Cinéma / UNA PROMESSA de Gianluca et Massimiliano De Serio

Le sud de l’Italie, le travail des journaliers au champs d’une mère de famille dans des conditions tragiques et sans doute suspectes. Inspiré d’un fait divers, le récit des frères cinéastes interpelle sur les conditions d’exploitation auxquelles son soumis le travail des saisonniers sans dignité et respect des droits, et en toute impunité. Un cri d’alarme…

Le père , Giuseppe ( Salvatore Esposito ) et son fils Ando ( Samuele Carino ) – Crédit Photo : Shellac Distribution –

Les jeunes cinéastes italiens qui se révèlent aujourd’hui au cœur d’une cinématographie en crise de production et d’exploitation , ont le mérite de faire front et le font souvent avec grand talent, y inscrivant leurs regards sur les sujets de société avec acuité . Prolongeant souvent la tradition du cinéma italien Néo-réaliste y mettant en avant à l’image du Voleur de Bicyclette de Vittorio De Sica, ces petite gens que le cinéma sous surveillance du pouvoir Mussolinien , avait jusque là ignorés . Les frères Jumeaux Turinois dont on découvre leur troisième long métrage , en sont des exemples ayant choisi d’emprunter cette voie,  dès  leurs deux premiers longs métrage inédits en France. Évoquant, ici ,  leur grand- mère paternelle journalière travaillant dans des condition semblables il y a plus de cinquante ans. Et expliquant : «  on découvre au aujourd’hui que les conditions , n’ont pas changé, et ont même empiré…on a voulu à partir de ce fait divers récent , enquêter su cette réalité invisible de milliers de travailleurs et travailleuse saisonniers : italiens appauvris et immigrés…travaillant dans les champs, et à la merci des nouveaux caporaux et,                    «  intermédiaires  de la violence des patrons ». Dès la première séquence , les deux frères nous inscrivent dans ce réel où la mère saisonnière , Angela ( Antonella Carrone ) partie tôt au travail , un peu plus tard père et fils alertés par un appel téléphonique par l’hôpital les informant que la mère… est décédée victime d’une crise cardiaque !. Le choc est rude , et il l’est d’autant plus qu’elle était, la seule source de revenu du ménage , car le père victime d’une accident de travail sur une carrière n’est plus autorisé à travailler . Père et fils vont devoir faire face, le passage à l’aide alimentaire des associations, est un recours provisoire . Père et fils dignes dans la douleur , le père, Giuseppe ( Salvatore Esposito) tente de consoler Anto (Samuele Carrino) son fils de dix ans dévasté, en lui faisant la «  promesse » titre du film de « lui rendre sa mère » , dit-il . Rêve entretenu par ce magnifique lien renforcé par la tragédie , et qui trouvera son prolongement au cœur du récit par le biais de ce recours mémorial à la défunte dont le fils entretiendra le souvenir, via notamment les objets (photos, vêtements) de celle-ci . Ou par le biais d’échanges-souvenirs avec son père, de ces instants de bonheur familial partagé, dont les scènes qui l’illustrent offrent un délicat et superbe regard pudique qui en renforce le lien ombilical, dont le petit Anto cultive le souvenir maternel. Et puis Il y a également au cœur de ce vécu quotidien père-fils, via cette   « promesse » plus symbolique que possible, la nécessité de donner vie et concrétiser celle-ci comme lien sentimental et stimulateur, du nécessaire « parcours de survie » permettant de se construire un nouveau futur …

Pére et fils au travail saisonnier – Crédit Photo : Shellac Distribution –

Trouver du travail pour est désormais un des objectifs pour se sortir de la misère, afin de plus devoir avoir recours à la soupe populaire. Sous les conseils de son ancien patron qui le recommande à un collègue ,Giuseppe va se retrouvé embauché avec son fils… dans cette même exploitation de fruits et légumes et élevage animalier , dans laquelle travaillait , la mère défunte ! . Dès lors , les cinéastes nous plongent au cœur de cette entreprise dont ils nous font les témoins du quotidien d’une forme d’exploitation humaine  sous contrôle, dont ils découvrent les dessous . La belle idée des cinéastes est alors de nous offrir en guise de préambule à cette réalité, leur choix de récit en forme de superpositions habiles et symboliques  leur mise en scène . Celui -ci nous immergeant dans une subtile réflexion dont les images des lieux, ville et campagne , se font constat des mutations modernes, se muant en métaphore du cheminement auquel les destinées des individus sont liées. Nature et hommes, désormais soumis aux priorités du modernisme rampant et prédateur n’ont plus la possibilité de vivre en harmonie. La symbolique est forte, soulignée par les images de la petite ville ou habitent nos héros et une population qui en  subit les conséquences , et puis , avec cette campagne aux champs cultivés où s’est installé l’univers de l’entreprise moderne et du travail, dont père et fils, vont découvrir la réalité . Celle d’une région , les pouilles, que les cinéastes connaissent bien et la reflète , expliquent-ils «...un paysage de mort déjà annoncée , métaphore du destin qui semble attendre et embrasser Angela , et d’autres encore » . C’est là , que Giuseppe et son fils, en partageant le vécu quotidien de ceux qui y travaillent , vont découvrir et comprendre la tragique réalité qui s’y joue, et celle qui s’est probablement jouée pour  Angela . S’inscrivant sous influences picturale  du réalisme ( Courbet) , les frères cinéastes nous immergent dans la noirceur d’un constat comme prolongement du drame familial vécu. Celui qui les plongera dans le ténèbres douloureuse d’une destinée dont le récit ouvrira les portes de la dignité par la magnifique relation consolatrice père -fils, ouvrant à l’espoir entretenu , auquel l’innocence du regard d’Ando apporte, une sublime et bouleversante réponse . Celle  , aussi , portée beau personnage de Rosa ( Lica Lanera) qui a connu et travaillé avec la mère d’Ando dans ce lieu, et qui viendra d’une certaine manière laisser entrevoir, l’espoir de la possible concrétisation de la promesse , on ne vous en dira pas plus…

Père et fils , une autre scène de travail quotidien aux champs – Crédit Photo: Shellac Distribution-

Par contre , c’est sur l’élément fait divers sociétal qui a incité les frères cinéastes à poser leur regard sur sujet y faisant écho au travers de leur histoire familiale : l’exploitation sans vergogne des travailleurs saisonniers et des clandestins, qui se perpétue au fil des génération se muant en une forme d’esclavage moderne, sous emprise économique « mondialisée » . Dans de nombreux pays , dont l’Italie objet ici de leur constat implacable qui en dit long aussi, sur l’impunité dans laquelle elle se déroule. Celle dont témoigne la scène du père à qui son ancien employé refuse de lui redonner du travail , arguant du prétexte «  tu as été victime d’un accident de travail et mis en arrêt , il y a des lois on est contrôles, je ne peut pas me retrouver en faute » . Mais alors : pourquoi , un décès sur le lieu de travail , n’est-il pas objet d’une enquête ? comme c’est le cas pour Angela ? . Pourtant, quand on découvre ce qui se passe dans cette exploitation où Giuseppe et son fils de retrouvent en ouvriers saisonniers et où , Ando son fils de dix ans y est exploité et pas payé …on priera le père de se taire ! . Exploiter une enfant ne tombe-t-il pas sous le coup de la loi ?… ou , est-ce que l’on laisse faire certains patrons et leurs «  caporaux »   aux ordres chargés de faire la loi afin que rien ne puisse sortir du lieu ? . La violence et la pression , envers ceux qui auraient la tentation d’en témoigner, est implacable !. On est contraint de travailler et se taire , exposés sans protection de la sous projection des pesticides désherbants !. Les immigrés y sont logés dans les lieux et abris insalubres où un incendie peut avoir des conséquence terribles . Peu importe , la Mafia des exploiteurs sans vergogne de vies humaines peut dormir tranquille et s’enrichir. Constat amer : « la violence est celle du monde dans lequel évoluent nos protagonistes : la pauvreté , l’hypocrisie du pouvoir, la lutte farouche pour la survie l’exploitation des travailleurs , et aussi la violence faite sur les femmes, les morts cachées .. », pointent les cinéastes . C’est à celle -ci qu’ils renvoient le final de leur récit, en forme de tragédie et de cri d’alarme , dont on vous laissera le soin de la découverte. Una Promessa , est un film fort qui n’hésite pas à interpeller les italiens , mais aussi les autres pays, où les mêmes exploiteurs sans foi ni loi , sévissent…

(Etienne Ballérini )

UNE PROMESSA de Gianluca et Massimo De Serio  -2020-durée : 1h 41 –

AVEC : Salvatore Esposito, Samuele Carrino , Lica Lanera , Vito Signorile, Antonela Carone ,
Giuseppe Loconsole, Mamadou Touré …

LIEN : Bande-Annonce du Film : UNA PROMESSA – Shellac Films Distribution-

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