Architecte et mère célibataire, Maud chargée de réaménager le parvis de Notre-Dame, va devoir affronter à la fois le dérèglement de sa vie sentimentale et le scandale que suscite son projet. Après l’échec critique de Marguerite et Julien (2015) , la comédienne-cinéaste renoue avec ses premières amours, avec cette comédie déjantée, aux accents burlesques . On se laisse prendre au jeu…

De fait , le personnage de son héroïne, Maud est dit-elle : «… est un peu le prolongement de l’Adèle de La Reine des Pommes qui a grandi ( son premier long métrage / 2009 ) .Une Parisienne mère de famille de la classe moyenne , qui travaille qui a une énergie folle, qui gère tout ! …elle est increvable ». Les premières séquences nous immergent en effet dans une sorte de tourbillon que distillent à la fois les images de la vie quotidienne de Maud ( Valérie Donzelli, aussi derrière la caméra ) faisant face à ses démêlés de travail et familiaux. Auxquels s’ajoutent ceux d’un contexte quotidien extérieur dont les informations alarmistes diffusées dans les médias sur le climat et autres dysfonctionnements viennent impacter la vie quotidienne et les relations sociales de plus en plus violentes. Tout le monde est emporté dans le tourbillon d’insécurité et d’angoisse, comme en témoignent les réactions viscérales déclenchées qu’illustrent les séquences de gifles échangées en pleine rue, suite à une réflexion ou à un geste que l’on a jugé agressif ! . Le quotidien de la vie de Maud n’y échappe pas qui doit « gérer » une vie privée complexe face à laquelle son énergie se retrouve parfois en panne …ou bloqué par l’inattendu auquel il faut parer ! . Comme c’est le cas du double dilemme à résoudre : celui du père de ses enfants, Martial (Thomas Scimeca) qui vient se réfugier chez elle dès que ça tourne mal avec sa nouvelle copine!. A ce dernier s’y ajoute une sorte d’ovni en la personne de Bachus ( Pierre Deladonchamps) son amour de jeunesse qui revient prendre contact et place dans sa vie… en journaliste improbable empêtré qu’il est, dans les « directs » de la chaîne d’infos continues pour laquelle il travaille !. Comme si cela ne suffisait pas pour Maud, s’ajoute le contexte du travail et d’un CDI promis, où elle doit composer avec un patron ( Samir Guesmi ) autoritaire qui joue sur la pression envers ses employés. Elle est « un peu toutes ces femmes qui vivent dans de grandes villes, qui travaillent, qui assument tout... », explique Valérie Donzelli. Et elle y met toute son énergie … au point que ses projets d’architecture vont trouver , grâce à un malentendu il est vrai , une récompense inespérée !. Maud va décrocher le prix du concours lancé par la mairie de Paris de réaménagement du Parvis de Notre-Dame , destiné à rassembler autour de celui-ci, la « réconciliation autour des valeurs républicaine » . On retrouve là, l’idée du conte qui s’invite …mais qui va tourner court avec le malentendu à l’origine du choix de son projet , se muant en polémique. Au cœur de laquelle la cinéaste y glisse l’irrévérence enjouée d’une satire rendue encore plus percutante, dynamisée par les ressorts utilisés du burlesque et ses ruptures de tons et ses clins d’oeil aux genres …

Un choix assumé dont la prise de risque est balayée par l’énergie qui s’y déploie , lui permettant de dynamiter les certitudes et les a-priori , comme l’illustre la polémique déclenchée par le projet de Maud. Pourtant plébiscité par la maire ( Isabelle candelier ) et son adjoint ( Philippe katerine ) . Celui-ci , par ses audaces , devenant l’objet d’un large et houleux débat sur les idées reçues en matière d’architecture et de liberté créatrice. Débat dont la cinéaste , à partir des exemples d’oeuvres audacieuses du passé qui elle aussi déclenchèrent scandale, va saisir l’occasion d’interpeller sur le monde de l’architecture et les querelles entre partisans de la modernité visionnaire, et ceux des traditions classiques . Mais aussi , sur les choix politiques faits en matière d’aménagement urbain impactant la vie citoyenne , et ce qu’ils révèlent d’une cité au coeur de laquelle la violence des rapports ( au travail et citoyens ) où sur le sort des démunis se retrouvent à la marge et laissés pour compte, sans oublier le sort fait au migrants. C’est par l’empathie affichée par son héroïne envers ceux- là ( à l’image de la scène des sdf couchant dans la rue sous sa fenêtre ) que la cinéaste pointe : « On vit dans une ville où certains jours, des gens meurent dans la rue. J’ai moi-même été témoin de la mort d’un clochard dans mon quartier. C’est révoltant, c’est insupportable mais que peut faire Maud, que pouvons-nous faire, malgré toute l’empathie qu’elle éprouve et que nous éprouvons à leur égard ? Rien. Il n’y a pas de solution. C’est pour ça que je tenais à ces scènes où l’on voit ces femmes installer leur nid, leur vulnérabilité qui sera encore plus grande quand il y aura la tempête. Et c’est pour cela aussi que je fais dire à un présentateur radio que la crise des migrants devenait insupportable… » , dit-elle . La gravité est là , faisant écho à la « polémique » déclenchée par le projet dont la caricature de la « bataille d’idées » sur l’art prend la dimension symbolique,via les références au passé qui y sont faites. Celles des controverses auxquelles les projets ambitieux en leurs temps (Beaubourg, la pyramide du louvre, l’Opéra Bastille ou les colonnes de Buren dans la cour d’honneur du Palais Royal ..) ont dû faire face. Alors que le film a été tourné avant la tragédie de l’incendie, de Notre-Dame , à ce sujet la polémique récente née autour des travaux de reconstruction, offre un écho inattendu au récit de la cinéaste. Mais, pour ce qui concerne Maud, cette épreuve vécue du projet suscitant polémique ( combat perdu d’avance … ) à laquelle elle se retrouve confrontée (sans avoir présenté le concours et l’avoir vraiment voulu), va lui servir de moteur et d’enseignement pour acquérir son indépendance et sa liberté future …

Tandis que son récit, lui, nous entraîne dans une sorte de vertigineux bric à brac d’influences, dans lequel elle nous invite à nous glisser et se prendre au jeu. C’est une douce musique dans laquelle elle nous immerge et qui nous emporte avec les références et influences multiples aux différents genres d’écriture et de création artistique qui dynamisent son récit. L’architecture qui y est au centre avec sa maquette et ce que son projet déclenche en polémiques, elle va l’irriguer au rythme des autres arts inspirateurs de son récit. Empruntant au genre littéraire du conte et de la poésie ( l’envol symbolique de sa maquette…) qui s’y invite et s’y déploie souvent, en leitmotiv. Puis, le complète par ses clins- d’oeil à la bande dessinée ( les plans des gifles, les caricatures … Maud qui porte toujours les mêmes habits … ) . Références auxquelles viennent s’ajouter celles cinématographiques : au burlesque du muet ( les gags visuels , les inter-titres des dialogues …) , ou ceux lorgnant vers l’humour déjanté des Marx Brothers ( la caricatures des Journalistes et chaînes d’infos , ou celle sur les moines victimes d’une drôle d’intoxication ! …). Puis , vers la comédie romantique ( avec les deux amoureux de Maud …) , ou lorgnant du côté de la comédie musicale ( la scène du cinéma – refuge où les spectateurs confinés pour cause de gaz toxique , y poussent la chansonnette comme chez Jacques Demy ). Mais aussi, la satire sociale et politique comme « constat sur le monde d’aujourd’hui », dit Valérie Donzelli qui nous entraîne dans ces divagations et références , et y compose le bon dosage , y faisant cohabiter gravité et divertissement . On se laisse emporter dans son tourbillon ludique …
( Etienne Ballérini)
NOTRE DAME de Valérie Donzelli – 2019 – Durée : 1h 30
AVEC : Valérie Donzelli, Pierre Deladonchamps , Thomas Scimeca, Bouli Lanners, Virgine Ledoyen, Isabelel Candelier , Philippe Katerine, Samir Guesmi , Pauline Seyries…
LIEN : Bande -Annonce du film, Notre Dame de Valérie Donzelli ( Ad Vitam Distribution – 2′ 13 ) .
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