Cinéma / ETE 85 de François Ozon

La romance estivale entre deux  adolescents. Éveil à la sensualité, désirs, promesses, amitié et possession. La séparation précipitera le drame, tandis que la souffrance et la culpabilité s’invitent au cœur du deuil. Le suspense des fausses -pistes entretient le mystère du « teen movie », l’élévent à la dimension de l’histoire d’amour universelle. Superbe !..

Alex ( Félix Lefèvre ) et David ( Benjamain Voisin – Crédit Photo : Diaphana Distribution-

Adapté du livre « La danse du Coucou » de l’anglais Aidan Chambers qui fut le livre de chevet du cinéaste adolescent. Après Grâce à Dieu ( 2018 ) , le 19 éme long métrage du cinéaste, s’inscrit dans la continuité d’une œuvre dont l’originalité de l’approche des thématiques qui s’y révèlent , n’a d’égal que la richesse et la diversité des genres et des sujets dont il explore les multiples facettes des « travestissements » , qui s’y inscrivent. Ceux, dont il a décrypté subtilement les échos des non-dits des comportements dont son cinéma , n’a cessé d’ investrir les éléments souterrains et mystérieux , qui s’y attachent comme l’illustrent par exemple Jeune et Jolie (2013 ) ou Une nouvelle amie (2014 ) . La séquence qui ouvre le récit s’en fait l’écho avec la voix-off d’Alex 16 ans ( Félix Lefèvre ) prévenant le spectateur sur son expérience estivale de six semaines de rêve qui ont viré au cauchemar, dont il va évoquer le parcours qui l’y a conduit…se retrouvant objet d’une accusation en justice . Séquence suivie par celle de sa sortie en mer au large des côtes Normandes, où il sera pris au piège par la tempête qui s’annonce et le fera chavirer, de son frêle « tape-cul » !.. Ne trouvant secours et répit que grâce à l’arrivée salvatrice de David, 18 Ans ( Benjamin Voisin) garçon de plage, à la barre de son «  calypso » qui prendra les choses en mains !. L’assurance de son sauveur et son «  bagou » de séducteur va faire mouche chez David plus réservé qui se voit entraîné dans le sillage de ce dernier , ses sorties et autres ballades en moto. David , le présentant à sa mère ( Valéria Bruni-Tedeschi ) comme son ami . Justement Félix, timide et issu d’un milieu familial modeste, est en quête de « l’ami de ses rêves » . Et voilà que le miracle se réalise, tout semble s’enchaîner sous les meilleurs auspices , la mère de David veuve, voit en la naissance de cette amitié pour son fils perturbé par la mort de son père , une source de stabilité. Pour la mère de David Alex est désormais, aussi partie de la famille et elle va même lui proposer de travailler au magasin familial …la maison de David, va devenir son second domicile . Alex et David vivent désormais au quotidien une sorte d’osmose où amitié, passion, et romance amoureuse dont la nature n’est jamais donnée :  «…  comme un enjeu et problématique homosexuelle , en ce sens j’ai été fidèle au livre , ce qui était très beau et très moderne pour l’époque .. », dit le cinéaste . C’est le temps des possibles , d’une époque,  et des émois de l’adolescence qui se cherche …

Alex ( Félix Lefevre), David ( Benjamain Voisin ) et Kate ( Philippine Velge ) – Crédit Photo : Diaphana Dtstribution-

Alex, est porteur de cette quête d’absolu dont David , plus âgé a déjà sans doute expérimenté les espaces et illusions, lui renvoyant une sorte de détachement en forme de protection. Celui dont la liaison, intime qui l’unira à Alex , va finir par se craqueler sous le feu de l’intense  désir de « possession » dont Alex se fera le demandeur d’exclusivité. Le jeu de la passion- répulsion et de son rapport de forces, va s’y insinuer inexorablement . La demande d’Alex qui se fait dévorante devient amour-fou, et obsessionnel . Le rapport de force s’installe, comme l’évoquait Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000 ) , adapté de Rainer Fassbinder par François Ozon . Dès lors, l’alchimie qui s’instillait, entre Alex et David dans leur « partage » quotidien suscitant ces  promesses qu’on se fait «  à la vie à la mort » , vont finir par se craqueler. La jalousie d’Alex finissant par insupporter David . La magnifique scène de la boîte de nuit la concrétise, dans la continuité de leurs échanges où la tendresse a laissé place aux reprochess . Et , au centre de la piste de danse, les coprs de l’un et de l’autre ne dansent plus la même musique, désormais ils  ne sont plus synchrones ..L’un qui s’engage dans une danse endiablée sur la piste comme s’il était seul au monde désormais, et l’autre rêvant dans le vide et fixant de son regard la boule au plafond reflétant les lumières . Ponctuée par la chanson de Rod Stewart, la scène est sublime. Elle traduit magnifiquement le déséquilibre et la rupture qui s’est installée désormais, irrémédiablement . La « dispute » virulente qui suivra un peu plus tard, en scellera la réalité de la rupture dont David fera le choix . La passion est devenue trop toxique, elle fait autant de mal à lui qu’à Alex, autant en finir …

La mère de David (Valéria Bruni-Tedeschi) et Alex ( Félix Lefèvre ) – Crédit Photo : Diaphana Distribution-

Son approche, François Ozon l’a voulue réaliste , restant fidèle au livre . Accentuant celle-ci par le choix de Tréport la cité Balnéaire ouvrière de Haute- Normandie avec sa plage,  qui lui a permi de restituer plus facilement par son architecture et constructions anciennes ,
le cadre de l’été 85. Celui qu’accentue le choix de la pellicule Super 16 mm et son grain , évoquant les films de l’époque. Au cœur de ce réalisme là , le cinéaste y ajoute sa propre approche des « pistes » , en forme de supsense qui ajoutent à celle-ci , le supplément d’une exploration des thématiques, vers  lesquelles son eouvre, s’est souvent dirigée , afin de creuser l’envers du décor . Ici , ce sont les investigations sur les raisons qui ont conduit aux poursuites judiciaires dont Alex, est l’ojet . Celles-ci suscitant l’incompréhension et se heurtant au mutisme d’Alex refusant ( incapable ? ) d’en donner justification . Le traumatisme subi par ce dernier, constituant le réflexe révéléateur de « culpabilité » ressenti. Mais aussi celui, d’une promesse faite à laquelle il est lié , et pour laquelle il va lui falloir affronter le ressenti  des «  réflexes » de rejet ( et d’incompréhension..) qu’il pourraient susciter . C’est aussi un dilemme au cœur duquel Alex se retrouve impuissant , objet d’une promesse qu’il doit tenir surtout sur un sujet qui le hante , celui de la mort . Que faire ? , se renier ? , ou tenir cette promesse qui vous oblige à relever un combat qui permettrait de vaincre , le poids de la disparition de l’être aimé ?. Le cinéaste y invite les beaux personnages vers lesquels Alex va se tourner pour « sortir de son enfer » . Réussira-t-il à échapper à son histoire ?. Ils s’y emploieront tous  à sa prise en charge , à l’image de l’éducatrice  ( Aurore Brouin), du gardien de la Morgue , ou de Kate  ( Philippine Verle ) l’Anglaise rencontrée sur la plage qui a eu une aventure avec David mais saura aider Alex dans son parcours  de  deuil . De la même manière que le fera,  le professeur de lettres,Mr Lefèvre (Melvil Poupaud ) , qui lui apprendra- par la pratique de écriture- à exprimer ce qu’il est incapable de dire pour expliquer son geste. Belle idée de résilience via la littérature. Le film est par ailleurs , servi par une distribution impeccable et par deux jeunes comédiens époustouflants. On y ajoutera , comme souven chez Ozon , une bande -sonore dont les choix sont toujours impeccables . Ici , portée par les morceaux ( de Rod Stewart , The Cure , Lloyd Cole , The Commotions , Jeanne Mas , Raf , Bananarama et Movie Music ) , et celle, originale signée : Jean Benoît Dunkel . Du beau , très beau travail . Ne manquez pas le nouveau film de François Ozon , l’émotion y est au rendez-vous …

( Etienne Ballérini )

ETE 85 de François Ozon -2020 – Durée : 1h 40 –

AVEC : Félix Lefevre, Benjamin Voisin, Philippine Velge , Valeria Bruni-Tedeschi, Melvil Poupaud, Isabelle Nanty, Laurent Fernandez , Aurore Brouin, Yoann Zimer…

LIEN : Bande -Annonce du Film : ETE 85 de François Ozon – Diaphana Distribution-

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8 commentaires

  1. Très belle critique enflammée de cet « été 85 » qui renvoie en effet au jeu à trois de « Gouttes d’eau sur pierre brûlante ». Il manque l’espièglerie qu’Ozon avait su porter à l’écran dans cette adaptation de Fassbinder. Il la remplace par une haute dose de nostalgie très cinégénique mais qui brasse de l’air (d’où le choix de Dunckel pour la musique peut-être 😉). Bref, ça m’a diverti sur la durée mais j’ai du mal à le classer parmi ses plus belles réussites.

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