Bande dessinée/ La Traverse

2020 : année de la Bande Dessinée.  C’est donc d’un livre de BD dont je vais vous parler et d’un auteur qui à ma préférence, pas forcement parce qu’il est né à Nice. Né à Nice comme Ernest Pignon Ernest. Outre qu’ils sont nés la même année, je leur trouve des « accointances » dans la méticulosité de leur travaux, dans leur recherche sur ces deux couleurs le noir et le blanc. Car le noir et le blanc sont deux couleurs, et ces deux – là ont travaillé sur leur mise en parallèle. Le noir de Sauvages n’existe que parce qu’il fait rejaillir le blanc.
Il est temps de parler d’Edmond Baudoin. Je vous en ai par plusieurs fois parlé, pour Trois pas vers la couleur, Gens de Clamecy, Humains, La Roya est un fleuve. Les deux derniers on été publiés par la maison d’édition L’association, au demeurant comme celui dont je vous parle ici. C’est d’ailleurs sa vingtième participation avec cette maison d’édition.

Baudoin est donc né à Nice, en 1942. Dans ses albums il raconte sa vie, celle de sa famille, les histoires et les voyages qui l’ont marqué. Ainsi il fait rentrer un nouveau style dans la bande dessinée : l’autobiographie dessinée. Mais si l’autobiographie est une de ses thématiques prépondérantes,  ses préoccupations ne sont pas limitées à la sphère de l’intime, Baudoin a mis aussi en BD des scénari originaux.
Expliquer son style ? Il dit Je prends une feuille blanche. Le blanc renvoie toutes les couleurs. Le pinceau fait une tâche, c’est le début du trait. Le noir aspire toutes les couleurs, c’est un trou noir… Le deuxième trait répond au premier et à lui-même. Mais ce qui est magique, c’est le trait blanc qui apparaît entre les deux traits noirs. J’ai un début de maîtrise du premier trait mais pas de maîtrise du tout du trait blanc. C’est l’espèce de bonheur que donne le dessin. »
Et voici donc La Traverse, d’Edmond Baudoin et  Mariette Nodet. Née à Grenoble en 1976 de parents montpelliérains convertis à la montagne, Mariette Bertrand grandit avec ses quatre frères et sœurs au rythme des randonnées en Belledonne et en Chartreuse. Elle découvre très tôt le goût de l’effort et de la nature, ainsi que les joies de la cordée, en famille mais aussi à travers le scoutisme. Elle entre chez Glenat Presse, et c’est là qu’elle rencontre Philippe Nodet, parapentiste et journaliste. Avec lui, elle s’initie au parapente et effectue un vol bivouac au Kirghizistan en 2003, découvrant l’expérience de l’itinérance aérienne en biplace.
Août 2017 : sur un quai de gare à Nice, Edmond Baudoin croise Mariette et sa fille Lou. Sa quête de l’humain s’arrête sur leur regard. Il revient de La Roya où il travaillait avec Troubs pour décrire le quotidien de ceux qui aident les réfugiés en difficulté (Humains, La Roya est un fleuve), elles rentrent de Suisse, à pied, du lac Léman à la Méditerranée, le long de cette frontière intangible et pourtant si sévère pour ceux qui tentent de la franchir.
Mariette et Lou ont une histoire, terrible : elles ont perdu un mari et un père brutalement en montagne, en 2009. Depuis, elles partent dès qu’elles le peuvent toutes les deux, marcher et explorer la montagne, partout dans le monde, comme il aimait le faire.
La Traverse raconte la violence du deuil, la douleur, et la reconstruction d’une famille dont les passions sont communes : la montagne, et les gens. De la Chartreuse à l’Himalaya, en passant par le chemin de Saint-Jean si cher à Edmond Baudoin, la traverse, c’est la marche, l’ascension, c’est rencontrer les limites, le précipice, se tenir au bord pour se sentir vivant.

Il  y a a donc deux récits, celui de Mariette Nodet, qui raconte sur son carnet ses voyages plus prés des 5000 mètres que de notre plancher des vaches, ses rencontres, ses quêtes. Par ses dessins, par ses à-plats, par son style qui nous envoie par à-coups vers un fantastique, Baudoin est au diapason graphique des récits de Marielle Nodet. Le récit d’Edmond est fait de ses souvenirs, il parle depuis sa terre d’ici, d’aqui, de Villars sur Var, évoque ses rencontres, son humanité, son crayon et son carnet qu’ils ne lâchent jamais.
A chaque page la graphie nous indique où nous nous trouvons : s ile récit est écrit en majuscules, comme en caractères d’imprimerie, nous sommes dans l’Himalaya,  dans la quête de Mariette. Quand l’écriture semble une calligraphie, c’est le monde d’Edmond.
De la Chartreuse à l’Himalaya, en passant par le chemin de Saint-Jean si cher à Edmond Baudoin, la traverse, c’est la marche, l’ascension, c’est rencontrer les limites, le précipice, se tenir au bord pour se sentir vivant.
Comme je le disais en début d’article, Baudoin est un auteur qui a ma préférence. Mais j’ai beaucoup de tendresse pour cet album. D’abord pour le croisement de ces deux parcours, l’utopie dans la quête et la recherche de Mariette, recherche de qui, d’une inaccessible étoile ?  Mais aussi utopie dans la quête d’Edmond, faite d’humanité, de bienveillance envers l’humain, chemin qu’il creuse dans le concret de ses rencontres, de ses dessins, de ses desseins ? Et le style reconnaissable d’Edmond, ses portraits o son crayonné capte l’âme de la personne, et ses à-plats lorsqu’il dessine les montagnes, où des moments de blanc le plus pur s’accroche et répondent au lus profond noir. Soulages n’est pas loin. Nous ne sommes également pas loin de l’art de l’estampe.


J’aimerai citer cette phrase d’Edmond vers la fin de cet album, album, vous l’aurez compris, que je vous recommande chaudement : Mes amis comme des miroirs, des échos, mes amis comme des villes, des pays, des paysages dans lesquels je vais, me retrouve, me repose, marche et écoute les résonnances, pour essayer de comprendre, quoi ?
La traverse
, d’Edmond Baudoin et Mariette Nodet, Editions l’Association. Et  rappelez-vous qu’un livre s’achète en librairie, ou un magasin spécialisé dans la BD. Et nulle part ailleurs.

Jacques Barbarin

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2 commentaires

  1. J’ai peu lu Baudoin, je me souviens de « mort sur le Rouergue ». J’aime son trait noir et épais, immédiatement reconnaissable, proche de Soulages en effet.
    J’en parlerai à mon libraire. Merci du conseil. 😉

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