secondaires ( autre belle idée…) qui se retrouvent confrontés à nos héros, à l’image de ce médecin ( David Cronenberg )qui va devoir faire face aux « délires » de Willis refusant les soins …ou encore lui donnant conseil et réclamant des infirmières, plus jeunes !. Et puis , là où Viggo Mortensen nous bluffe littéralement, au delà de la précision chirurgicale de sa mise en scène et de l’impact et l’intensité de son récit , c’est dans cette scène finale magnifique dont il nous fait témoins où se fait écho cette déchirante quête père-fils ( impossible ? ) en forme de tentative réconciliatrice qu’il habille, d’une émouvante et intense pudeur. Et lorsque la dédicace finale : « à mon grand-père et à mon père », apparaît sur l’écran , alors on mesure pourquoi son film est si bouleversant .C’est tout simplement un cri du cœur universel auquel il renvoie : celui de la filiation ! Un superbe récit…et un rendez-vous en salles à ne surtout pas manquer !
(Etienne Ballerini)
FALLING de Viggo Mortensen -2020- Avec Lance Henriksen, Viggo Mortensen, Hannah Gross, Gabby Velis, Terry Chen, Sverrir Gudnason, David Cronenberg
LIEN : Bande -Annonce du Film FALLING de Viggo Mortensen – Distribution Metropolitan Films
Je confirme, film magistral !
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