Théâtre- TNN / La vie trésorrifique du Grand Gargantua

Trésorrifique ? Qué s’aco ? Une sorte de mot-valise dans lequel serait adjoint Trésor et Horrifique mais qui peut aussi s’entendre Très horrifique. Et là on tient une piste : celle du sens, celle des mots, celle du sens des mots. A commencer par Gargantua, -quelle- gorge tu as.


Mais avant que de se pencher sur cette vie trésorrifique du Grand Gargantua, qui est loin de n’être qu’une simple adaptation du texte de Rabelais, mais une récréation rabelaisienne, intéressons nous à Félicien Chauveau, qui signe l’adaptation et  la mise en scène.
Issu du Conservatoire National de Nice, il intègre en 2008 les scènes nationales (Théâtre National de Nice, Théâtre de La Criée – Marseille, Théâtre de La Manufacture – Nancy, Théâtre de La Tempête – Vincennes…) en tant que comédien, assistant à la mise en scène, machiniste et régisseur vidéo. Sa formation se poursuit sur le terrain avec la confiance des metteurs en scène Gaèle Boghossian et Paulo Correia.
Mais les lecteurs de ciaovivalaculture connaissent Félicien Chaveau puisqu’il présente au TNN en 2017 Don Quixotte l’invincible https://ciaovivalaculture.com/2017/02/14/theatre-don-quixote-linvincible/ -rappelons que Quixotte est la graphie originale- et en 2019 l’épatant Dracula Asylum https://ciaovivalaculture.com/2019/02/12/theatre-dracula-asylum-par-felicien-chauveau/
Revenons à Gargantua, ou plutôt à La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas* abstracteur de quintessence, ou plus simplement Gargantua,  deuxième roman de Rabelais écrit en 1534. Il conte les années d’apprentissage et les exploits guerriers du géant Gargantua. Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement sorbonnard figé, Gargantua est aussi un roman plein de verve, d’une grande richesse lexicale, et d’une écriture souvent crue.
« C’est un roman carnavalesque : une fable poético-comique qui traite de la question politique. C’est là tout le rôle du carnaval : bouleverser l’ordre établi, créer une soupape régulatrice pour les dominants et jouir d’un exutoire pour les dominés. Le rôle de ce roman est de réconcilier un peuple et son roi. D’ailleurs, le narrateur de l’histoire semble interpeler les petites gens dès le prologue, et pas n’importe lesquels, les malades et les « précieux vérolés ». Rabelais, veut, par ce roman, soigner par le rire et la philosophie la société. » Félicien Chauveau.


Et la récréation  -et non la re-création-  que j’ai vue au TNN est bien à l’aune de ce  « Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement sorbonnard figé » : il s’agit bien de porter sur le plateau cette joie d’exister, cette verve et non une mise en image, un commentaire herméneutique du texte. C’est-à-dire que nous avons la vie sur scène, même si parfois elle déborde.
J’ai dit que Quixotte était la graphie originale, et non Quichotte. Ici, les acteurs s’exprime dans le français du XVIème siècle, qui outre le fait qu’il se « translate » en français contemporain, de tous les jours, rajoute du fumet, de la sapidité à l’adaptation de Félicien Chauveau.
Entre l’âge de 3 à 5 ans, l’enfance de Gargantua est celle de ce que nous nommerions un enfant-roi. Ses parents ne lui imposent aucune limite et, étant ce qu’il est, il boit, mange, dort, court après les papillons et se vautre dans les ordures selon sa fantaisie. Jusqu’à ce que son père, Grandgousier, prenne conscience de ses capacités intellectuelles et décide de l’éduquer. Mais quel précepteur choisir ? Ceux qui tiennent

encore au Moyen Âge se révèlent stupides. Ce sera donc un humaniste qui se chargera de l’éducation de Gargantua…
Gargantua a faim. Faim de vin, faim de bouffe, faim de livres, faim de connaître, faim d’exister ?  La vie trésorrifique du Grand Gargantua est un spectacle sur la liberté de la langue, qui est le début de toute liberté. Pouvoir tout dire, c’est pouvoir aborder  tous les sujets, de l’église à la matière fécale ;  c’est aussi pouvoir dire tous les mots, même les mots inventés. Pour que l’homme se libère, il faut qu’il libère sa capacité à parler. Il faut qu’il libère sa langue.
Ce spectacle est jouïssif, il est itinérance, désinvolture, mais aussi recherche de nous-mêmes, en nous-mêmes : Gargantua est de trop, trop d’appétit,  trop d’appétence, trop de désirs, trop de vouloir  vivre, au fond il est nous-mêmes qui  cherchons, voulons –mais y arrivons nous ?- à nous affranchir de nos censures. Hé oui !  Quid rides ? Mutato nomine, de te fabula narratur**
Félicien Chauveau parle de Carnaval, du Carnaval : Carnaval, c’est la transgression dans la rue.  La vie trésorrifique du Grand Gargantua, c’est le théâtre de rue, le théâtre dans la rue qui aurait « infesté » le  sérieux du plateau d’un théâtre.
Parmi les 4 acteurs, débordants, contagieux d’un virus de jubilation, d’allégresse, de jovialité, j’aimerai donner une mention à Emilie Joblin qui se glisse dans les dépouilles opimes de Gargamelle, la mère amère de Gargantua : tendre envers son fils, mais aussi exubérante, impétueuse, et puis les 3 autres qui nous amènent à une pratique de jeu non loin de la commedia dell’arte. Rappelons que la commedia dell’arte est apparue au xvie siècle : elle tient ses racines des fêtes du rire qui sont à la base de grands carnavals. Tiens tiens ! XVIème siècle, carnaval…
On cite, dans un spectacle, surtout le metteur en scène et les comédiens : on parle peu de dramaturgie est de direction d’acteurs, indispensables compléments du metteur en scène et interface d’avec les comédiens : ici, Frédéric de Goldfiem, Stéphan Ramirez, Claude Boué. Ce sont les trois mousquetaires : Tous pour un, un pour tous…

Jacques Barbarin

La vie trésorrifique du Grand Gargantua, Rabelais, adaptation et mise en scène de Félicien Chauveau
avec Émilie Jobin, Guillaume Geoffroy, Félicien Chauveau, Nikita Cornuault
assistante à la mise en scène Nikita Cornuault scénographie Jean-Luc Tourné costumes Aurore Lane musique Mathieu Geghre lumière Albane Augnacs technique vocale Sarah Vernette esthétique du mouvement Audrey Vallarino visuel Florian Lévy dramaturgie & direction d’acteurs Frédéric de Goldfiem, Stéphan Ramirez, Claude Boué
coproduction Anthéa – Théatre d’Antibes, La Machine, Festival Ruez-vous – Valbonne partenaires L’Entre-Pont – Nice, Espace Magnan – Nice aide à la création de la Ville de Nice et du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes

*Alcofribras Nasier est l’anagramme de François Rabelais
** Tu ris ? Change le nom, ce sera ton histoire

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