Son grand amour la quitte , elle est perdue dans le déni, et en colère. Déterminée à s’en sortir et à faire le deuil, elle va se perdre dans des aventures sans lendemain Pour son premier long métrage derrière la caméra , la comédienne y diffuse une énergie qui fait mouche, servie par une écriture où le réalisme poétique s’invite. Sélection Semaine de la Critique, Cannes 2019 – A voir, sans hésiter …

Vous l’avez découverte dans La Graine et le Mulet ( 2009 ) d’Abdellatif Kéchiche où sa détermination , sa verve en paroles et son déhanché ( la scène de la danse du ventre ) ont crevé l’écran. Présence révélatrice d’une passion -cinéma , qui s’est poursuivie dans es rôles où on la devinait presque vouloir sortir du cadre pour se poser de l’autre côté de la caméra- miroir, e mettre en scène…se mettre en scène. Elle l’avoue « de toute façon le jour où j’ai mis le pied sur un plateau , je savais que je voulais mettre en scène ».Poussée par son « mentor » qui l’a faite débuter dans le métier, elle se met à écrire et apprendra sur le tas au fil des rencontres et expériences. Curieuse et perfectionniste elle laisse mûrir son désir . Un court métrage ( La Rodba ) , et l’envie de réaliser un long. Un projet « Bonnes mères » non
non abouti sur Marseille, sa ville de naissance . Elle se lance alors dans l’aventure de celui-ci en s’auto-produisant accompagnée de techniciens et comédiens amis, et d’autres non -professionnels « L’envie de réunir une troupe et relever un défi personnel » . Tourné en quinze jours à Belleville, le film se révèle irrigué par cette énergie de l’urgence qui le dynamise par l’implication collective dans laquelle chacun sait qu’il a une chance à saisir :« je voulais confier des responsabilités à des gens qui n’en avaient jamais eu », explique Hafsia Herzi . Le « découpage » travaillé en amont, afin de ne pas parasiter celui de la mise en scène , les conditions étaient réunies pour franchir le pas. L’histoire de Lila ( que la comédienne incarne ) jeune femme délaissée qui n’arrive pas à réaliser ce qui lui arrive , sujet aussi banal qu’universel, est construit lui aussi comme un défi à relever pour Lila dont la dépression s’accentue, hermétique à tout soutien. C’est elle seule qui devra savoir faire face , comme le laisse entendre dès la scène d’ouverture, avec sa démarche déterminée. Mais, au fil des rencontres destinées à la rassurer et lui faire oublier son désespoir où s’insinue la déception du remède ( ces rencontres éphémère) qui ne soigne pas… elle n’est pas loin , de perdre la raison…

C’est cet entre- deux d’une quête d’un amour qu’on se dit mériter, auquel on s’accroche ou à qui l’on tend les bras , et qui ne vient pas … dans laquelle Lila se plonge sans répit pour oublier celui qui est parti , au risque de s’y brûler . Ce rêve que chantait Jacques Brel « Rêver un impossible rêve / Porter le chagrin des départs /… aimer jusqu’à la déchirure / même trop, même mal / peu m’importe le temps/ ou ma désespérance . … peu m’importent mes chances / et puis lutter toujours /se damner / Pour l’or d’un mot d’amour/ ( 1) . Cette quête éperdue afin de s’en sortir , et revivre coûte que coûte. Prête à tout , faisant appel aux amis ( ies ) , aux aventures sans lendemains …et même à un Marabout ! . Tout un ensemble de situations qui vont permettre à Hafsia Herzi d’imprimer à son film son regard attachant et une dynamique étonnante de spontanéité, avec des séquences restituant par l’habile utilisation d’un matériel numérique léger, une belle authenticité irriguant les multiples rencontres et déambulations . Rêver cet impossible rêve , et au détour , bousculer quelques clichés réparateurs (?) dans lesquels elle se fourvoie poussée par la jalousie , la colère . Toutes ces tentatives sont construites comme un itinéraire avec ses obstacles . Les affronter , les franchir , y puiser les enseignements permettant de s’en sortir. Un parcours auquel l’osmose d’une équipe technique , et de comédiens certains professionnels et d’autres débutants -tous épatants – y insufflent la dynamique de la diversité des regards . Faisant miroir à celui de Lila. Elle , faisant front en femme libre . Tour à tour désabusée ou sombrant dans le chagrin , puis directe , impudique ou solaire… elle est vibrante , attachante, bouleversante. Au cœur d’un récit dont on doit souligner le travail d’écriture ciselé au mot près avec les hésitations, un travail effectué en commun « adapté à la personnalité de chacun », avec les comédiens afin de restituer l’authenticité souhaité aux dialogues …

C’est ce travail là qui est remarquable , où l’influence d’Abdel Kéchiche très pointilleux et perfectionniste en la matière comme sur le montage , est donnée comme exemple. De même que la liberté de traitement de la thématique sexuelle dont , en Lila « femme libre et sans tabous », la cinéaste , la filme sans la juger , et surtout dit-elle « avec amour et sans tabou, sans tomber dans la vulgarité … du point de vue artistique, le corps est pour moi , comme un tableau » . Et on pourrait ajouter que les personnages , comme les lieux dans lesquels le récit se déroule, sont filmés de la même manière , avec cette « touche » d’authenticité ordinaire qui s’en dégage . Défiant, comme on l’a dit plus haut les clichés , à l’image d’un Paris à mille lieues de la carte postale , que complète le regard sur les personnages, certains hauts en couleur , dont la cinéaste s’amuse ( et nous faire rire) du détournement des clichés dans lesquels ils sont souvent cantonnés. Parfois à tort … et d’autres à raison, comme celui de l’Ex qui s’accroche et fait mine de culpabiliser ; et cet autre , beau gosse dragueur et focalisé sur le passage à l’acte , ou celui du « couple échangiste » se posant en tentateur- soigneur, de la déprime de Lila !.. Beau portrait de groupe au sein duquel , se distingue« l’ami homo » ( Djanis Bouzyani, épatant ) de Lila, en perpétuel état de distanciation comique envers lui-même et ses malheurs. Ou encore, ce Marabout « star » (?) du tout Paris qui s’arrache ses services.. dont Carla Bruni, et Emmanuelle Béart ! . S’y ajoutent les « copines » de Lila , très présentes avec leurs conseils et autres attentions pour tenter de la sortir de la déprime…mais qu’enfermée dans son déni elle n’entend pas !. Au cœur de ce portrait s’invitera celui du garçon de café qui veut devenir photographe ( Anthony Bajon,
découvert dans La Prière de Cédric Kahn ), invitant Lila à poser pour son « book ». Son regard photographique, accompagné par les mots du poème :« tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t’apporterait le rêve , la poésie … » de la célbère peintre Mexicaine Frida Khalo ( 1907- 1954 ) , permettront, enfin , à Lila de s’accrocher et croire , comme Don Quichotte , à l’impossible rêve , et de « brûler encore bien qu’ayant tout brûlé/ Pour atteindre l’inaccessible étoile !». Un premier long métrage très prometteur, qu’on vous invite à découvrir en salles …
(Etienne Ballérini )
( 1) – la chanson « la Quête » chantée par Jacques Brel fait partie de l’Album 33 tours de la Comédie Musicale :« L’homme de la Mancha» ( Jouée sur scène à Bruxelles et à Paris) , adaptation du célèbre Don Quichotte de Miguel De Cervantes.
TU MERITES UN AMOUR d’ Hafsia Herzi – 019- Durée : 1h 39.
AVEC : Hafsia Herzi, Djanis Bouzyani, Jérémie Laheurte, Anthony Bajon, Sylvie Verheyde, Karim Ait M’Hand , Myriam Djeljeli , Alexander Ferrario, Samir Guesmi ….
LIEN : Bande -Annonce du film : Tu Mérites un Amour d’Hafsia Herzi .
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