Au sein de leurs deux associations, Malik et Bruno, prennent en charge de Jeunes enfants et adolescents Autistes délaissés par les institutions officielles . S’affranchissant des règles, ils plongent au cœur de l’urgence de la nécessité de briser les barrières . Les auteurs de Intouchables et de Le sens de la fête , en construisent un récit poignant : justesse de ton, rires et émotion au rendez-vous, nous touchent en plein cœur et nous bouleversent …

La« Hors Normes est le fruit d’un engagement de vingt ans » , explique Eric Toledano. La longue maturation par le duo de cinéastes, trouve son origine dans les années de scoutisme en colonies de vacances, et leurs rencontres avec les deux personnalités dont « l’humanité , l’engagement et l’énergie » au service du handicap , les a impressionnés. Les liens qui se sont tissés au fil des ans, tous les problèmes que le sujet soulevait , concernant la « nécessité de faire bouger les lignes » rendait évidente la « concrétisation » que le récit de cet engagement pourrait apporter à leur œuvre dont la thématique solidaire, abordée dans Samba ( 2014) , est ici, au cœur. Le récit inspiré des personnalités des créateurs des associations : Stéphane Benhamaou ( Le temps des Justes en 1996) , et Daoud Tatou ( Le Relais IDF, en 2000 ) , incarnés à l’écran ‘par Bruno ( Vincent Cassel) et Malik ( Reda Kateb ). Les deux hommes, réunissant les bonnes volontés se complètent et y agissent en osmose , en dehors de tout cadre institutionnel. Fruit d’un long travail mûri en amont , les cinéastes peuvent dès lors inscrire au cœur de leur comédie humaniste , tous les éléments de réflexion qui leurs permettent de brasser en filigrane, des sujets plus que jamais, au cœur des problématiques de notre temps: « Notre film témoigne de son époque, souvent dominé par l’égocentrisme , l’individualisme . l’humanité c’est aussi s’intéresser à cela » , explique Eric Tolédano dans l’entretien accordé à notre confrère, Dominique Landron , et publié dans le quotidien Corse-Matin le 20 Août 2019. La force du film est dans cette approche et dans les choix forts que le auteurs se sont imposés, donnant la parole à tous les protagonistes concernés, afin d’en nourrir leur fiction, du réel qui lui sert de moteur …

Le plus bel exemple du « dosage » parfait, trouve son apothéose dans l’osmose qui nourrit les séquences du choix des interprètes autistes face au comédiens , où le pari du risque pris devient, le moteur même du sujet du film. Celui dont le relationnel qui s’est inscrit au cœur du tournage entre les professionnels, les comédiens et les autistes, reproduit celui- là même qui – dans la réalité – fait le quotidien entre les « référents », et les autistes dont ils s’occupent. Les récit rapports qui se sont instaurés entre les autistes et les professionnels , est tout simplement magique. A l’image de l’évolution de celui qui se construit, entre Bruno ( Vincent Cassel ) et Joseph ( Benjamin Lesieur ) , que concrétise la scène du beau geste de Joseph, venant poser sa tête sur l’épaule de Bruno : « quand il vous aime bien , il est capable de démonstrations affectives très fortes , il vibrait d’être là , heureux..), explique Vincent Cassel. Ou celle, entre Malik ( Reda kateb) face aux jeunes issus de quartiers difficiles qu’il doit choisir pour « encadrer » les autistes, et dont il dit : « Le film est une parabole sur l’énergie des quartiers. Il montre que lorsque l’on apporte un regard de confiance à ces gamins tout en restant vigilant, ils grandissent et s’ouvre alors la voie d’un avenir professionnel. Daoud a un taux de réussite de 100% avec des jeunes qui, jusque-là, tenaient les murs de leur cité. Ils sortent tous avec leur diplôme… ». C’est cette nécessité là , ce regard bienveillant, cette volonté de respecter et comprendre l’autre ,donnée comme réponse à l’exclusion , que le film porte. Celle d’un combat contre l’adversité et le renoncement, face au handicap et la maladie. Mais aussi , face aux règles, à la conformité des institutions les imposant , ou celles, des structures , qui, faute de moyens budgétaires , se retrouvent dans l’incapacité de répondre aux demandes et aux urgences. Laissant à l’abandon familles et proches. Comme le traduit , le ressenti du drame vécu par la mère de Jospeh ( magnifique Hélène Vincent ) qui s’inquiète de l’avenir « Qu’est-ce qu’il va devenir quand je ne serai plus là ? », « Ils sont mignons quand ils sont petits mais quand ils grandissent, le regard des autres n’est plus tout à fait le même … » , et qui évoque le suicide , ne pouvant pas supporter l’idée de ce futur qui sera réservé à son fils …

Stéphane Benhamou évoque d’ailleurs à ce sujet , les milliers ( 37 000 )de familles d’autistes qui : « vivent encore un cauchemar qui les plonge dans le noir, seconde après seconde, 24h/24. Lorsque le diagnostic tombe, il n’y a plus d’existence familiale ou sociale. On laisse les familles dans l’angoisse et l’enfermement » , dit-il . Qu’évoque , la très forte séquence au cœur de laquelle , Bruno confronté à l’enquête des services sociaux ( IGAS) , concernant l’homologation de son association . Celui-ci , face aux remarques qui lui sont faites sur l’emploi de personnel non qualifié ou sur les locaux « non adaptés », ce dernier répondra aux « donneurs de leçons », en leur renvoyant la liste les noms et les photos de ceux qu’il ont exclus … de leurs services publics ,incapables de répondre aux demandes !. C’est la question de la santé publique comme priorité dont est fait – sans détours- le constat d’échec !. A celui-ci , les deux associations ont répondu sans aide publique, mais avec les bénévoles, dont l’engagement, fait sens, et devient le moteur d’espoir :«… l’humanité qui y règne transcende toutes les différences, c’est ce qui a retenu aussi notre attention dès le départ. Il y a une ouverture, un regard sur l’autre qui fait défaut dans notre société. Ce film nous donne l’occasion dans un climat parfois tendu entre les communautés, de mettre en valeur des parcours atypiques, qui peuvent largement servir d’exemple.. », souligne Eric Tolédano. Les différences sociales, raciales ou religieuses n’y sont pas l’objet de conflits : « dans ce lieu, ce qui pourrait être une question n’en est absolument pas une. Une seule chose compte, améliorer la vie de tous ces jeunes vulnérables …», ajoute Olivier Nakache , comme constat d’un vécu, lors de la préparation du film et du tournage. La belle idée des auteurs c’est justement de nous renvoyer ce « regard qui fait défaut à notre société », afin de nous interpeller sur cette « différence » via laquelle les autistes , sont l’objet d’un rejet… par certains individus de notre communauté. Comme en témoignent , les scènes où Joseph est pointé « jugé ingérable » , par les agents de sécurité ou , lors de son stage en entreprise …

A cette exclusion dont Joseph , fait écho celle du jeune valentin ( Marco Locatelli) se faisant violence à lui même et aux autres , fuguant sur le périphérique la nuit , mettant sa vie en danger . Pour en finir avec sa souffrance , comme l’évoque aussi la mère de Joseph? . A ce constat sombre à la dimension tragique et d’urgence , Bruno et Malik, les référents et les bénévoles sont constamment sur le qui vive, pour éviter le drame . L’émotion que celui-ci suscite au fil des séquences qui nous bouleversent, les auteurs, à celle de la vigilance de la solidarité soignante , y ajoutent le complément de la poésie et du rire. La poésie , avec cette séquence de danse d’atelier d’expression collective où les corps s’articulent en un « ensemble » chorégraphique , offrant une harmonie visuelle et gestuelle collective qui vous emporte par sa fulgurante beauté poétique !. Et la touche de la comédie et du rire comme une évidence respectueuse , les montrant au coeur de situations où, la maladresse les fait se confronter à l’incompréhension du monde extérieur. Le « je suis innocent ! » , de Jospeh au commissariat de police où il se retrouve … pour avoir tiré le signal d’Alarme du métro !. scènes de « jeux et de détente’ pour les référents , ou clin -d’oeil sur l’appartenance religieuse de Bruno et Malik , où se nichent des échanges d’habiles ( à la Woody Allen…) , sur les rituels, ou les « rendez- galants » de Bruno .!. Hors Normes, est ( on le redit!) , un film généreux, bouleversant , qui vous remue les tripes , et interpelle sur une Urgence avec les arguments qui font, sens et nécessité . C’est un grand film populaire, honnête et fort.

Il s’inscrit dans les « frémissements » dont témoignent, les succès récents des films ayant une approche des sujets ayant trait aux multiples des préoccupations sociétales ( Petit Paysan d’Hubert Charuel , la vie scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir , Les invisibles de Louis-Julien Petit, Au nom de la terre d’Edouard Bergeron …), apportant la preuve que le public semble vouloir retrouver le goût de ce cinéma Populaire de qualité . Celui des grandes comédies Américaines ( des Capra, wilder ou Lubitsch …) , ou Italiennes ( Risi , Scola , monicelli…) qui savaient si bien nous divertir et nous faire réfléchir sur nous mêmes et sur les maux de notre société. Eric Tolédano et Olivier Nakache , en revendiquent les références et s’inscrivent dans la continuité . On ne peut qu’y souscrire . Alors , soyez solidaires précipitez-vous dans vos cinémas favoris … et faites à Hors Normes, le même triomphe qu’à Intouchables !…
( Etienne Ballérini )
HORS NORMES – d’ Eric Tolédano et Olivier Nakache. 2019 – Durée : 1h 54-
AVEC : Vincent Cassel, Reda Kateb, Hélène Vincent, Benjamin Lesieur, Bryan Mialoundama, Alban Ivanov, Marco Locatelli, Catherine Mouchet, Frédéric Pierrot , Suliane Brahim ( de la Comédie Française), Lyna Khoudri, Aloïse Sauvage, Djibril Yoni, Ahmed Abdel-Laoui, Darren Muselet, Sophie Garric…
LIEN : Bande-Annonce du Film : Hors Normes de Eric Tolédano et Olivier Nakache .
LIEN : Entretien d’Eric Tolédano par Dominique Landron , publié dans le quotidien Corse Matin
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