Le cinéaste Allemand s’approprie le conte d’Ondine au cœur du Berlin d’aujourd’hui, y prolongeant l’exploration du mythe et du mystère féminin. Romantisme, romanesque, fantastique et suspense s’invitent au cœur du récit des destinées du présent, où les fantômes du passé et de l’histoire du pays rôdent vertigineusement …

Le rendez-vous sur la terrasse du café avec l’homme qu’elle aime se transforme pour Ondine en désillusion qui va la plonger littéralement dans le cauchemar de la trahison, lorsque son amoureux Johannes ( Jakob Matschenz ) lui annonce qu’il la quitte !. Les mots blessants pour le lui dire comme une évidence irréversible par cet homme « sans âme », déclenchent aussitôt la réplique « ... alors, je dois te tuer ! » . D’emblée est posée la référence à la légende , et au conte Germanique de Friedrich de La Motte -Fouqué dont, l’enjeu est… que l’amant infidèle de la naïade, doit mourir ! . Dans les précédents films du cinéaste : Jérichow ( 2008) , Barbara ( 2012), Phoenix ( 2014 ) et Transit ( 2018 ) , ses couples héros victimes , sont emportés par le tourbillon de l’histoire ( la nazisme et les camps , le « mur » de la séparation, le terrorisme, résistance ou exil …) dans laquelle ils sont immergés , et vont se battre pour tenter de survivre. C’est ce que va faire , ici également, Ondine qui refuse la « malédiction » de… la fable destructrice de l’amour!. En femme moderne , dont le cinéaste « actualise » la relecture , par l’insoumission et sa révolte contre le mythe : elle veut être libre de décider !. Et dès lors, la rencontre d’un autre homme et de ce nouvel amour qui lui donne le sentiment d’être enfin « aimée pour elle-même » , elle voudra le faire perdurer, et va se battre pour rejeter le désespoir et la malédiction . C’est cet enjeu qui est le sien , et que le cinéaste lui aussi a voulu relever . Celui d’une mise en scène dans laquelle il invite le spectateur à le suivre avec son héroïne Ondine ( Magnifique Paula Beer, Ours d’Argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin 2019 ), dans son approche au cœur du « vertige » hitchcockien (Vertigo est le film préféré du cinéaste … ) qu’il nous propose , ouvrant d’autres perspectives et horizons, dans lesquels il faut se laisser porter. Comme c’était le cas et l’enjeu aussi, pour le superbe récit d’amour aquatique distillé par Guillermo del Toro dans La forme de l’eau ( 2017 ). C’est l’enjeu aussi de l’invitation visuelle et émotive d’une mise en scène qui, ici , nous y invite par sa magnifique chorégraphie ( belles scènes aquatiques) au romantisme exacerbé . Celui auquel , la scène de la rencontre entre Ondine et Christoph (Franz Rogowski , superbement magnétique, lui aussi ) , où le choc de la frénésie amoureuse qui s’y invite chez ce dernier , provoquera la chute et le bris de l’aquarium…

C’est d’ailleurs , resté sous le charme de la conférence donnée au Musée de la ville par Ondine historienne de l’Urbanisme qui y est employée en free-lance , que ce dernier a décidé de la suivre et l’aborder dans le bar proche du musée ! Le double choix de la rencontre symbolisé par la séquence évoquée qui va se dérouler entre elle et ce plongeur professionnel , le vécu et la concrétisation d’une passion amoureuse sur laquelle pèse la menace du conte toujours présente, rendant Ondine qui veut s’y soustraire , vulnérable. Pour concrétiser cet aspect, Christian Petzold, fidèle à son approche du contexte dans lequel évoluent les personnages de ses films , nous invite ici, par le biais du métier d’Ondine à nous ouvrir à une nouvelle perspective et approche passionnante qu’éclaire l’histoire des origines de la naissance de la ville de Berlin et ses multiples métamorphoses architecturales. Celles-ci faisant le « lien » avec le conte , en effet , durant la préparation du film lui ont été montrées des maquettes exposées au Stadtmuseum racontant l’histoire de l’évolution au fil des siècles de la ville « … Berlin est une ville construite sur des marais elle a pour ainsi dire asséché un monde …pour devenir une grande ville , n’ayant pas de mythes en tant que ville devenue marchande : elle les a importés .. et les a desséchés, comme elle a effacé son histoire …», dit-il . Les multiples constructions et ré-adaptations du paysage Urbain au fil des siècles, puis l’histoire récente du pays et le mur de l’époque de la guerre froide , dont Berlin Ouest et Est , en rivaux se sont lancés dans une guerre de contributions symboliques sous influences politiques de destructions et reconstructions. Son Ondine Christian Petzold l’immerge dans le monde moderne, en personnage de conte qui veut devenir humaine . C’est à ce « choc » là, cette approche où réalisme et conte se bousculent et ouvrent le récit au questionnement sur le poids de tout ce passé sur les destinées humaines… ne leur laissant qu’un mince espace de liberté , dont parfois , il faut payer chèrement le prix !. C’est,vers cette quête , cet objectif qu’ Ondine s’est fixée pour écrire son nouveau destin . Face au monde de la malédiction qu’illustre cette séquence où elle plonge dans le lac avec Christoph leurs corps s’élançent autour d’une épave où son nom est inscrit . Superbe chorégraphie scénique à laquelle renvoie la double idée de l’eau son élément naturel qui veut la reprendre… et vers lequel elle ne veut pas rettourner!. Tandis que l’élément temporel semble voir chez elle sa notion s’estomper, et que la malédiction poursuit son chemin insinunat le doute dans leurs rapports . La jalousie de Christoph , les mensonges d’Ondine en réponse , évoquent à leur tour un aute conte mytique ( Orphée / Eurydice ), qu’illustra Jean Cocteau …

Voici donc alors , le spectre amour-trahsion qui surgit, chamboulant le quotidien d’Ondine et Christoph . A l’image de cet éternel chantier Berlinois sans cesse chamboulé, via le nouveau projet de modernisation présenté au musée par la jeune femme qui succèdera à Ondine . Oubliée la belle scène , empreinte d’un érotisme inattendu où tous les deux sur le point de se coucher , Christoph voulant revivre leur première rencontre demande à Ondine de lui réciter sa prochaine conférence !. Le monde extérieur duquel leur amour les avait jusque là préservés , refait surface!. Et surtout le réel , au détour d’une promende qui leur fait croiser Johannes et sa nouvelle compagne, attisant jalousie et rancoeurs… remettant tout en jeu . Ondine qui a tenté de se libérer du mythe est à nouveau prise dans le cercle vicieux de son refus de la malédiction. Désormais pour gagner sa liberté , pas d’autre alternative il va lui falloir tuer l’infidèle pour que le nouveau , la fasse sortir de l’eau ! Seule possibilité pour conquérir sa liberté , à laquelle le cinéaste renvoie la dimension Politique dont se fait écho l’évocation des mutations architecturales de la ville , via le clin d’oeil à la maquette du projet de la RDA et sa fonctionnalité… comparée à celle du projet libéral du grand Berlin, où, musée …et centre commercial cohabitent !. Dans ce présent d’aujourd’hui où affirmer son désir de liberté est un long chemin à parcourir dont Ondine, refusant d’y « végéter en Muse » , en mesurera le prix. C’est comme souvent, un accident du destin (ou une astuce de scénario ) qui permettre de décanter la situation et ouvrir la perspective du possible . On vous laisse en découvrir les enjeux . Mais pour celà , il faut y croire : rêve et réalité , perspectives et points de vues s’entremêlent dans cette romance amoureuse où le suspense des sentiments bouillonne . Laissez -vous donc happer par la magie, et la mise en scène et en abîme fascinante …
(Etienne Ballérini )
ONDINE de Christian Petzold – 2019 – durée : 1h30
AVEC : Paula Beer, Franz Rogowski , Maruam Zaree, Jacob Matschenz …
LIEN : Bande -Annonce du Film : ONDINE de Christian Petzold – Distribution : Les films du Losange .
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