L’Autriche au temps du Nazisme. L’histoire vraie d’un paysan catholique refusant de faire allégeance à Hitler. Porté au delà de celle historique, par une superbe approche esthétique poético-contemplative, une passionnante réflexion Politique et éthique sur le libre -arbitre et la résistance au « mal ». Sélection en compétition, Cannes 2019.

Nous voici d’emblée propulsés au cœur du sujet avec des images d’actualité et de propagande au cœur de l’année 1939 , alors que l’armée Allemande vient de faire son entrée sur le territoire Autrichien. Dans le petit village de Saint Radegund où vit Franz Jägerstätter ( August Diehl ) avec sa famille au cœur d’un communauté paysanne de tradition catholique de fermiers dont le quotidien va être bouleversé . Les premières séquences jouent admirablement du contraste entre l’harmonie d’hier et, celle imposée y apportant la discorde qui va faire son œuvre. Les magnifique scènes du début avec ces images d’une nature changeante au fil des saison dans lesquelles s’inscrivent les jeux des enfants , et les moments d’intimité de Franz et son épouse , Franziska ( Valérie Pachner ), et celles d’une communauté solidaire dans l’entr’aide pour les travaux des champs. Tout à coup , à l’image de ces nuages noirs qui s’ammoncelent dans le ciel et de l’orage qui gronde , l’harmonie de la communauté se retrouve « contaminée » par la parole haineuse diffusée par les serviteurs du régime de « l’antéchrist » Nazi ( Hitler ). Celle dont Franz après avoir fait son service militaire en 1940 , et de retour dans son village natal , va rapidement mesurer les effets désastreux propagés « semant la discorde » dans le village , et générer son refus de plus en plus radical d’un système qui impose sa loi « qu’est-il arrivé à notre pays ? » se demande -t-il . Les signes de plus en plus visibles de l’embrigadement et surtout les pressions qui sont faites pour l’imposer par une véritable mécanique de « viol » des consciences , qui lui deviendra insupportable !. Franz en catholique, va en appeler à son libre-arbitre , à sa conscience sur l’existence du mal . Celui, annonciateur de ces « ténèbres » dans lesquelles le monde peut sombrer. Pour Frantz , le constat est devenu accablant : « on tue des innocents , on envahit d’autres pays , on s’attaque aux faibles …je ne peux pas faire ce que je crois être mal … mieux vaut subir l’injustice que la commettre ! » , souligne-t-il . Et celui-ci , est encore amplifié par le fait que l’église qu’il interpelle, le renverra à un sybilin : « tu as un devoir envers la patrie ! …» , l’homme devant se soumettre à toute autorité au -dessus de lui …

Alors , face au constat accablant de la soumission , ou de la lâcheté , il se radicalisera en insoumis, objecteur de conscience refusant désormais « de faire ce que je crois mal », invoquant le libre-arbitre. La question de l’intégrité morale sera au cœur du film, et du cœur du combat de Franz. Le cinéaste en prolonge la réflexion l’inscrivant dans la thématique sur le rapport de l’homme au monde et à la nature ( Les moissons du ciel / 1978 ), dont son œuvre est nourrie depuis ses débuts . A laquelle, s’ajoutera la dimension éthique et spirituelle du questionnement « intime , existentiel », au cœur du drame qui va se jouer ici, faisant écho à celui des soldats engagés dans la bataille de Gaudalcanal dans La ligne Rouge ( 1998), pris au piège de l’engrenage destructeur de la seconde guerre mondiale. Pour Franz , sa détermination va prendre la direction d’une quête spirituelle dont la dimension apaisante de la radicalité de son engagement, renvoie et fait écho , à celle biblique du psaume 23 dont le « guide berger » dit : qu’elle ouvre la voie aux « verts pâturages» ! . Au cœur du cauchemar de la machine nazie, en effet, pour lui il n’y a plus d’espoir qui puisse arrêter le « train de l’enfer en marche » ( celui de l’holocauste qui hantera un des rêves de Franz ), comme l’écrira à sa femme celui-ci , alors, en attente du verdict dont il sait l’inexorable fatalité qui l’attend. Le salut éternel auquel il aspire sera sa consolation. Celle dont son refus « d’avoir participé au mal … je veux sauver ma vie, sans mentir , quel bénéfice tirerai-je de mon obéissance aux ordres impies du Fürher ?… » ajoute-t-il encore. Dans ce contexte , Terrence Malick dont le choix de la voix- off , accompagnant les réflexions intérieures de Frank , nous immerge au cœur de son intimité et de sa perception des événements comme de ses interrogations existentielles, dont il nous fait les témoins. C’est la belle idée du film qui trouve son prolongement dans le choix du filmage en caméra steadicam et la souplesse visuelle qu’il imprime, aux mouvements dans les espaces intérieurs et extérieurs nous ouvrent à la perception, cette fois-ci , du regard et du vécu extérieur des personnages . Celui par exemple , de leur ressenti de la peur qui s’installe au cœur du village et des relations qui font se désagréger les corps social … et , pour la famille de Franz , le douloureux vécu du rejet de la part de la communauté villageoise …

Au cœur de celle-ci , Térrence Malick y inscrit la belle historie d’amour d ‘un couple propulsé en pleine tourmente, par la décision d’insoumission de Franz . Choix éthique qui risque d’ébranler la sérénité et la force des liens qui l’animent . Mais le danger qui pèse sur celui-ci, finira par lui permettre dans l’adversité de surmonter l’épreuve pour construire , une magnifique liaison conjugale qui deviendra indéfectible !.. Comme en témoignent les nombreuses scènes au village au cours desquelles il font face aux insultes et aux multiples tentatives de manipulation et de déstabilisation dont ils sont l’objet :« tu ne peut pas renier ta race, tu es un traître ! » dira-t-on à Franz . Surmontant dans un premier temps , les difficultés et protégeant leurs enfants et cherchant en vain… appui auprès de l’église. La séparation due à l’arrestation de Franz, ne fera qu’affermir ce lien par les correspondances de prison adressées à sa femme , dont le cinéaste s’est servi pour son film ( être catholique ou nazi – publié aux éditions Bayard). Elles ne feront que confirmer l’ampleur du lien, qui va permettre à chacun ,de capitaliser la force morale pour tenir le choc . La souffrance indicible acceptée par chacun étant le sacrifice , permettant à l’autre de ne pas sombrer ! . C’est grâce aux lettres de Franck que Franziska trouvera la force d’affronter la haine des villageois et à tenir à bout de bras ses filles …et la ferme . Tandis que Franz, sa liberté de conscience respectée par sa femme , va trouver même la force d’affronter la hiérarchie militaire et le président du tribunal , qui le convoque dans son bureau et qu’il interpelle sachant pourtant , le couperet prêt à tomber : « me jugez-vous ? », lui rétorquera le président ( Bruno Ganz, dans un de ses derniers rôles ) . C’est de cette destinée de Franz , dont le titre du film Une vie cachée est révélateur d’une certaine forme d’oubli et de silence dans lequel celle-ci ( avec d’autres …) a été longtemps plongée, révélatrice d’une mémoire sélective face à une vérité dérangeante . Sortie de l’oubli par un chercheur Américain Gordon Zhan, enquêtant sur les opposants catholiques au régime Nazi qui la rendra publique , par l’ouvrage qu ‘il lui consacrera en 1964… mais , le chemin fut long avant que l’église ne s’en émeuve et le pape Benoît XVI , finisse par Béatifier Franz en 2007 , comme Martyr … et qu’il devienne un héros dans son village natal !. Terrence Malick en construit un récit bouleversant de bout en bout , qui vous scotche littéralement à l’écran. Magistral !…
(Etienne Ballérini )
UNE VIE CACHEE de Terrence Malick – 2019- Durée : 2h 53-
AVEC August Diehl, Valeri Pachner, Michaël Nykvist, Jrgen Prochnow, Mathias Schoenaerts , Bruno Ganz, Martin Wuttke, Maria Simon , Franz Rogwski…
[…] 5 – Une vie cachée de Terrence Malick (2019 – 2h46). Avec August Diehl, Valeri Pachner, Michaël Nykvist, Jurgen […]