Moi, vous m’connaissez ? Je serais assez Théâtre. Mais le Cinéma est loin de me laisser indifférent. Et comme tout un chacun, j’ai mes réalisateurs favoris. Pour moi, le top des tops, c’est Federico. Pardon ! Fellini… Hommage de la poste italienne – Octobre 2010
…pour lui je donne tout Molière. J’exagère un peu, mais c’est ma marque de fabrique. Et qu’apprends-je ? Qu’ouïs-je ? Il est né en 1920, c’est donc son centenaire ! Et qu’apprends-je ? Qu’ouïs-je ? (bis), ce samedi, à Cannes, se tiendra un concert public (déjà complet malheureusement), Fellini sur la plage , en même temps qu’il marque le début de l’exposition (gratuite) Fellini sur la Croisette (jusqu’au 6 octobre). Puis, quelques jours plus tard, le festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier (du 16 au 24 octobre), présentera l’intégrale de son œuvre ! Tutto Fellini ! Cela valait le coup de faire marcher la machine à remonter le temps. Je me souviens…
Nous sommes en….. Aïe ! J’ai la mémoire qui flanche… je m’souviens plus très bien. En tout cas, c’était à la fin du siècle précédent, je dirais dans les années 80. Une semaine Fellini à ce qui s’appelait la MJC Magnan, à Nice, maintenant « Espace » Magnan. Bientôt on ne dira plus « Mairie » mais « Espace Municipal ». Mais revenons à Federico. J’avais écrit un article pour présenter cette semaine dans un hebdomadaire. Je crois bien que c’était le premier que j’écrivais. C’est vous dire si Fellini m’est cher.
Sur un peu plus de vingt films, j’en ai vu dix-huit. Et à l’époque de cette semaine Fellini, il y a longtemps que j’étais tombé dans la marmite fellinienne et que les effets en étaient permanents.
Hommage de la poste de San Marin
Ce qui me trouble avec les films de Fellini c’est qu’ils sont tous, je dis bien tous, dans le domaine du surréel, c’est-à-dire qu’ils sont en même temps –comme dirait l’autre- paraissant plus vrai que le réel ordinaire et se révélant domaine du rêve ou de l’imagination.
Si l’on pouvait classifier (aie aie aie) Fellini on pourrait peut-être essayer de dire qu’il approxime le cinéma fantastique, comme le définit Pierre-Georges Castex [aucun rapport avec le premier ministre] dans Le Conte fantastique en France (1951) : « une intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle ». Mais c’est le propre des –très- grands cinéastes que d’être inclassable. Chez Fellini le réel et l’imaginaire, le rêve et la banalité quotidienne, le fantasme, l’hallucinatoire et l’univers familier ou encore le souvenir et le temps présent se confondent allègrement dans une mosaïque de visions hétérogènes.
Comment vivre sans, dès que l’on pense à Fellini, des images vous arrivent plein le ciboulot ? Cela semble banal ce que je viens de dire, un film c’est forcement des images, mais pour des cinéastes que je qualifierai d’universel, leurs images me sont une représentation du monde. J’ai devant moi la liste de ses films et je ne sais lequel compte le plus pour moi. E arrivato Zampano ! (La Strada) ou A me Roma piace moltissima (La dolce vita) ou Miranda arrête ton cinéma ! (Amarcord). A propos de Miranda, cette femme qui supplie son fils, grimpé dans un arbre, et qui hurle « Je veux une femme ! » , et dont le mari lui prie instamment d’arrêter son cinéma… Savez-vous que le metteur en scène Thierry Surace a appelé sa compagnie « Miranda » en référence à cette scène et non au personnage de La tempête de Shakespeare. Bon. Revenons à nos moutons.
A me Roma piace moltissima. A Fellini aussi. Un de ses films s’appelle Fellini Roma. Mais la cité est dans le cœur des cinéastes italiens Mamma Roma de Pasolini (qui a été scénariste chez Fellini), Rome ville ouverte de Rossellini (dont Fellini fut l’un des scénaristes). Et savez-vous qu’en dialecte romagnol, « Amarcord » signifie à peu près « je me souviens ». Le film est une chronique d’un adolescent turbulent et attachant, Titta, qui pourrait bien être Fellini lui-même. Mais, avec Féderico, va t-en savoir… Tenez, rien qu’à évoquer ce film, je siffle la musique de Nino Rota.
Comme tout cinéaste, Fellini aine à avoir des compagnonnages. Il fait la connaissance de Nino Rota alors qu’il travaille sur son second long métrage, Le Cheik Blanc. Ce sera le début d’une collaboration ininterrompue jusqu’à la mort du compositeur et qui reste l’une des plus célèbres du cinéma : Les Vitelloni, La Strada, La dolce vita, Amarcord… La bande sonore de Huit et demi est souvent citée en exemple dans la manière dont la partition enrichit le sens et l’émotion de la mise en scène fellinienne à laquelle elle apporte une certaine cohérence. La dernière participation de Rota pour Fellini date de Répétition d’orchestre.
Portrait – Carte Maxi – 1er jour poste de San Marin – Affiche du 35e Festiavl de Cannes (1982) dessinée par Federico Fellini – Poste française.
Autre compagnonnage : Marcello Mastroianni. Fellini trouve en Mastroianni un véritable « double cinématographique ». Ils collaboreront sur de nombreux films : La dolce vita, Huit et demi, Bloc note d’un cinéaste, La cité des femmes, Ginger et Fred et Intervista.
Et bien sûr ne pas oublier Giulietta Masina : Elle joue dans sept de ses films, et c’est assurément son rôle de Gelsomina dans La Strada en 1954 qui la fait connaître mondialement. Connue comme la muse de Fellini, qui trouve en elle son égale artistique, sa silhouette menue et son jeu la font interpréter des personnages naïfs évoluant dans des univers cruels ; Giulietta Masina est souvent appelée « le Chaplin féminin ».
Mais, à mon avis – c’est mon opinion et je la partage – l’acmé de sa filmographie, c’est La Dolce Vita. Ce film est un tournant décisif et marque sa rupture avec le néoréalisme. Il impose définitivement le baroque fellinien qui définit les personnages (exubérants, extravagants, grotesques, difformes – caricatures vivantes, proches de la commedia dell’arte) et la narration (fragmentée, digressive ou circulaire, sans réelle progression dramatique). L’esthétique de Fellini cherche dès lors à alterner décor et lumière naturels, éclairage stylisé. Les maquillages et les costumes sont ostentatoires, de nombreux motifs carnavalesques sont déployés et chaque séquence tend vers la théâtralisation. Le traitement du temps prend également une forme inédite : le réel et l’imaginaire, le rêve et la banalité quotidienne, le fantasme, l’hallucinatoire et l’univers familier ou encore le souvenir et le temps présent se confondent allègrement dans une mosaïque de visions hétérogènes. « Ce qui est dérobé, clandestin, furtif il [Fellini] le fouille, le crève, l’étale. Les faits divers, les hommes et les femmes qu’il côtoie, leurs petites habitudes, leur candeur aussi, il les mord, les broie en ogre insatiable » (Simonetta Greggio, Dolce Vita 1959-1979) Au demeurant je vous conseille la lecture de ce livre [Livre de Poche] , où la romancière décrit au scalpel la première du film à Rome le 3 février 1960, la condamnation par la Compagnie de Jésus le 30 janvier, le succès qui démarre à Milan le 5 février, et la Palme d’or cannoise en mai.
L’énorme succès de La dolce vita, dont la musique lancinante signée Nino Rota et l’image légendaire d’Anita Ekberg déambulant dans la fontaine de Trévi font le tour du monde, lui permet de réaliser, trois ans plus tard, Huit et demi (Otto e mezzo). En livrant ainsi ses angoisses d’artiste en mal d’inspiration, ses délires et ses fantasmes de cinéaste à travers Marcello Mastroianni, son alter ego, Fellini propose une réflexion passionnante et dense sur la création artistique.
Carte postale/Affiche d’Amarcord – Crédit : DR
Je crois que chacun de nous a « son » Federico à lui qui le « titille » le plus, moi, c’est Amarcord. Mais je crois aussi que La dolce vita est l’apogée fellinienne, que ce film nous parle dans une esthétique somme toute fantastique, qu’il est quelque part construit comme une documentarisation de son objet, qu’il est construit autour d’un système de réflexion, bref qu’il s’agit d’un film di un poeta, du film d’un poète, le paradigme de l’oeuvre de Fellini.
“L’avant dernière image de La dolce vita est celle de Marcello qui se cache les yeux avec les doigts. La dernère, celle de la jeune fille au visage de madone qui sourit, une main levée à hauteur de la bouche pour le saluer dans un geste qui peut être aussi bien un aurevoir qu’un adieu. (Simonetta Greggio, Dolce Vita 1959-1979).
« Amarcord”…
Jacques Barbarin
En complément :
Face à l’Histoire : Federico Fellini (Blow Up – Arte – 2019 – 9mn40)
C’était quoi Federico Fellini ? (Blow Up – Arte – 2019 – 18mn)
Gros plan sur Federico Fellini (Entretien avec Christian Defaye – Archives de la RTS – 1987 – 57mn)
La Strada (bande annonce – Vostf – 1mn32)
La Dolce Vita (bande annonce – Vo– 3mn17)
Fellini Roma (bande annonce – 2mn40)
Amarcord (bande annonce – Vostf – 2mn37)
Le Casanova de Federico Fellini (bande annonce – 1mn48).
Philippe Descottes
[…] Federico Fellini sur Cine+Classic – 20h50 : Amarcord de Federico Fellini (1973 – 2h00). Fellini, Magali Noël et musique de Nino Rota– 22h50 : Juliette des esprits de Federico Fellini […]