A la gravité de Plaire, Aimer et Courir vite (2018 ) , le cinéaste qui nous a habitué aux amours mélancoliques et sentimentales, nous propose , avec son nouveau film un réjouissant cocktail inventif sur les écarts extra-conjugaux et l’usure du couple , porté par un mise en scène en jeux de miroirs, où l’absurde et l’humour s’invitent…

D’ emblée , en deux séquences, le cinéaste installe la fantaisie et la surprise où amour extra-conjugales et usure du couple , sont aussitôt disséqués avec la fantaisie des situations et la surprise dont elles se parent , en même temps que la détermination affichée par celle qui en sera l’héroïne . Elle c’est Maria ( Chiara Mastroianni , épatante : prix d’interprétation section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2019 ) qui , dans la même journée va rompre avec son jeune amant étudiant et …avec celui qui a été son mari depuis vingt ans , Richard ( Benjamin Biolay ). Tout semble normal à Marie qui , au cœur de la dispute qui s’ensuit avec Richard , lui rétorque :« les amours extra-conjugales , sont la loi des couples qui durent ! » ; et ce dernier , lui répondra sèchement « en tout cas , moi je ne t’ai jamais trompée ! » . Maria pourtant professeur d’histoire du droit, sait que l’article 212 du code civil définit pourtant les obligations du mariage : « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours , assistance.. » . Mais qui s’en soucie encore ?. ..hier et aujourd’hui , les histoires d’infidélité ont fait, et font les beaux jours des romans, des vaudevilles et des plus belles comédies de cinéma dont le cinéaste est admirateur , notamment des grandes comédies Américaines sur le sujet . Et de l’une d’entre elles , signée Léo Mc Carey ( Awful Truth avec Irene Dunne et Gary Grant ) qui a été l’élément déclencheur de son écriture . Ces références , où plutôt ces « guides » comme il les appelle , qui stimulent l’inspiration, ces « films des autres sont souvent des paysages croisés encours de route, qui nous entraînent.. » , dit-il . A l’évidence les clins-d’oeil sont nombreux , de Sacha Guitry en passant par Bergman, Woody Allen , Bertrand Blier, Alain Resnais , ou encore Orson Welles dont le mythique « Rosebud » est convoqué comme décor à une séquence . Christophe Honoré va jouer de tous ces repères pour nous en proposer la forme d’un Voyage dans l’épreuve du temps auquel, le couple , va être confronté . Voyage habillé de multiples intrigues qui se déclinent dans ce « théâtre de la vie » qui constitue le décor de sa mise en scène en studio , et en extérieurs dans le 16 éme arrondissement Parisien : le domicile conjugal, l’hôtel , la rue , son cinéma et son bistrot …

Ce domicile conjugal qu’après la violente dispute découvrant l’infidélité de Maria , laissant Richard abasourdi qui ne comprend pas ce qui est en train de se jouer et arrive à son couple. Christophe Honoré le pare de tous les possibles des libertés qui s’y cachent et des fantasmes qui s’y révèlent dont les portes du vaudeville ouvrent cette fois-ci à un voyage dans ce temps qui a passé , devenant le révélateur aux yeux du spectateur, de toutes les aventures qui y ont vu le jour …mais aussi , de ce que le recul du regard peut , tout à coup , venir remuer chez Maria réfugié dans une chambre de l’hôtel situé face au domicile conjugal, où elle observe de la fenêtre l’état dépressif de Richard…et culpabilise un peu. Tandis que son esprit vagabonde et que les « apparitions » convoquées par son souvenir se multiplient et que , certains viendront, même, lui faire des reproches . Dans cet exercice, la mise en scène qui s’envole avec le récit et use du changement de décor comme au théâtre ( superbes travellings en plongée , passant d’une pièce à l’autre ) , puis a des « ouvertures » vers le cadre du réel et des extérieurs , offrant au récit la fluidité et le petit grain de folie , qui lui va si bien. Car vous serez entraînés dans un tourbillon de surprises dont on vous laissera découvrir les enchaînements et quiproquos qu’elles vont provoquer . On vous dira seulement qu’ à partir de ce refuge dans l’hôtel , et la « distance » prise, qui va lui permettre d’observer la déflagration qu’elle a provoquée chez cet homme , ce mari se sentant bafoué et en train de se replier comme un vieux débris , n’ayant plus goût à la vie , à l’amour ni au désir, dont se fait écho la belle scène de confrontation avec son jeune double ( Vincent Lacoste ) qu’il fut il y a Vingt-cinq ans ! . Dans sa chambre d’hôtel pendant ce temps l’esprit de Maria continue de vagabonder qui va le remplir de tous ceux qui ont croisé sa vie : parents ( sa mère qui totalise ses conquêtes …) , amis et amants ( nombreux …très nombreux ) symbolisant les « étapes » du désenchantement conjugal , ou celles, plus douloureuses des opportunités (désir d’enfant… ) manquées …

Tous ces regrets liés à l’enfance et à la jeunesse ravivés par le « Rosebud » évoqué , auquel le récit renvoie à la mélancolie qui les habille et la distanciation enjouée de la fantaisie dans laquelle ils sont convoqués , celle-ci ,leur offrant la belle dimension d’une quête de paix réconciliatrice. A cet égard , l’évocation du Richard enfant (un peu plus d’une dizaine d’années ) amoureux de sa prof de piano ( Camille Cottin) qu’il rêvait d’épouser et Le souvenir de ce dernier revenant encore en jeune fantôme d’ il y a vingt- cinq ans, raviver le souvenir de leur rencontre amoureuse dans le présent imaginaire de Maria , qui sera à nouveau séduite par ce jeune homme irrésistible . Celle-ci se fendant dans la foulée d’une belle réplique : « si on ne peut plus tromper son mari…avec son mari , alors ! » aux reproches qui lui sont faits !. Fait-on les mêmes aux hommes qui multiplient les aventures hors mariage ? , Maria femme libre a choisi elle aussi de s’épanouir hors du couple . Alors, lui faut-il faire un « méa culpa » ? , pour se sortir de ce micmac des amours qui font partie du « tourbillon de la vie » que chantait Jeanne Moreau dans le Jules et Jim de François Truffaut . Ce tourbillon, dont la fantaisie se prolonge même dans le futur vers lequel, Maria après avoir « invité » dans sa chambre 212 tous ses amants surgis du passé, finira par se projeter ( sous les traits de Carole Bouquet ) vers le futur … qui pourrait être le sien . Superbe séquence ouvrant à un horizon maritime où l’espace infini restant à écrire , mais habité à jamais par ces souvenirs qui ont construit les vies , les passions , les amours, les déchirures, et , parfois laissé des regrets . Christophe Honoré les distille, habilement par une mise en scène fluide , que viennent habiter les remous des dérèglements conjugaux , auscultés avec un humour bienvenu … on s’y laisse porter , au fil du récit scandé par les chansons ( Charles Aznavour , Jean Ferrat, Donna Summer …) , et par la qualité des dialogues dont cette « comédie sur l’adultère », servie par une pléiade de Comédiens en pleine forme , restitue la fantaisie de celles d’antan convoquées en référence – hommage . On est sous le charme …
(Etienne Ballérini )
CHAMBRE 212 de Christophe Honoré – 2019- 86 Minutes-
AVEC : Chiara Mastroianni, Vincent Lacosnte , Benjamin Biolay, Camille Cottin, Harrison, Carole Bouquet …
LIEN : Bande-Annonce du Film : Chambre 212 de Christophe Honoré .
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