Cinéma/ ADIEU LES CONS d’Albert Dupontel

Trois ans après Au revoir là-haut, Albert Dupontel effectue un grand bond dans le temps avec Adieu les Cons, une « tragédie burlesque » sur la rencontre de deux solitudes, deux laissés-pour-compte mis en marge par un société déshumanisée.

       JB (Albert Dupontel) – Crédit photo : Gaumont

Trois années se sont écoulées depuis l’ambitieux et excellent Au revoir là-haut, tiré du roman de Pierre Lemaître, Prix Goncourt 2013, et Adieu les Cons, mais aussi un sacré bond dans le temps, plus de 100 ans, entre l’après-Guerre et la Belle Epoque et le monde d’aujourd’hui, cadre de cette nouvelle histoire, la rencontre de deux solitudes, « entre quelqu’un qui voudrait vivre mais ne peut plus, et quelqu’un qui peut vivre mais ne veut plus ». Celle de Suze Trappet (Virginie Efira, la comédienne, épatante, dévoile ici un large spectre d’émotions), coiffeuse à qui son médecin (Bouli Lanners) annonce qu’elle est atteinte d’une maladie incurable (…suite à l’inhalation de laque dans son métier) et que ses jours sont comptés, qui part à la recherche du fils qu’elle a abandonné 28 ans plus tôt, et de JB (Albert Dupontel, impeccable), génie de l’informatique et fonctionnaire au Ministère de l’intérieur, qui voit sa promotion lui échapper et qui décide en conséquence de se suicider… C’est son suicide raté qui va réunir JB et Suze, bientôt rejoints par M.Blin, un archiviste devenu aveugle à la suite d’une bavure policière (Nicolas Marié, savoureux, qui était un avocat bègue mémorable dans Neuf mois ferme). Les circonstances extravagantes de leur rencontre vont intriguer et alerter la police qui se lance aux trousses de « dangereux terroristes » mis en marge par un société déshumanisée. Une traque qui va donner lieu à des péripéties rocambolesques lesquelles vont se succéder à un rythme effréné. Les personnages des premiers films de Dupontel réalisateur étaient plus « branques », marginaux, et/ou déjantés (Bernie, le SDF de Enfermés dehors, le braqueur du Vilain), depuis Neuf mois ferme ses laissés-pour-compte, ses recalés de la vie, sont désormais plus identifiables, ordinaires.

     JB, Suze et M.Blin – Crédit photo : Gaumont

Rien de commun en apparence entre Au revoir… et Adieu les Cons, puisque, outre le changement d’époque, il s’agit d’une adaptation littéraire pour le premier et d’un scénario original pour le second. Cependant, pour l’un comme pour l’autre, c’est une question de gros sous. En effet, sur les deux films Albert Dupontel a bénéficié d’un budget important. C’était visible avec la reconstitution historique d’Au revoir là-haut, ça l’est nettement moins avec Adieu les Cons. Malgré tout, il faut savoir que ce quartier de bureaux et son immense tour, qui ressemble à s’y méprendre à La Défense, et ou se déroule la dernière partie du film, n’est pas un décor naturel et n’existe que grâce à la magie des effets spéciaux. Autres liens avec Au revoir… et les cinq précédents films du réalisateur-interprète, le thème de la filiation est de nouveau abordé et l’on retrouve une galerie de seconds rôles sympathiques, dont : Bouli Lanners, Nicolas Marié (même si tous les deux était indisponibles pour Au revoir…), Philippe Uchan ou Michel Vuillermoz.

         JB et Suze – Crédit photo : Gaumont

A propos de Bernie et du Créateur, ses deux premiers longs métrages devant et derrière la caméra, le réalisateur précisait déjà : « (…) un point commun entre ces deux films, c’est l’envie de parler de choses dramatiques de façon « farcesque » et burlesque ». Une envie qui le démange toujours. Plutôt que d’employer l’expression « comédie dramatique », Albert Dupontel préfère présenter Adieu les Cons comme une « tragédie burlesque », avec un monde bien à lui, absurde et loufoque, et des références assumées et revendiquées, à Charlie Chaplin, et, bien sûr à Monty Python et Brazil de Terry Gilliam. D’ailleurs, le film est dédié à Terry Jones (l’un des membres des Monty Python, décédé le 21 janvier 2020) et Terry Gilliam apparaît en caméo comme il a déjà eu l’occasion de le faire auparavant (Enfermés dehors, Neuf mois ferme). La bureaucratie kafkaïenne, l’archiviste « placardisé », la tour aux ascenseurs extérieurs sont un héritage de Brazil au même titre que les patronymes de Kurtzman, Lint ou Tuttle que le cinéaste emprunte au chef d’œuvre de Gilliam.
Albert Dupontel signe un film à l’humour grinçant, poétique et romanesque, mais également politique par son observation de la société (les Cons en question du titre sont : l’administration, les cols blancs, la police), tout en se gardant d’asséner un message. « Je commente le monde que je traverse, je ne juge pas » a-t-il déclaré lors d’une avant-première.

Adieu les Cons de et avec Albert Dupontel (Tragédie burlesque – France – 2020 – 1h26) Avec également, Virginie Efira, Nicolas Marié, Philippe Uchan, Michel Vuillermoz, Bouli Lanners.

Voir également :
La bande-annonce du film (Gaumont – 1mn53)
Le site officiel d’Albert Dupontel
Philippe Descottes

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3 commentaires

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