Avec Fourmi, le scénariste et réalisateur Julien Rappeneau signe son deuxième long métrage après Rosalie Blum. Une comédie sociale avec le football en toile de fond

Fourmi peut se voir comme un film sur le football où il n’est pas question de ses à-côtés, des tribulations et du mal-être d’une star brésilienne, des millions pour racheter un club ou encore des banderoles et chants homophobes (ou non). Mais si le foot est bien présent, c’est uniquement à l’échelon amateur et surtout comme toile de fond afin d’explorer une relation père/fils, ou plutôt l’inverse, celle d’un fils qui va essayer de redonner espoir à son père auquel plus personne ne fait confiance.
« Ce qui m’intéressait, souligne le réalisateur dans le dossier de presse, c’était de pouvoir montrer ce sport comme un élément important du lien social. Le club local amateur fait partie de la vie des petites villes de province ou des quartiers. Le football fait le lien entre les gamins, entre les parents, il soude la communauté. C’est un espace de convivialité, d’échanges, de transmission de valeurs, la plupart du temps tenu par des gens bénévoles et passionnés ».
Théo (Maleaume Paquin), surnommé « Fourmi » par son amoureuse en raison de sa petite taille, est un adolescent très doué pour le foot. C’est le plus talentueux des Intrépides, le club d’une commune du Nord de la France victime de la désindustrialisation et frappée par une crise sociale. Si Théo fait la fierté de son entraîneur/éducateur Claude (André Dussollier), son père, Laurent (François Damiens) est redouté par ses débordements. Comme dirait son fiston, il traverse une mauvaise passe. Mais celle-ci dure depuis deux ans et demi. Au chômage, alcoolique, il est séparé de son épouse Chloé (Ludivine Sagnier) qui refait sa vie. Il suit régulièrement son fils. Ingérable et incontrôlable, il fait le coup de poing facilement. A la moindre parole qu’il estime déplacée ou s’il pense que son gamin a été victime d’une injustice sur le terrain, il sort de ses gonds. Un jour, un recruteur du prestigieux club anglais d’Arsenal se déplace spécialement pour voir jouer Théo. Cependant, à la fin du match, malgré sa prestation, celui-ci lui annonce qu’il n’est pas retenu à cause de sa petite taille. Pour ne pas décevoir son père qui rêve de l’accompagner à Londres et de démarrer une autre vie, Theo lui confirme qu’il est pris. Un mensonge lourd de conséquences… pour Théo, son père, mais aussi pour toute la commune.

Avec Fourmi, son second long métrage derrière la caméra, le scénariste et réalisateur Julien Rappeneau (le fils du cinéaste Jean-Paul Rappeneau), adapte de nouveau une bande dessinée (« Dream Team » de Mario Torrecillas et Arthur Laperla). Simple hasard, il avait fait de même avec Rosalie Blum (2016), inspiré de la bd éponyme de Camille Jourdy. Dans ce 1er film, le personnage de Vincent (Kyan Khojandi) était un adulte qui peinait à sortir de l’enfance, ici Théo est un enfant qui se pose des questions d’adultes. Autre lien entre les deux fictions, elles s’intéressent à des personnages paumés ou marginaux qui semblent « bloqués dans leur vie ».
Si Fourmi ne se distingue pas par ses idées de mise en en scène des autres productions à la thématique proche (foot, enfance),comme Monsieur Je-sais-tout (2018) de François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard, il s’en démarque néanmoins (et emporte l’adhésion) par son côté comédie sociale « so british » qui sait à la fois faire rire et émouvoir. Une référence que ne renie pas le réalisateur. Quelques détails permettent d’identifier les lieux géographiques (l’équipe de Lille, grande rivale des Intrépides, et le carnaval de Gayant à Douai). Cependant, cette petite ville de province avec son usine abandonnée et ses chômeurs pourrait se situer dans n’importe quelle région française, ce qui souligne le côté universel de l’histoire.

En se focalisant sur la relation père/fils, il fallait bien entendu trouver les bons interprètes. Si François Damiens excelle également dans le registre dramatique (ici cependant sa palette est plus large et nuancée), restait à dénicher Théo. Après un casting de 150 enfants, Julien Rappeneau a choisi Maleaume Paquin, un étonnant p’tit bonhomme de 12 ans, déjà révélé dans Rémi sans famille (2018) d’Antoine Blossier, qui de plus « tripote bien la balle ». Entre les deux comédiens, l’alchimie opère, soutenue par des « seconds rôles » loin d’être négligés. On pense notamment à, André Dussollier (passionné de foot dans la vie) éducateur qui cite volontiers Cruyjjf, Pelé mais aussi Cantona dans ses « causeries d’avant-match », Ludivine Sagnier, Chloé, la mère, Pierre Gommé, qui joue le copain Max, un « geek » asocial qui ne sort plus de sa chambre et qui passe sa vie derrière les écrans d’ordinateur, ou encore Laetitia Dosch, assistante sociale débordée.
Fourmi, un conte social, drôle, tendre et émouvant, à voir.
Fourmi de Julien Rappeneau (Comédie dramatique – France – 1h45). Avec François Damiens, Maleaume Paquin, André Dussollier, Ludivine Sagnier, Lætitia Dosch.
Philippe Descottes
La bande annonce du film (Mars Films – 2mn)