L’immense comédien Ecossais s’est éteint samedi 31 octobre, aux Bahamas où il résidait, a annoncé sa famille à la BBC. Il avait 90 ans. Sean Connery et James Bond – Crédit photo : Eon/UA
Sean Connery c’était (c’est) 007, l’agent secret le plus célèbre au monde. « My name is Bond, James Bond ».
Je me souviens qu’en 1989 il déclarait :« Il est presque impossible de tenter d’effacer l’image de Bond ». C’était 6 ans après son dernier James Bond.
Il est vrai que sa carrière a pris une autre dimension en 1962 avec la sortie dans les salles de cinéma de James Bond 007 contre Dr No de Terence Young dont il tient le premier rôle avec pour partenaire féminin Uursula Andress. Il s’agit de la première adaptation cinématographique de l’un des romans à succès et du personnage nés de l’imagination de Ian Fleming, lui-même ancien espion. Pourtant, Sean Connery (31 ans alors) a bien failli être recalé…
Je me souviens que Cary Grant, James Mason, David Niven ou Richard Burton et bien d’autres vedettes ont été pressenties pour interpréter l’agent secret au service de Sa Majesté. Mais des questions d’agenda ou de cachet (le budget est alors limité) amènent la production à renoncer à engager une star. Le producteur Albert R. Broccoli a remarqué Sean Connery dans Darby O’Gill et les farfadets, une production (oubliée à juste titre) du studio Disney. Pour autant, comme Ian Fleming, il n’est pas totalement convaincu. Il se dit que ce sont leurs épouses qui parviennent à les convaincre : « C’est lui ! Il respire le sexe… » ! Après le succès au box-office de ce 1er volet, Sean Connery tourne dans quatre autres James Bond :Bons baisers de Russie en 1963, Goldfinger en 1964, Opération Tonnerre en 1965 et On ne vit que deux fois en 1967. Puis, il décide d’arrêter. L’acteur Australien George Lazenby prend le relais et tourne dans Au service secret de Sa Majesté (1969). Mais la production veut faire revenir Sean Connery sur sa décision : « J’ai voulu me retirer après l’avoir joué cinq fois, et je n’ai tourné Les diamants sont éternels (1971) que parce qu’il pouvait me rapporter 1 million de dollars pour le Fonds écossais pour l’éducation. » En 1983, il endosse le rôle une 7e et dernière fois avec Jamais plus jamais réalisé par Irvin Kershner. Toutefois, le film n’est pas produit par Albert R.Broccoli. Conséquence, il n’est pas considéré comme un James Bond officiel et Sean Connery se brouille avec Albert R. Broccoli !
Dans l’article qu’il lui consacre, le journaliste Philippe Lemoine écrit : « Dans ce rôle, Sean Connery a surpassé tous les autres. Parce qu’il fut le premier ?Peut-être… Surtout parce qu’il lui a donné une forme d’animalité habillée dans un smoking. Un mélange de classe évidente et de violence de voyou. Un sourire carnassier, une aisance naturelle, une répartie sans faille même dans les pires situations, James Connery ou Sean Bond chavire le cœur des femmes et attise la jalousie des hommes. Combien ont cherché à lui ressembler… Il a su créer un style qui collait parfaitement à l’œuvre de Ian Fleming. On pourra le trouver aujourd’hui macho, dinosaure, buveur, dragueur… Mais ce fut le tour de force de Sean Connery, faire de ce personnage trouble, une icône de l’éternel masculin.(« Ouest France » – n° du 1er novembre 2020). « L’éternel masculin » d’un autre temps.
Sean Connery golfeur – Crédit photo : DR
Je me souviens que Sean Connery aurait pu devenir footballeur professionnel…
Né le 25 août 1930 dans un quartier ouvrier d’Edimbourg, Thomas Sean Connery quitte l’école à 13 ans et travaille très tôt pour venir en aide à ses parents. Son père est conducteur d’engins de travaux, sa mère est femme de ménage. A 16 ans il s’engage dans la Royal Navy. C’est au cours de cette période qu’il se fait graver deux tatouages sur l’avant-bras : « Mum and Dad » et « Scotland Forever ». A cause d’un ulcère, il retourne à la vie civile trois ans plus tard et enchaîne des petits boulots : maçon, maître-nageur, routier, livreur de charbon, modèle aux beaux- arts d’Édimbourg et… polisseur de cercueil ! Passionné de football, il a les qualités requises pour devenir joueur professionnel. Le Celtic (club dont son père est supporter) s’intéresse à lui, mais c’est Manchester United qui lui fait une proposition de contrat, qu’il refuse pourtant ! « Je voulais vraiment accepter (…) mais j’ai compris qu’un footballeur professionnel pouvait avoir son passé derrière lui à 30 ans et, moi, j’en avais déjà 23 (…). Donc j’ai décidé de devenir acteur, ce qui s’est avéré être l’une des décisions les plus intelligentes que j’aie jamais prises. » ». A cette époque, au début des années 1950, il pratique également le culturisme et se retrouve alors devant les caméras. C’est le début de la scène et de l’écran , avec de la figuration tout d’abord et, à force d’obstination, les premiers vrais rôles. Puis est arrivé James Bond…
Je me souviens que Sean Connery accordait une grande place au sport. Au football, il suivait les Rangers (l’autre club de Glasgow) et il lui arrivait d’aller voir des matchs en Coupe d’Europe. De même, il suivait l’équipe d’Ecosse. Il était par ailleurs ami avec une autre icône écossaise : Sir Alex Ferguson, coach légendaire de Manchester United. Il y a eu aussi le tennis. Joueur amateur, Sean Connery assistait à l’occasion à de grands tournois. Enfin, le golf. Une passion qui lui est venue lors du tournage de Goldfinger dans lequel James Bond et le « méchant » effectuent un parcours. Au site Golf Today il a déclaré : « (…) n’avoir jamais eu envie de jouer au golf avant, même si j’ai grandi en Écosse. Et là, j’ai attrapé le virus. J’ai commencé à prendre des cours et cela a presque pris le dessus dans ma vie. C’est comme une métaphore de la vie. Au golf, vous êtes essentiellement seul, en compétition contre vous-même et en essayant toujours de faire mieux. Si vous trichez, vous serez le perdant, car vous vous trompez vous-même. » Le nom de la Rose – Crédit photo : AAA/20th Century Fox
Je me souviens que Sean Connery acteur c’est…
…près d’une centaine de films pour la télévision, mais surtout au cinéma. Qu’il a tourné cinq films sous la direction de Sidney Lumet (La colline des hommes perdus, 1965, Le Gang Anderson, 1971, The Offence, 1973, Le crime de l’Orient-Express, 1974, et Family Business, 1989) qui a déclaré à son propos : « Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire. J’ai toujours su de quoi il était capable. John Huston, quand il l’a engagé pour L’Homme qui voulut être roi, le savait également. Sean a toujours su jouer comme un géant. Mais c’est seulement dans les dix ou quinze dernières années que les gens ont commencé à dire : “Ça alors ! Il sait jouer !” » (Vanity Fair – 1995). Qu’il a donné la réplique à Tippi Hedren dans Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock, qu’il a sauvé Brigitte Bardot des Apaches dans Shalako, western d’Edward Dmitryk, qu’il a été mineur gréviste dans Traître sur commande de Martin Ritt, Robin des Bois dans La Rose et la Flèche de Richard Lester (1975), le moine détective Guillaume de Baskerville dans Le nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud (qui ne croyait pourtant pas en lui avant de le rencontrer…) et le père d’Indiana Jones (Harrison Ford) dans Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, ou encore, commandant d’un sous-marin soviétique dans A la poursuite d’Octobre Rouge de John McTiernan…
Je me souviens également qu’il refusé de jouer Morpheus dans la trilogie Matrix des frères Wachowski, et Gandalf dans celle du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, ainsi que dans L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, le rôle-titre reviendra finalement à Steve McQueen.
Je me souviens qu’il a reçu en 1986 un British Academy Film Award pour son interprétation dans Le Nom de la Rose, et, en 1987, l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle, celui d’un policier (Irlandais !) dans Les Incorruptibles de Brian De Palma. Anobli par la reine Elizabeth II en 2000,malgré son engagement politique, il a mis un terme à sa carrière cinématographique en 2004. Les Incorruptibles – Crédit photo : Paramount Pictures/ UIP
Profondément attaché à Edimbourg, sa ville natale, et à son Pays, il s’est longtemps engagé pour l’indépendance. Il rêvait de revenir y vivre le jour où l’Ecosse serait indépendante…
Je me souviens que Sir Sean Connery avait une relation particulière avec la France. En 1962, il était déjà un Tommy débarquant sur une plage de Normandie dans Un jour le plus long. Cependant, en épousant en secondes noces la peintre Micheline Roquebrune, originaire de la région, il est souvent venu sur la Côte d’Azur et à Nice en particulier. Il y était déjà venu (notamment à La Victorine) pour le tournage de Jamais plus jamais. Il avait également une propriété, le Roc Fleuri, située sur le Cap de Nice.
On ne vit que deux fois… la vie terrestre d’un Géant du Cinéma vient de s’achever, la seconde, avec les souvenirs qu’elle laisse, sa carrière cinématographique, ses engagements, est éternelle. Reposez en paix Sir Sean Connery.
Quelques hommages et souvenirs :
Jean-Jacques Annaud : « C’était une Rolls, rien n’était plus facile que de le diriger. C’est une mécanique tellement précise et tellement bien. Il avait une voix troublante et une classe extraordinaire »
Barbara Broccoli et Michael G. Wilson, producteurs : « Nous sommes dévastés par l’annonce du décès de Sir Sean Connery. Il était et sera toujours dans les mémoires comme le James Bond originel (…). Il a changé le monde avec son interprétation de l’agent secret si sexy et charismatique, et a sans nul doute joué un rôle essentiel dans le succès de la saga. Nous lui seront toujours reconnaissants. »
Pierce Brosnan : « Sir Sean Connery, vous étiez mon plus grand James Bond, pour le garçon que j’étais et pour l’homme qui est devenu lui même James Bond. Vous avez jeté une immense ombre de splendeur cinématographique qui vivra éternellement »
Daniel Craig : « C’est avec une immense tristesse que j’apprends le décès d’un des vrais plus grands du cinéma. On se souviendra toujours de Sir Sean Connery comme de James Bond, et tellement plus. Il était la définition d’une ère et d’un style. L’esprit et le charme qu’il laissait transparaître à l’écran aurait pu être mesurée en mégawatts… »
Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes : »Sean Connery avait toutes les qualités britanniques:le flegme, l’humour, le contrôle, le golf, l’understatement, plus, par sa femme, toutes les qualités françaises : amour de l’art, l’esprit,l’œil narquois, l’allure + une présence internationale. Quel acteur! Quelle belle vie ! »
George Lazenby : « Pour moi, la chose la plus importante était que son travail allait bien au-delà de Bond: dans les œuvres de charité, dans sa famille, dans la politique et dans le golf. Un homme au grand coeur. Un grand acteur, un grand homme et un artiste sous-estimé nous a quittés »
Site officiel à la mémoire de Roger Moore : « Quelle tristesse infinie d’apprendre la mort de Sir Sean Connery. Roger et lui ont été amis pendant de nombreuses décennies et Roger a toujours soutenu que Sean était le meilleur James Bond »
Stéphanie Renouvin, ancienne présentatrice de journaux télévisés et petite-fille par alliance : « Vous connaissez l’acteur flamboyant à la carrière extraordinaire mais dans l’intimité c’était un homme très humble, très drôle, très fin, très famille« .
A voir également :
Seanconnery le site officiel
Tribute to Sean Connery (JoBlo Videos – 8mn15)
Sean Connery : jamais plus jamais (Arte – 1mn37)
C’est quoi Sean Connery ? (Blow-up – Arte – 13mn47)
007 – Inside the World of James Bond le site officiel
jamesbond-fr.com site français
Sean Connery au Festival de Cannes – Entretien avec François Chalais -(ORTF/INA – 27 mai 1975 – 9mn47)
Philippe Descottes
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