Cinéma / THALASSO de Guillaume Nicloux.

Le centre de Thalassothérapie de Cabourg. La rencontre détonante de Michel Houellebecq et de Gérard Depardieu plus vrais que nature, …défiant les interdits de la cure. Humour , grotesque , absurde, surnaturel au rendez-vous d’une mise en abîme qui fait mouche …

l’affiche du film

Le centre de Thalasso et son décorum très organisé des séances de soins et d’hygiène, repas
calibrés accompagné des interdits ( cigarette , alcool…) destinés a rendre les effets de la cure personnalisée la plus efficace possible . Michel Houellebecq qui doit s’y soumettre à contre -cœur, tente en vain d’y déroger cherchant à échapper à la surveillance des gardiens ( pour fumer en cachette) …ou de soudoyer un garçon de service de table pour avoir « un ou deux verres de vin » pour le repas !. L’écrivain s’ennuie et de surcroît il ne supporte pas les des séances de cryothérapie , bains de boue et autres « tortures » auxquelles son corps est soumis. Et que dire de ces voisins de cure qui l’abordent en « fans » admiratifs «  j’ai lu tous vos livres !» lui demandant de signer l’un de ses livres …qui se révèle être , d’un autre écrivain !. Heureusement au cœur de ce « palace » de soins policés où il traîne son ennui et sa désespérance , voilà qu’au cours d’une échappée pour s’en aller fumer à l’abri des regards inquisiteurs , il croise un autre « rebelle » : Gérard Depardieu ‘himself » ! .Un aubaine …ce dernier a déjà trouvé les astuces pour détourner les interdits, cachant  bouteilles de Vin et autres  aliments interdits , qu’il déguste en secret , le  soir dans sa chambre-. Désormais celle-ci  deviendra le repaire  commun des deux  « loustics » pour se remplir la panse , mais aussi se déchaîner dans des échanges sur le sujets les plus divers et sur le sens de la vie . Guillaume Nicloux , qui avait concocté en 2014 un   Enlèvement de Michel Houellebecq , en a imaginé un prolongement libertaire «  je voulais retrouver la même procédure filmique, la même liberté et spontanéité » , dit-il . Injectant dans le nouveau dispositif Gérard Depardieu permettant un  processus d’échanges  utilisant les deux personnalités , et des libertés d’intrigue au cœur desquelles , vont réapparaître les ravisseurs de l’écrivain objet du précédent épisode…pour stimuler en parallèle l’intrigue du récit suscitant de nouveaux échanges , et la résolution d’une mystérieuse « fugue d’une certaine Ginette» ,dont Michel détiendrait, les clés du secret …

Michel Houellebecq et Gérard Depardieu, rencontre au centre de Thalasso- Crédit Photo : Wild Bunch Distribution-

l’Association de ces personnages au «  duo » qui constitue le centre du récit, le lien de « continuité » qu’elle introduit est devenue une constante des films du cinéaste , dont il dit vouloir continuer à explorer les « personnalités » qui le fascinent . Offrant ici l’opportunité de dynamiser par leurs singularités , le nouvel enjeu de l’intrigue faisant écho par son mystère et ce qu’elle déclenche comme digressions , aux échanges philosophico-mystiques de notre « duo ». Guillaume Nicloux nous entraîne dans son tourbillon où le délire loufoque renvoie son coup de revers la balle, aux digressions existentielles de Michel et Gérard. On est séduit par cette mise en abîme des deux personnalités « cash » débattant à bâtons rompus sur les sujets le plus divers ( religion , politique, du sens de la vie , de la mort …) de leurs obsessions . Pour Michel , c’est celle de son «  enlèvement » politique affirme-t-il, concocté par François Hollande pour lequel se présentant aux élections il était devenu un adversaire dangereux «  j’aurais été élu !… mais je vais me présenter aux prochaines, je ne pensais pas que Macron allait se casser la gueule aussi vite!», ajoute-t-il. Une « obsession » qui ne le quitte pas !. Autre belle scène avec cette réplique – sur les deux personnalités et leurs prises de positions politiques, à laquelle ils auront droit :«  vous êtes la honte de la France ! » , leur dira un des clients du centre de Thalasso !. Guillaume Nicloux s’amuse beaucoup -aussi-dans les échanges entre les deux hommes avec les désaccords sur certains sujets :« tu délires», dit Gérard à Michel qui fera face à son scepticisme. Par contre , Gérard restera sans voix lors de la belle scène ou, les larmes aux yeux Michel évoque le souvenir de sa grand-mère pour étayer sa croyance en la résurrection des corps …

Michel Houellebecq en séance de cryogénisation-Crédit Photo : Wild Bunch Distribution-

Les deux figures médiatiques que ses deux personnages représentent , Guillaume Nicloux a souhaité en faire un territoire d’exploration : «.. il y a une porosité troublante entre ce que le public sait, croit et imagine. Houellebecq et Depardieu sont à la fois de vraies personnes et des personnages médiatiques, fantasmés. Il m’arrive de me perdre entre ce que je crois savoir d’eux et ce qu’ils représentent. Ce glissement perpétuel entre « vrai » et « faux » est un formidable terrain d’exploration. C’est un étrange voyage vers ce qu’ils sont peut-être, ailleurs, dans une sphère inconnue. », explique-t-il dans le dossier de presse . C’est le choix de cette approche qui est passionnant ici,  par ce qu’il s’y révèle de «  distanciation » Brechtienne et de fascination . Depuis son film La Religieuse ( 2013) le registre du cinéaste déjà éclectique dans l’exploration des genres (Comédie, Polar, drame …), s’ est tourné , vers une approche au cœur de laquelle , à l’exploration de la matière cinématographique des formes et genres , il l’ouvre à une dimension qui dit-il , fait écho à un certain désir dans « l’air du temps de se libérer des entraves » dont , ici,les sujets abordés par la parole libre de ses héros refusant  les « règles »  du centre de Thalasso , auxquels sa mise en scène fait écho. Il la dynamise au travers de ses séquences où le loufoque,  le grotesque , l’humour graveleux , l’absurde et le tragique , se mêlent et ( ou ) se répondent. Complétées par les scènes d’envolées lyriques , rêvées ou pas ( le bain de boue, la rencontre de Sylvester Stallone ) ou celle de la cryogénisation tournant au supplice , et , enfin le  beau clin d’oeil  cinéphile  à Françoise  Lebrun interprète du film La maman et la Putain de  Jean Eustache  à qui jean-Pierre Léaud  a  cédé  son séjour  au centre de soins . Le plaisir est au rendez-vous …

(Etienne Ballérini)

THALASSO de Guillaume Nicloux – 2019- Durée : 1h 33.

AVEC : Michel Houellebecq, Gérard Depardieu , Maxime Lefrançois, Mathieu Nicourt, Daria Panchenko, Françoise Lebrun …

LIEN : Bande-Annonce du film : Thalasso de Guillaume Nicloux .

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3 commentaires

  1. Bien belle chronique qui explore les zones reculées des intentions du réalisateur. Le plaisir lié à cette étude en creux de l’image publique de ces deux monstres médiatiques s’en trouve néanmoins parasité sinon gâché par le retour des ravisseurs qui n’ont à mes yeux ici plus leur raison d’être. Et c’est finalement avec une pointe d’amertume, voire d’agacement que je suis sorti du film, dans tous les sens du terme.

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