Une lycéenne de 18 ans est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie. Pour son second long métrage, Stéphane Demoustier a choisi de placer le spectateur au cœur de la mécanique judiciaire. immersion au cœur des zones d’ombres d’une quête de vérité où le doute et le malaise s’insinuent , en toile de fond d’un fossé générationnel. Passionnant …

L’été , le soleil, une famille qui goûte les joies de la plage avec insouciance, lorsque dans le plan d’ouverture festif , vont s’inscrire les silhouettes de policiers venant interpeller sans opposition ni réaction de Lise leur jeune fille … conduite au commissariat pour interrogatoire. Cut . La scène interpelle d’emblée par la surprise qui s’y inscrit et la trouble qu’elle installe sur une situation et les raisons d’une interpellation qui va faire basculer, la famille dans le drame . On en saura plus , lorsqu’on retrouve , deux ans plus tard, Lise désormais au domicile parental portant bracelet électronique, est en attente de comparution en cour d’assise, accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie, Flora, de sept coups de couteau !. C’est désormais une atmosphère lourde, palpable qui s’est installée au cœur de cette famille ébranlée par le choc de l’impensable… y faisant basculer , le quotidien. Au cœur de celui-ci , le père ( Roschdy Zem ) et la mère ( Chiara Mastroianni ) se voient pris dans l’étau , à la fois des réactions extérieures qui les pointent du doigt et les ostracisent , et du vécu quotidien du procès qui va mettre à mal, leurs certitudes . Celui-ci , au fil des jours des témoignages et interrogatoires complétés par les éléments de l’enquête, concernant les circonstances du drame, le rendront encore plus pesant . Révélant les raisons de la brouille entre les deux amies : une vidéo intime à caractère pornographique mise en ligne par Flora , et dont les éléments de l’enquête de décryptage de la nuit festive ayant précédé le crime, semblent accabler , Lise !. La force du récit et de sa mise en scène , à partir de la mise en place des éléments, consiste dès lors à nous immerger au cœur du procès , comme l’est par exemple un juré de cours d’assises , confronté à la découverte de tous les éléments . Et comme , lui , être amenés à nous faire « notre intime conviction », et donner notre verdict !. L’effet inter-réactif du récit fonctionnant, ici , à merveille comme on a pu le remarquer à la sortie de la salle de projection…

La mise en place , est surprenante et passionnante, qui nous y invite à l’exercice : « C’est un film sur l’interprétation de faits et le doute » ; souligne Stéphane Demoustier, ajoutant :
« … le pari du film, c’était de restituer cela, cette expérience du procès. Cela engage l’image, les cadres, mais aussi le son. Car je voulais faire un film qui donne à voir par la parole mais qui impose aussi ses silences, d’autant plus notables qu’ils agissent en contraste avec le régime du procès qui fait constamment la part belle aux discours ». Dès lors, son approche se fait également originale et habile, dépoussiérant le « genre » du film de procès, par exemple en ne montrant pas comme c’est le cas de beaucoup d’entr’eux, les réactions du public dans la salle d’audience , ni celles, en extérieurs de la presse ou de la foule . Préférant en faire ressentir les effets de « l ‘épreuve » vécue par la mère de Lise , qui s’en confie lors de son audition au procès. Le cinéaste adoptant également le choix du réalisme et du tournage dans un vrai tribunal, afin d’en accentuer la présence du cadre et des lieux, et s’y concentrer exclusivement à ce qui s’y déroule. Complété par un travail- en amont – d’assister à des procès d’assises et y prendre des notes « afin de coller au maximum à la réalité », et transcrire fidèlement, l’atmosphère des audiences et des jeux de rôles qui s’y déroulent . Comme l’illustre cette belle et forte scène , où s’y distingue dans le rôle du président du tribunal … l’avocat Pascal-Pierre Garbarini , y apportant par sa forte présence, l’authenticité dramatique nécessaire à ses interventions . De la même manière que l’impact des témoignages et autres événements dont il est fait état dans la salle d’audience, se voit renforcé par le fait qu’ils font références à des événements dont , comme le jury et le public du tribunal… le spectateur du film , n’a pas non plus, connaissance ! . Subtil appel et renvoi à l’imaginaire de chacun qui dès lors , se fera « sa propre opinion, son intime conviction » sur ce qui est exposé . Amplifié encore , ici , par le refus de Lise … à se justifier de son innocence !. Chacun à sa place dans le dispositif judiciaire en fonctionnement , au sein duquel le film nous invite …

Le mécanisme en place de la loi en marche. L’accusée dans son box protégé , le président du tribunal évoqué ci-dessus , l ‘avocate générale ( Anaïs Demoustier, cynique à souhait dans un rôle à contre-emploi ) avec ses allusions, ses attaques à charge et sa mauvaise foi. Et L’avocate de Lise ( Annie Mercier ) , les différents intervenants de l’enquête chargées de divulguer éléments et produire pièces à convictions . Enfin les témoignages et dépositions des parents, et des camarades de classe de Lise . Tout est mis en place de nature à faire en sorte que le spectateur, soit « sur le même plan de perception que celui d’un juré » . Au fil des séquences et des témoignages , comme lui , il va découvrir les dessous d’un crime dont il va falloir juger de la culpabilité , ou pas de l’accusée . Celui-ci , devenant le révélateur , par la mise en lumières des aspects qui s’y font jour , des raisons d’un malaise sociétal. Celui auquel- durant l’interrogatoire – le silence, en réflexe, que lui oppose Lise pouvant être interprété à sa défaveur , va finalement, mettre en lumière des aspects insoupçonnés et douloureux . Ceux d’une « fracture » générationnelle dont son procès va mettre en lumière les paramètres d’un malaise profond … qui finira par se répercuter au sein du tribunal par un « bras de fer » musclé, qui en dit long sur les mentalités et une certaine forme d’aveuglement. Celui qui finira par éclabousser une famille bourgeoise protectrice et aimante, qui n’a pas su détecter chez sa fille l’expression de la quête libertaire et expérimentatrice de ses désirs de la chair . Père protecteur et mère aimante désormais déboussolés , ont du mal à faire face . La confrontation de ces derniers au mystère de Lise , se retrouvant désormais doublement au cœur du récit et du film , via l’interrogation du cercle familial, qui se prolongera … à celle du collectif sociétal . Le récit brosse admirablement le portrait dévasté par l’épreuve de ce couple parental qui n’a pas su s’interroger ( ou détecter? ) au delà de la « fâcherie d’amies », ce qu’elle révélait . A la détresse de la mère clamant l’intime conviction de l’innocence de sa fille, l’avocate générale qui lui rétorquera : « Vous l’affirmez parce que vous êtes sa mère !... » ….
Mais « que savons-nous de nos enfants, que savons- nous de leurs amitiés, de leurs amours?.. . » au procès qui s’enlise dans une dimension où la culpabilité se mue en affaire de mœurs, et en aucun cas « ne doit devenir élément, et ( ou ) un motif de condamnation... » , comme le soulignera , haut et fort l’avocate de Lise !. La mis en scène par son approche des personnages ( magnifiques gros plans ), et celle des débats où le poids de l’efficacité de la parole et des faits est le motif des enjeux, le silence de Lise y résonne comme un défi . Aux côtés de Comédiens de grand talent et confirmés , Mélissa Guers, qui l’incarne s’impose et habite littéralement l’écran , dans son premier rôle au cinéma . Elle est magnifique !…
( Etienne Ballérini )
LA FILLE AU BRACELET de Stéphane Demoustier – 2020 – Durée : 1h 36.
AVEC : Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastrioianni, Annie Mercier, Anaïs Demoustier,
Carlo Ferrante, Pascal -Pierre Garbarini, Paul Aïssaoui -Cuvelier, Anna Paulicévitch, Victoria Jadot, Mikaël Halimi, Léo Moreau
LIEN : Bande -Annonce du film : La Fille au Bracelet de Stéphane Demoustier – Le Pacte Distribution- ..
[…] Mouret – Mise en Scène : Maïwenn pour ADN – Scénario : Stéphane Demoustier pour La Fille au bracelet. – Documentaire : Un pays qui se tient sage de David Dufresne – Film […]