Le cinéma Cinéma sud-coréen est en deuil. Il a perdu un de ses grands maîtres, Kim Ki-Duk est décédé ce vendredi 11 décembre 2020 en Lettonie où il séjournait, victime du Covid-19. Auteur d’une vingtaine de longs métrages dont certains primés dans les plus grands festivals du monde entier (Venise, Locarno, Berlin, Cannes) , apprécié des cinéphiles pour la qualité de sa mise en scène aux fulgurances poétiques et oniriques , où son goût pour la peinture y rejaillit parfois . Travaillant souvent avec peu de moyens son goût du réalisme et improvisation y sont aussi un moteur, de même que son regard critique sans concessions sur certaines dérives sociétales de son pays …
Né en décembre 1960 à Bongwa dans la province montagnarde de Gyeongsang en Corée du Sud , sa vie ( trop courte) et son parcours ressemblent à un roman. A l’âge de 9 ans avec sa famille il quitte sa province natale pour s’installer à Seoul où il va faire des études au lycée agricole qu’il quittera pour se muer en ouvrier sur des chantiers, mais finira par avoir envie de prendre le large .. en mer, en s’engageant cinq ans dans la Marine. Puis quitte l’aventure du large pour celle du monastère afin d’ y devenir prêtre, mais change d’avis et finira par reprendre la route de l’aventure et passer par une vie de bohème en France où le chemin de la culture se révèle à lui. Avec l’apprentissage à la peinture à laquelle il s’adonne en vendant même ses toiles pour se payer son séjour , et aussi allant , à la découverte du cinéma dans les Salles d’art et d’essai de la Capitale. Au retour dans son pays en 1993, enfin sa décision est prise , de se tourner définitivement vers le cinéma en passant par l’apprentissage à l’écriture scénaristique , puis à celle de la mise en scène . Très vite il se révèle à son aise et se fera rapidement sa place adoubé par les instances ( association des scénariste , et la commission du film Coréen ) qui lui décernent leurs prix pour deux de ses scénarii. Dès lors la porte lui est ouverte pour une carrière dans la mise en scène. Ses deux premiers films réalisés dans la foulée, auront un certain ancrage autobiographie à l’image de Crocodile ( 1996 ) et Wild animals (1996), ce dernier qu’il tourne à Paris mettant en scène deux clandestins coréens dont l’un… est peintre de rue !. Désormais il va enchaîner les films et rapidement , voir sa carrière se concrétiser par la reconnaissance internationale de son travail . Elle arrivera par le Lido et la Mostra de Venise 2000, où son film L’île est sélectionné et y rencontre le succès du public et des critiques élogieuses . Si la reconnaissance s’ouvre à lui , elle est tempéré par l’accueil critique très mitigé dans son pays pour son approche frontale de la criminalité et de la prostitution….
Avec Adresse inconnue ( 2001) il y évoque les séquelles et traumatismes de la Guerre de Corée au travers des destinées brisées de trois adolescents et de leur parents , et puis un thriller (chef de gang et prostitution) Bad Guy (2002 ), il rencontre le succès public dans son pays . Tandis qu’au plan international sa renommée se retrouvera encore un peu plus confortée l’année suivante avec le magnifique Printemps, été , automne , hiver …et printemps (2003) qui triomphe au Festival de Locarno ( 7 prix …dont celui du Jeune public et de la Confédération internationale des cinéma d’art et d’essai ). Le récit nous immerge dans le quotidien rythmé par les saisons d’un maître et son jeune disciple au cœur d’un temple boudhiste : apprentissage , questionnement moral , et symbolique animale , le tout porté par une époustouflante beauté plastique de la mise en scène. Désormais le cinéaste va « cumuler » les distinctions , et sera suivi par des fans qui adhèrent à la singularité de son regard puissant. Avec Samara (2004, Ours d’argent au festival de Berlin ) il construit un drame bouleversant sur la prostitution des mineures , pointant l’éducation sexuelle des jeunes quasi inexistante qui en fait des « proies » plus faciles ! Avec Locataires ( 2005 Lion d’argent à Venise ) un couple en conflit dont l’appartement est visité par un sdf en quête de squat , est entraîné par lui dans un superbe jeu de dupes poétique. Puis il explore dans Arc ( 2005 ) le triangle amoureux toxique entre un jeune couple et un vieil homme , et dans Time ( 2006 ) le couple confronté à l’usure du temps et du désir , ou cet autre dans Souffle (2007) devant faire face à la jalousie qui s’insinue. Puis c’est une pause avec un récit Dream (2010 ) aux accents policiers auxquels il imprègne une belle dimension hypnotique ambulatoire et cauchemardesque. Avec Arirang (Prix Un Certain Regard, Cannes 2011) il se met en scène et se livre, face caméra dans une sorte d’ improvisation au cours de la quelle il se confie . Dans sa cabane -refuge où il s’est retiré , il évoque ses doutes et déceptions , les difficultés de financement , les collaborateurs qui s’en vont . Et puis cet incident de tournage qui a failli coûter la vie à sa comédienne de Dream, il culpabilise en une sorte de mise en abîme et en scène auto-psychanalytique où ses envolées délirantes de banalités parfois , et ses colères sont révélatrices de cet amour-cinéma qui est toute sa vie, son obsession. Dont il nous offre le petit théâtre par sa mise en scène minimale , en maître d’œuvre jouant plusieurs personnages et s’interviewant, caméra au poing …
Puis quelques mois passés, l’énergie retrouvée… ce sera une nouvelle consécration vénitienne avec Pietà (2012, qui remporte le Lion d’Or) , une magnifique tragédie au cœur de laquelle la double violence s’inscrit au cours des retrouvailles entre un fils et cette mère qui l’a jadis, abandonné. Le film faisant référence à la célèbre sculpture la pietà de Michel Ange , construit autour de ces retrouvailles un admirable cheminement . Celui au cœur duquel la violence de l’abandon subi , et la quête du pardon maternel vont engendrer un face à face digne d’une tragédie grecque, tout simplement magnifique ! .Puis le retour à une autre drame du couple et de la jalousie ( Moébius , 2013 ) , avec la descente vers dans la folie émasculatrice de la femme trompée . Suivi d’une nouvelle pause Policière ( One to One , 2014 ) et une enquête criminelle sur fond de suspicion terroriste consécutive au meurtre d’une lycéenne. Dans Entre deux rives ( 2016 ) abordera un sujet qui lui est cher … et éminemment politique, évoquant la séparation des deux Corées. Au cœur du lac servant de frontière, un pêcheur Nord-Coréen dont l’embarcation est victime d’une avarie , va dériver vers le Sud. Arrêté, molesté, et soupçonné d’espionnage, il est considéré comme un traître méritant la mort, et pris au piège des enjeux politiques et stratégiques en question auxquels le cinéaste offre une vraie et belle réflexion et dimension humaine. Son dernier film Din (2019), dont le tournage a eu lieu au Kazakhstan, n’ a pas été distribué à ce jour dans les salles en France, toujours fermées pour cause de pandémie. Merci de nous avoir fait partager avec vos films votre passion cinéma. R.I.P Monsieur Kim Ki-Duk. .
(Etienne Ballérini)
LIENS :
Bande- Annonce du film WILD ANIMALS de Kim Ki Duk (1996)
Bande- Annonce du Film L’ ILE de Kim Ki Duk ( 2000) – Crédit Studio Canal
Bande- Annonce du film : PRINTEMPS,ETE, AUTOMNE , HIVER … et PRINTEMPS de Kim Ki Duk – Pretty Pictures Distribution
Bande- Annonce du Film : LOCATAIRES de Kim Ki Duk (2005 ) – Pretty Pictures Distribution
Bande-Annonce du film PIETA de KIm Ki Duk ( 2012 ) – Crédit : Pretty Pictures
Bande -Annonce du film ENTRE DEUX RIIVES de Kim Ki Duk ( 2016 ) – ASC Distribution.

Je me souviens avoir vu « l’île », il y a bien longtemps.
Triste départ.