Cinéma / LETTRE A FRANCO d’Alejandro Amenàbar.

Autour de l’écrivain Miguel de Unamuno, figure intellectuelle Espagnole controversée découvrant – après l’avoir soutenu – la vraie nature de l’insurrection militaire engagée en 1936 dans le combat contre la « coalition progressiste » revenue au pouvoir. Le nouveau film du réalisateur de Les autres (2001) et de Mar adentro (2004) et Agora (2009)  , nous immerge au cœur du décryptage des mécanismes d’une idéologie fasciste terroriste, qu’incarnera Franco. A voir …

le Général Millàn Astray ( Eduard Fernandez ) – Crédit Photo : Haut et Court distribution- 

Au cœur de la grande place de la ville de Salamanque en 1936 , l’armée va soudain faire irruption, mettant en rang ses hommes , ses armes et ses chars décrétant l’état de guerre . La première séquence du film nous plonge d’emblée au cœur des enjeux politiques d’un pays en pleine effervescence où , suite à la chute de la Monarchie en 1931, de fortes tensions se font jour entre républicains et réactionnaires qui se succédant au pouvoir . Lorsque, à l’issue des élections le «  front populaire » accède au pouvoir. Les réformes mises en place , et surtout la décision de rendre «  illégal » le parti fasciste de Primo de Rivera qui sera emprisonné , va mettre le feu aux poudres. La peur s’installe et la population divisée dans un pays où le Catholicisme est très ancré , et où les réflexes de la grandeur de l’empire sont encore vivaces , les tensions qui montent et l’instabilité rendent possible le basculement vers la mise en place … d’un ordre nouveau , qui se veut rassurant . A cet égard , le choix de la figure de l’intellectuel philosophe catholique Miguel de Unamuno, dont Alejandro Aménabar fait le choix du «  prisme » du regard porté sur lui , est très habile, par ce qu’il révèle tout au long du récit . On en voit les prémices dans la séquence qui suit la scène d’ouverture où, alerté par ses amis, le prêtre Atilano Coco (Luis Zahera ) et le professeur Salavador Vila (Carlos Serrano-Frank ), il va botter en touche sur les inquiétudes dont ils font état, concernant les rumeurs d’exactions visant les militants de la république et les intellectuels. On lui reprochera également son soutien financier aux nationalistes de Franco , qui lui permettront de retrouver sa place de Recteur de l’Université de Salamanque dont il avait été démis par le gouvernement républicain. Tandis que plaide en sa faveur son passé d’opposant à la monarchie qui le contraindront à s’exiler aux îles Canaries en 1914, et son opposition à Primo de Rivera ….

Le caudillo: Franco ( Santi Prego) et sa femme , - Crédit Photo : Haut et Court Distribution-
Franco ( Santi Prego et sa femme Carmen ( Mireia Rey ) – Crédit Photo haut et Court distribution-

L’ambiguïté d’Unamuno ( Karra Elejade, forte présence ) dont les franquistes vont se servir, et qui le fera considérer comme traître ayant « cautionné » le soulèvement contre la république , devient ici , élément majeur du récit. Celui-ci ouvrant dès lors , la possibilité de construire face à lui , les portraits de ceux auxquels il va se confronter , et aussi , trouver possibilité de dialogue au cœur de cet « état de guerre » dont le cinéaste a voulu inscrire  et donner , dit-il : «  de la matière pour argumenter , parler , réfléchir.. » aux spectateurs . Ici , à cet égard les échanges évoqués avec ses amis constituent ,une matière riche faite de confrontations idéologiques passionnantes en même temps que de respect mutuel des différences qui caractérisent les convictions de chacun . Comme l’illustre, dit-il, cette :
« … scène où Unamuno et Salvador Vila se disputent en pleine campagne. Leur confrontation est réelle, mais elle reste une confrontation d’idées, et finalement ils repartent ensemble. C’est la victoire du dialogue, de la coexistence pacifiée d’idées, qui ne se concrétisera en Espagne qu’en 1977 avec le rétablissement de la démocratie !» . Mais , c’est l’accablant constat auquel Unamuno , au cœur de la tourmente, est contraint de se plier ne pouvant rien faire pour ses compagnons emprisonnés. Devant se rendre à l’évidence de la machine impassible mise en place exécutant froidement sa mécanique diabolique !. Lui , le « candide » qui s’est fait berner, va devoir ouvrir enfin les yeux! . Et son discours du 12 Octobre 1936 dans l’amphithéâtre de l’Université , faisant face au huées , claquera comme un « coup de fouet en retour » , envers ceux qui maquillent leur haine sous de faux-semblants dociles , cachant leurs ritables intentions . Leur renvoyant , en défi , son « vous vaincrez , mais vous en convaincrez pas !..  », qui , défiant l’autorité suprême, le fera basculer à son tour dans le camp ennemi… et il sera assigné à résidence. Mais , si «  Franco remporte une victoire par les armes, tandis que l’homme de lettres, Unamuno, remporte une victoire sur sa propre conscience, ses idées. Les deux histoires évoluent en parallèle pendant la majeure partie du film et le sens se confond quand Franco et Unamuno se rencontrent enfin » , relève  le cinéaste…

Miguel de Unamuno ( Kerra Alejalde ) lors de son intervention à l’Unversité – Crédit Pjhoto : Haut et Cirut Distribution-

Celui-ci , en effet , brosse un portrait passionnant de la figure du Dictateur Espagnol dont il nous fait découvrir , la personnalité elle aussi …tout aussi complexe ! . Figure , notamment de quelqu’un de : «  taiseux et d’imperméable » dont il est difficile de cerner sous ces aspects les véritables intentions et ambitions . Mais dont- dira un proche- en guise d’avertissement «  si on lui accorde quelque chose , il ne le lâchera plus ! » . La patience , l’influence de sa femme Carmen,  la très catholique et « fan » d’Unamuno , et dont  la rencontre entre les deux hommes qu’elle suscitera , sera pourtant un tournant pour Unamuno . Celui-ci, qui demandera à Franco , la faveur de son intervention pour ses deux amis ( Le pasteur et le professeur) emprisonnés n’ayant commis, dit-il ,  rien de répréhensible , se verra opposer un refus glacial, assorti de la réplique qui en dit long  sur son cynisme , et l’issue fatale qu’il leur est réservée : « … on leur proposera  de se confesser … afin de soulager leur conscience !». Un Franco, sachant profiter des circonstances ( , la mort du général Sanjuro ) , pour atteindre son but , et « surfer » sur les images de la grandeur  de la nation Espagnole ( Le cid et autres figures nationales ) , comme sur la religion, via sa femme , dont il fera un étendard de la « croisade » que viendront  symboliser le retour des couleurs du drapeau national , retrouvant celles du glorieux passé colonial . En parallèle , Alejandro Aménabar, complète le portrait des figures importantes qui vont accompagner, le Caudillo dans son œuvre . Comme celle du Général José Millàn Astray ( Eduardo Fernandez , impayable dans ses outrances ! ) , le fondateur de la légion étrangère Espagnole . Ce dernier participant au soulèvement militaire de 1936 , deviendra une présence morale et idéologique de poids pour le Caudillo , il est l’auteur du célèbre «  viva la muerte! » , le cri de ralliement à Franco . Le face à face avec ce dernier haineux et vociférant , est à mettre au range des éléments qui ont permis à Unamuno de comprendre, la vraie dimension de la dérive nationaliste haineuse dans laquelle, couvait l’oeuf du serpent de la barbarie . «  Aujourd’hui on assiste à une résurgence des mouvements fascistes notamment en Europe .Dans ce sens mon film parle autant du passé que de présent..  », conclut le cinéaste qui a souhaité faire de son exploration du passé Espagnol et des origines de sa dictature , une leçon à retenir et à méditer pour les jeunes générations …

( Etienne Ballérini )

LETTRE A FRANCO d’Alenandro Aménabar – 2020 – Durée : 1h 47 –

AVEC : Kara Alejalde , Eduard Fernandez , Santi Prego, Luis Bermejo, Tito Valverde, Patricia Lopez Arnaiz, Inma Cuevas , Carlos Serrano-Clark , Luis Zabera, Mireia Rey …

LIEN : Bande -Annonce du film : Lettre à Franco – Haut et Court Distribution-

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