Cinéma / 1917 de Sam Mendes

Eté 1917, le nord de de la France. Afin d’éviter le massacre , deux soldats Britanniques sont missionnés pour prévenir leurs compatriotes prêts à passer à l’offensive  du piège qui leur est tendu par l’armée Allemande. Sidérante immersion chorégraphiée en plan-séquence, au cœur de l’enfer de la guerre des tranchées ….du grand art !.

le soldat Schofield ( George MacKay ) ; au coeur de l’enfer des tranchées – Crédit Photo : Universal films –

A l’origine du film, il y a les confidences du grand- père du cinéaste , Alfred H Mendes – à qui le film rend hommage – qui fut engagé volontaire  et qui lui a relaté son propre ressenti d’un vécu , complété par celui de certains autres récits de soldats plongés, avec lui, dans l’enfer des tranchées . Le choix du traitement réaliste du récit par la dimension d’un plan-séquence suivant les soldats tout au long du parcours de leur mission et des dangers traversés, a été voulu, comme élément de dramaturgie , destiné « plonger le spectateur avec eux » au cœur des événements , afin d’ouvrir également à «  une double perception – subjective et intimiste- de ceux-ci », explique le cinéaste . D’emblée, nous voici donc immergés dès la première séquence dans l’enfer d’une tranchée où les hommes sont immobilisés depuis de longs mois dans la boue. Les  ordres qui fusent pour se protéger de l’ennemi, ou, ordonnant les tentatives de sorties pour le surprendre … ou , pour aller chercher les blessés de leurs tirs . On y individualise Schofield ( George MacKay ) et son ami , Blake ( Dean Charles Chapman) convoqués, répondant à l’appel de leur supérieur qui va leur confier la « mission volontaire !» et urgente , de se rendre à Ecoust-saint-Mein , où un bataillon Anglais s’apprête, à l’aube , à passer à l’assaut contre les troupes Allemandes. La traversé des lignes ennemies et tous ses pièges , afin d’y parvenir est l’itinéraire que nous allons « vivre » avec eux , agrémenté du      « suspense » qui en justifie l’urgente nécessité . Il s’agit en effet d’éviter le massacre des 1600 hommes du bataillon Anglais auquel les Allemands ont tendu un piège ! . Et parmi eux se trouve …le frère de Blake !. Ce dernier et son ami Schofield , dont la motivation prévue par leurs supérieurs sera sans failles , sont les hommes sur le courage desquels on mise pour tenter d’éviter le pire  !. Sam Mendès est de ces cinéastes ( comme Alejandro Inarritù , Christopher Nolan, Alfonso Cuaron…ou le Norvégien Anders Breivik pour son « Utoya 22 juillet »…) qui aiment expérimenter , les formes et les genres .En témoigne  son itinéraire de dramaturge au théâtre par lequel il a débuté , puis , celui cinématographique par lequel il l’a poursuivi, où tour à tour, drames sociologiques, psychologiques, film noir, d’aventure ou espionnage, témoignent au cœur de ses récits de ce désir d’expérimentation par certaines envolées et incursions qui s’y insèrent habilement . Comme c’est le cas dans son film Jarhead, la fin de l’innocence ( 2005), avec ces soldats Américains sous tension au cœur de la guerre du golfe et du désert Saoudien face à un ennemi invisible. Mais, ici, au cœur de la «  der des der », et le sujet de la mission et de l’itinéraire s’y prêtant , il a souhaité explorer l’immersion totale en un plan-séquence avec ses héros , suivis pas à pas , au cœur des dangers multiples qu’ils vont devoir affronter, pour l’accomplir …

Schofield (George MacKay) et Blake (Dean-Charles Chapman)  en route pour leur mission-  Crédit Photo: Universal Pictures –

Le  choix de la dramaturgie et de son traitement implique dès lors, tout un système méticuleux  de mise en place millimétré de déplacements dans les espaces et les  décors , permettant de restituer le réalisme , la fluidité et l’impact souhaité. Accentué par le mouvement de caméra ( Steadicam ) qui suit les deux héros missionnés. Celle-ci, adoptant , selon les situations un point de vue différent, à l’image de cette scène où elle suit nos soldats filmés de dos, et s’envole au dessus d’eux  franchissant l’obstacle ( le trou provoqué par un obus ) qu’ils sont -eux- contraints de contourner, pour ne pas s’y embourber!. Le regard -caméra,  ajoutant dès lors son propre regard distancié , renforçant l’impact de la perception de l’ensemble d’une séquence au cœur de laquelle , le danger s’invite . A cet égard est prodigieuse , la scène du combat dans les airs des avions ennemis qu’ils observent et dont l’un d’eux touché vient s’écraser en flamme sur le sol , à quelques mètres d’eux. Filmés caméra fixe de dos regardant le combat, puis fuyant face caméra l’avion et  tous deux échappant de peu à la mort, tentant alors d’en extraire le pilote grièvement blessé . Le plan -séquence est sidérant, ici , par la virtuosité technique du travail de «  collage technique » invisible lui ouvrant l’impact dramatique , cette fois-ci amplifié par l’angle de vue en plan fixe de l’action !. De la même manière que l’est , le traitement de cette autre séquence nocturne , au cœur du chaos du bombardement de la ville auquel, les lumières des explosions et l’embrassement de certains bâtiments touchés  et des ruines, offrent une dimension apocalyptique quasi irréelle . Au coeur de celui-ci , viendra s’inscrire la magnifique scène , faisant écho à la destruction et à la mort , où la vie et l’espoir s’inscrivent malgré tout. Notre héros fuyant  le cauchemar , au détour d’une porte-refuge poussée , la verra s’ouvrir dans l’ombre de la nuit sur le visage d’une jeune femme et d’un bébé qui s’y sont terrés , à qui il apportera un peu de soutien . Au cœur de la tourmente , le cinéaste y glisse ces moments de répit et d’espoir ,   a l’image de cette maison au milieu des ruines de laquelle , des cerisiers en fleurs sont restés intacts ,  inspirant  cette belle réplique à nos soldats «  au cœur des ruines , les fleurs au printemps vont laisser place aux fruits qui tomberont sur le sol …et le noyau permettra a d’autres arbres de pousser .. » …

George MacKay ( Schofield )   au coeur de la ville en ruines -Crédit Photo : Universal Pictures-

Toujours guidés par l’espoir, leur course contre la montre au cœur des dangers qui se multiplient sur leur parcours et du compte à rebours qui s’égrène , la traversée des champs de bataille et ses cadavres d’hommes et de chevaux, les rats qui pullulent et l’horreur qui au fil du parcours va les accompagner en forme de cauchemar éveillé auquel, ils ne peuvent opposer que leur courage et leur bravoure . Et il va leur en falloir pour éviter les embûches et, par exemple , se transformer en équilibriste de cirque pour traverser ce pont presque entièrement démoli sont il ne reste qu’un élément fragile pour atteindre le sol ferme , alors que le tir d’un sniper invisible, vous tient au bout de son canon !. Ou encore , pour atteindre  cette rivière dont il faudra plonger dans  le cours tumultueux , ponctué par une chute vertigineuse … et tenter d’en  sortir indemne,  pour arriver, enfin (?)… au campement auquel est destiné le message salvateur !.La mise en abîme est époustouflante au cœur de laquelle la destinée de nos deux héros épouse , celle des destinées  tous ceux pris au piège de l’enfer de la guerre. Entraînés , pour la plupart malgré eux dans un conflit généré par des enjeux politiques supérieurs , et s’y retrouvent impuissants  pris au piège qui peut , à tout instant , faire basculer leurs vies . Plongés au cœur de celui-ci, il n’y a plus d’espoir « …l’espoir c’est dangereux, cette guerre ne peut cesser qu’au dernier survivant! », dira même leur supérieur aux deux soldats chargés de la mission. Confrontés à leurs peurs et à leur souffrances , c’est à une aventure humaine au cœur de la tourmente dans laquelle le cinéaste et son chef-opérateur , Roger Deakins ( celui, aussi,  des frères Coen, ente ‘autres ) nous immergent . Difficile d’échapper à l’emprise, la prouesse technique et ses « raccords » invisibles donnant l’illusion parfaite du plan-séquence, n’est pas la seule à nous scotcher à l’écran . Le travail sur la scénographie et les décors y est prodigieux , et la bande sonore de Thomas Newman , est en osmose avec le sujet . Le choix des deux comédiens principaux, peu connus , sans doute voulu afin de les « intégrer » à la multitude de ceux anonymes  qui ont vécu le même enfer se révèle , en tout cas être un atout , d’autant que tous deux y sont remarquables …

1917 de Sam Mendès – 2010- Durée ! 1 h 55-

AVEC : George McKay, Dean Charles Chapman, Mark Strong , Andrew Scott, Richard Madden, Calire Duburcq, Colin Firth, Bénedict Cumberbatch…

LIEN : Bande- Annonce du film 1917 de Sam Mendes – Universal Pictures : Durée : 2’40 ( Vostf)

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2 commentaires

  1. Nolan et Mendes, Dunkerque et 1917, deux chroniques en temps de guerre, deux approches passionnantes sur la perception du drame humain que constituent ces tragédies.
    Ce que vous soulignez très bien dans votre texte, c’est cette capacité du réalisateur, par le procédé, choisi à embrasser les enjeux dramatiques et temporels dans un même mouvement, une « chorégraphie » en effet, comme un ballet. Ce qui n’a rien de surprenant de la part d’un cinéaste qui vient de la scène.

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