« Je suis très triste. C’était mon gentil petit frère adoré. Le bavard de la famille. J’ai passé des moments merveilleux seule avec lui ces derniers jours. Il est parti en riant » a déclaré Jane Fonda peu après le décès, le 16 août à Los Angeles, de Peter Fonda.

L’acteur réalisateur et producteur souffrait d’un cancer des poumons. Il est mort d’une insuffisance respiratoire à l’âge de 79 ans.
Je me souviens que Peter Fonda est né à New York, le 23 février 1940. Sa mère Frances Ford Seymour s’est suicidée alors qu’il n’avait que 10 ans. Il n’a appris la vérité sur sa mort que 5 ans plus tard.
Sans que son père, Henry Fonda, légende du 7e Art, ne le pousse ou ne l’en empêche, il devient comédien et débute sur les planches, à Broadway, joue dans plusieurs séries télévisées avant de faire du cinéma au début des années 1960.

Je me souviens qu’il a tourné deux films sous la direction de Roger Corman, Les Anges Sauvages (1966), sur un gang de motards (la moto déjà!) et The Trip (1967) avec Dennis Hopper et Jack Nicholson, avant Easy Rider. « Roger m’a donné la possibilité de m’éloigner de l’image que Hollywood avait de moi, le fils de Henry Fonda, un petit ange qui allait jouer dans les productions Disney (…). Faire des bons films pour trois fois rien, c’est ce que nous avait appris Roger Corman »
Avec le succès d’Easy Rider il devient avec sa sœur Jane, une icône de la rébellion et de la contre-culture. A l’opposé de l’image de leur père incarnation des valeurs de l’Amérique traditionnelle.

Malgré (ou à cause de) cela il ne fera pas une carrière classique, « hollywoodienne », tournant dans des films indépendants ou des séries B, avec quand même quelques exceptions notables comme L’homme sans frontière (1971) un (anti)western « crépusculaire et psychédélique », qu’il réalise également, L’Or de la vie (Ulee’s Gold) de Victor Nuñez, pour lequel il remporte un Golden Globe (1997) L’Anglais (The Limey) de Steven Soderbergh (1999) ou, plus récemment, 3 h 10 pour Yuma (2008) de James Mangold.

Avec L’homme sans frontière on lui doit également deux autres films en tant que réalisateur, Idaho Transfer (1973) et Wanda Nevada (1979) dans lequel il joue avec son père.
Je me souviens aussi que Peter Fonda fait une brève apparition dans Une pause… quatre soupirs (Bodies, Rest & Motion) de Michael Steinberg (1993) dont sa fille Bridget Fonda est l’une des vedettes. Il interprète… un motard !
Je me souviens encore que Peter Fonda était aussi un militant écologiste et toujours engagé. En 2011 invité sur la Croisette au Festival de Cannes, en tant que co-producteur d’un documentaire sur la marée noire dans le Golfe du Mexique, il avait poussé un coup de gueule contre Barack Obama en lui reprochant sa gestion de la catastrophe. En juin 2018, il fit un nouveau coup d’éclat, sur Twitter, pour protester contre la politique d’immigration de Donald Trump.
Je me souviens que Easy Rider a 50 ans…

Je me souviens que l »idée de produire un film est venue à Peter Fonda en 1967 lorsqu’il était à Toronto pour la promotion de The Trip, et en réaction aux propos de Jack Valenti, président de la Motion Pictures Association of America (et très proche du président des Etats-Unis Lindon Johnson), qui le visaient : « Mes amis, il est temps que nous arrêtions de faire des films avec des motos, du sexe et de la drogue. »(1)
L’idée du scénario lui est venue en voyant une photo des Anges sauvages avec Bruce Dern et lui, à moto.
Il pensa immédiatement à son ami Dennis Hopper, déjà acteur mais également photographe, pour le réaliser.
C’est à l’occasion d’un tournage en France, à Roscoff, avec sa sœur (Histoires extraordinaires – 1er sketch :Metzengerstein réalisé par Roger Vadim) qu’il fit la connaissance de Terry Southern, le scénariste de Docteur Folmaour, Le Kid de Cincinnati, Barbarella, lequel rejoignit le projet.

Pour l’écriture du scénario, Peter Fonda et Dennis Hopper se seraient également inspirés du film Le Fanfaron, réalisé par Dino Risi en 1962.
Je me souviens que les quatre motos ont d’abord appartenu à la police, avant d’être rachetées aux enchères et customisées. Harley-Davidson refusa de participer au film car les personnages principaux étaient des rebelles et cela risquait de nuire à l’image de leur société.
Grands consommateurs de substances hallucinogènes, Peter Fonda, Dennis Hopper et Jack Nicholson ne changèrent pas leurs habitudes sur le tournage : « On était tous stones se souvient Jack Nicholson. On a dit que j’avais fumé 155 joints sur ce tournage, c’est un petit peu exagéré. Mais à chaque fois que l’on faisait une prise, on fumait un joint en entier. Alors mon travail d’acteur s’inversait : au lieu d’être sobre et de devoir avoir l’air drogué, j’étais drogué et je devais faire comme si j’étais sobre. » « Sabotage Times » magazine en ligne.

Je me souviens qu’en dehors de« Ballad of Easy Rider « , la bande son n’est composée que de morceaux existants (The Byrds, Steppenwolf, The Band, Jimi Hendrix, Roger McGuinn, Electric Prunes).
Je me souviens que vers la fin du film, une réplique de Wyatt « Captain america » « We blew it » (« On a tout gâché », « On a merdé ») est restée inexpliquée. Mais Peter Fonda a toujours refusé d’en donner le mode d’emploi :«Je voulais que ce soit énigmatique et s’applique à des tas de choses. Si vous me demandez si c’est encore valable, regardez par la fenêtre et dites-moi qu’on n’a rien foutu en l’air», a-t-il déclaré au Hollywood Reporter (1) (2).

Selon plusieurs témoins, Dennis Hopper et Peter Fonda se sont querellés pendant tout le tournage. En désaccord avec son réalisateur sur la durée du film qui dépassait largement les trois heures, Peter Fonda l’aurait même viré. Il tient cependant un petit rôle dans le second film réalisé par Dennis Hopper, The last movie (1971).
Au Festival de Cannes cette année-là le film reçu le Prix de la meilleure première œuvre, précurseur de la Caméra d’or récompensant un 1er long métrage de fiction.
A la surprise générale Easy Rider fut le troisième plus gros succès de l’année 1969 aux États-Unis, derrière Butch Cassidy et le Kid et Macadam Cowboy.
Réalisé avec un budget dérisoire de 350.000$, il en rapporta plus de 7 millions après un an d’exploitation.
Je me souviens qu’avec des films comme Le Lauréat et Bonny & Clyde, il marqua la naissance du Nouvel Hollywood, le cinéma indépendant américain, inspiré du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française ; une époque ou les réalisateurs prenaient le pas sur les producteurs
Pour Joel Selvindu « San Francisco Chronicle » : « En 1969, la société américaine était en plein bouleversement. La nouvelle génération, qui avait grandi dans la liberté, était rejetée par une Amérique qui l’étouffait. Le vocabulaire, la drogue, les symboles de la contre-culture, on n’avait jamais vu ça au cinéma. C’était la première fois que les jeunes Américains se reconnaissaient dans un film. »
Je me souviens que pour célébrer le 50e anniversaire de la sortie du film, le 14 juillet 1969, Peter Fonda avait organisé une projection à New York le 20 septembre prochain, avec des musiciens pour interpréter la bande-son du film, dont l’incontournable Born to Be Wild.
Je demeure persuadé que l’expression « film culte », désormais employée pour un oui et surtout pour un non, a vu le jour peu après Easy Rider…
Si d’aventure, dans les jours qui viennent, vous croyez voir et entendre des bécanes pétaradant dans le ciel, ce n’est pas une hallucination… Dennis et Peter ont repris la route !
Philippe Descottes
A voir également :
Le site officiel de Peter Fonda
(1) Peter Fonda. La genèse d’Easy Rider – Entretien accordé à Première (Juillet 2019)
Ulee’s Gold official trailer (VO – 2mn)
Easy Rider – Intro/Born to be wild (VO – 3mn35)
Dennis Hopper et Peter Fonda au Festival de Cannes en 1969 (ORTF/INA – 1mn43)
L’Ouest américain d’Easy Rider – Une invitation au voayge (Arte – 13mn)
Easy Rider – Making of (VO – 65 mn)
On the trail of Easy Rider (VO – 5mn)
(2) « We blew it »- Easy Rider – Movie Clip (VO – 1mn59)
Peter Fonda on InnerViews with Ernie Manouse (VO – 27 mn)
Peter Fonda Tribute (Diaporama – VO – 10mn53).
Bel hommage, et superbe retour détaillé sur ce grand film generationnel qu’est Easy Rider.
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