Cinéma / CUBAN NETWORK d’Olivier Assayas.

Au cœur des tensions Américano-Cubaines des Année 1990 et de la lutte contre les  anti-castristes, le récit de la mise en place du « réseau guêpe » chargé de les infiltrer…et y découvrir , le double -jeu du FBI. Adapté du livre du journaliste Fernando Morais : Les derniers soldats de la guerre froide. Le cinéaste de Carlos ( 2009), signe un thriller d’espionnage passionnant. A ne pas manquer …

l’Affiche du film..

Dans la filmographie de l’ex-critique de Métal Urlant et des Cahiers du cinéma , passé à la réalisation avec Désordre (1986) , il y poursuit sa passion éclectique pour les genres et les diverses cinématographies. Celle qui l’incita à faire découvrir comme critique les films de Kung Fu, ou  les cinéastes ( King Hu , Hou Hsiao Hsien) et les cinématographies Asiatiques. Son cinéma célébrant à la fois Louis Feuillade ( Irma Vep / 1996 ) , les destinées sentimentales ou existentielles ( L’eau Froide /1994 , Clean / 2004. …) . Ou abordant la thématique de la politique contemporaine par laquelle , ici , Cuban Network s’inscrit dans la continuité de son Carlos ( Alias Ilitch Ramirez Sanchez ) le terroriste d’origine Vénézuélienne. Dont il a souhaité prolonger,  ici , son exploration , des : « … guerres souterraines de notre époque …on parle aujourd’hui de   « fake news», mais ça a toujours été là, d’une façon ou d’une autre – on utilisait le mot propagande . Il y a beaucoup de choses que l’on ne rapproche pas de la politique mais qui, en fait, en sont partie intégrante. On s’en rend compte davantage aujourd’hui. Terrorisme et espionnage doivent être vus à travers ce prisme … Cuban Network me donnait la possibilité de prolonger quelque chose que j’avais mis en place dans Carlos », dit-il . Le contexte Cubain du régime Castriste et ses opposants , complété par les tensions avec les Usa, en effet , s’y prête admirablement . On y découvre donc son héros , René Gonazalez ( Edgar Ramirez ) au cœur des  années 1990 à Cuba, où le double effet de «  l’embargo Américain » et de la privation de l’aide du « frère soviétique » en déclin ( la chute du mur de Berlin ) , le régime Castriste , est sous tension . Population affamée, les candidats à  l’exil vers les Usa  de plus en plus nombreux ,  en même  temps  que  l’organisation  « concilio Cubano » demandant une transition démocratique du pays, s’ y retrouve réprimée par Castro . Tandis que le « parrain » des exilés Cubains, Luis Posada Cariles ,  lui , de Miami va  diriger la riposte lors de l’été 1997 , lançant une série d’attentats visant les infrastructures touristiques de la Havane «…On apprendra plus tard qu’elle a été commanditée par la Cuban American National Foundation (CANF) du millionnaire, Jorge Mas Canosa … ». Voilà la toile de fond  du contexte politique dans lequel , le récit et les personnages s’inscrivent … au cœur d’un jeu d’influences où la thématique de la déstabilisation , fait rage par le système de l’espionnage et de l’infiltration, et ses dégâts humains collatéraux qu’elle génère,  encore amplifiés  par la guerre souterraines, des exilés Cubains …

Gaël Garcia Bernal et Pénélope Cruz dans un scène du film- Crédit Photo : Memento films –

En traduire la complexité, c’est le « défi » que s’est donné le cinéaste intégrant et dosant  magistralement, au cœur du contexte les données politiques qui le régissent , et celui des répercussions sur les  vies humaines qui vont s’y retrouvées confrontées . Un cadre , dit-il :   « … où se mêlent l’intime et l’universel, des individus pris dans les rouages de la politique et de l’histoire » . C’est d’ailleurs au cœur de la vie du couple de René Gonzalez ( Edgar Ramirez , remarquable, tout en nuances ) qu’il l’inscrit d’emblée , avec le  départ matinal précipité de ce dernier , vers l’aérodrome où il travaille comme instructeur de vol… pour  s’envoler  vers l’exil. Abandonnant  femme et fille  sur l’île – où il sera considéré  comme le  traître qui a fui le pays –  laissant celles -ci  exposées  lazzis et au  rejet!. Arrivé à destination , il va rentrer en contact avec les membres influents de la communauté Cubaine , proposant à l’une d’entr’elles, Frères à la rescousse fondée par José Basulto , ses services pour aider à secourir, ceux qui fuient, en radeau de fortune Cuba,  pour rejoindre les côtes de Floride. Au fil de ses contacts et des missions humanitaires qui lui seront confiées , il sera amené à découvrir, les véritables intentions de ces organisations:  constituer des unités terroristes anti-castristes afin de mener des opérations militaires contre Cuba , et leur financement par le trafic de cocaïne … et également, les appuis sous influences de Washington . Dont  bénéficie par exemple , Jorge Mas Canosa , le fondateur de la Cuban American national Fondation  ; mais aussi , Luis Possada Carriles , le « parrain » , d’origine Vénézuélienne instigateur des attentats ( et reconnaissant l’être! ) … mais jamais inquiété malgré les procès , et protégé par les Usa des demandes d’extradition faites à son égard!. Au cœur de cet embrouillamini,  le FBI qui surveille les activités illégales des anti-castristes…tout en les tolérant ,arrêtant même certains d’entr’eux pour s’en servir , comme informateurs ! . René d’ailleurs sera lui  aussi l’objet de  leur surveillance.  Au cœur de ce « jeu de dupes » , d’influences et de pressions , l’immersion dans laquelle nous entraîne Olivier Assayas , dans le sillage de son héros, est passionnante. D’autant qu’à mi- récit, une révélation ( qu’on vous laisse découvrir… ), va changer la donne , amplifiant habilement le sentiment de « trouble »  et de manipulation des individus , devenus les pantins et des marionnettes … au gré , des priorités changeantes les décideurs politiques qui deviennent « missions prioritaires« , et  parfois… de « sacrifice » contraint ! Aucun  » cas de conscience » qui pourrait manifester faiblesse , n’y est admis : «  les individus sont pris dans les rouages de la politique et de l’histoire » …

Une scène du film: au centre René (Edgar Ramirez ) – Crédit Photo : Memento films-

Et c’est, cet aspect là, qui,  en parallèle d’une mise en scène et en images très fluide et rythmée en multiples actions d’espionnite géo-politique et  leur  suspense…  qui s’y  retrouve remarquablement irriguée en toile de fond, par les portraits sensibles de ceux qui en vivent , ou en subissent,  les conséquences désastreuses. Olivier Assayas y inscrit admirablement cette humanité souffrante , au cœur de l’engrenage. A l’image de cette scène  remarquable  au cours de laquelle, la femme de René,  Olga ( Penelope Curz, bouleversante!) lors des retrouvailles, lui  hurlera   la douleur et la souffrance subie  par elle et sa fille durant les années d’une séparation consécutive aux choix  qu’il a faits … sans même les prévenir ! . Mais celle-ci ,  en femme forte et énergique, saura aussi  reprendre le dessus , se battre et faire front par des choix courageux, afin de protéger sa famille . Tandis que René, qui est lui, au centre de l’histoire et  pris dans l’étau , en devient pour le cinéaste le point cardinal porteur à la fois de cet « idéalisme » aux fortes convictions, qui le caractérise , faisant preuve d’humanisme en même temps que de vulnérabilité,.. il est émouvant dans « son » sacrifice consenti, pris  , à la fois dans l’étau de la diaspora anti-castriste et surveillé par le FBI. Au cœur de ce que l’on a appelé le « Wasp Network » des « soldats  infiltrés » chez les anti-castristes , on y découvre aussi  d’autres  personnalités  fortes , comme celle  de Manuel Viramontez ( Gaël Garcia Bernal ) leur  leader, auquel le comédien offre… la variante subtilement sournoise et détachée , de l’humour . Ce qui n’est pas la cas de Juan Pablo Roque , le dissident de l’armée de l’air Cubaine jouant habilement , lui , de la duplicité et du cynisme , fixé sur ses intérêts , se laissant porter par l’attrait de la société capitaliste …  laissant ses amis et sa femme Ana Margerita ( Ana De Armas ) à leur triste sort!.      Arrestation et emprisonnement sur  sol  Américain, suivront  ….  lorsqu’en  1998, l’écrivain Gabriel Garcia Marquez fut chargé par Castro de la «  mission » de remettre au président d’alors Bill Clinton , les preuves des attentats lancés du sol Américain sur Cuba par les exilés Cubains , et que  la réponse fut…le démantèlement par la CIA de la «  Wasp Network » !.  Leur refus de collaboration,  leur valut de lourdes peines de prison . « René González sort de prison en 2011, après treize ans de détention. Ses camarades bénéficient d’un échange de prisonniers trois ans plus tard, dans le cadre du « dégel » entre Cuba et les États-Unis qui culminera, en 2016, avec la visite historique à La Havane du président Barack Obama — avant l’élection de Donald Trump, un an plus tard, et le retour au boycottage…» est-il  précisé. Avec cet autre  épisode « d’infiltration » , au cœur du feuilleton de l’histoire du terrorisme de la guerre froide , après son Carlos , Olivier Assayas , qui  nous en révèle, ici ,  les dessous – peu ou mal connus – de l’un des épisodes des relations  houleuses entre les Usa et son voisin Cubain . On est toujours friands des ces faits, qui ne sont pas des « fake news »… et qui nous immergent dans les vraies arcanes et dessous politiques , de l’histoire. Aussi passionnant, qu’ instructif…

( Etienne Ballérini )

CUBAN NETWORK d’Olivier Assayas .

AVEC : Edgar Ramirez , Pénélope Cruz, Gaël Garcia Bernal, Leonardo Sbaraglioa , Ana De Armas, Wagner Mouras, Tony Plana, Nolan Guerra Fernandez ,Osdeymi Pastrana Miranda…

LIEN : Bande-Annonce du film , Cuban Network d’Olivier Assayas – ( Memento films : durée 1′ 50 » ).

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