Tu n’as rien vu à Hiroshima

Comment ça, je n’ai rien vu à Hiroshima ?
LUI Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien. ELLE J’ai tout vu. Tout. Ainsi l’hôpital, je l’ai vu. J’en suis sûre. L’hôpital existe à Hiroshima. Comment aurais-je pu éviter de le voir ? LUI Tu n’as pas vu d’hôpital à Hiroshima. Tu n’as rien vu à Hiroshima.
Ce sont les premières répliques d’un film culte, réalisé par Alain Resnais, le scénario et les dialogues étant de Marguerite Duras. Ce film, c’est bien sûr Hiroshima mon amour, au titre digne d’un oxymore. Le 28 juillet 1958, le cinéaste Alain Resnais partait au Japon tourner l’essentiel de ce qui allait devenir un film mythique de l’histoire du cinéma : Hiroshima mon amour. C’est son premier long-métrage et le premier scénario de l’écrivain Marguerite Duras.
Une actrice française se rend à  Hiroshima  afin d’y tourner un film sur la paix. Elle y rencontre un architecte japonais, ancien conscrit dont la famille a disparu sous les bombes, qui devient momentanément son amant, mais aussi son confident. Alors qu’ils s’apprêtent à se quitter, il lui expose sa vie et lui répète qu’elle n’a « rien vu à Hiroshima ».
6 août 1945. Nous sommes à Hiroshima une ville du Japon située sur la côte nord de la  mer intérieure de Seto,  sur l’île de Honshû, la plus grande île japonaise, quand soudain, à 8 h 15 (heure locale),
Et puis voici/ Que dans le ciel bleu de midi/De plus en plus fort j’entendis/comme arrivant de l’infini/Ce drôle de bruit/Ce drôle de bruit*
Le bombardier B-20  piloté par Paul Tippets, baptisé Ebola Bay  décolle de la base de Tinian**, avec à son bord une bombe atomique à l’uranium 235 d’une puissance de 15 kilotonnes, surnommée Little Boy
Je m’souviens que les gens/ S’arrêtèrent de marcher/ Et d’un air étonné/tout le monde a levé le nez/Vers le ciel angélique/Couleur de paradis*
L’équipage est composé de douze hommes, dont quatre scientifiques. Deux autres B-29 l’escortent, emportant les instruments scientifiques destinés à l’analyse…
Et brusquement/Il y eut un éclair aveuglant/Et dans un souffle incandescent/Les murs se mirent à trembler/Que s’est-il passé?- J’y comprends rien/Y avait une ville/Et y a plus rien*
6 août 1945, à 8h 15. Une gigantesque bulle de gaz de plus de 300 mètres de diamètre se forme aussitôt après l’impact. Hiroshima est détruite à 60%. Les incendies embrasent la ville (au cœur de l’explosion, la température au sol atteint 4000 °C). Au total, on compte 80 000 morts, 70 000 blessés sur les 330 000 habitants que compte la ville.
Y a plus rien qu’un désert/De gravats, de poussière/Qu’un silence à hurler/A la place où il y avait/Une ville qui battait/Comme un cœur prodigieux*
Le 9 août 1945, une nouvelle bombe touche Nagasaki. 75 000 personnes périssent sur le coup (pour une population totale de 240 000 habitants). Dans les deux villes, le nombre de victimes grimpe rapidement dans les semaines qui suivent les bombardements. Les bombes continueront même à tuer pendant des décennies à cause des malformations et maladies liées à la radioactivité.
J’ai eu chaud place de la Paix. Dix mille degrés sur la place de la Paix. Je le sais. La température du soleil sur la place de la Paix. Comment l’ignorer?… L’herbe, c’est bien simple… LUI Tu n’as rien vu à Hiroshima, rien*


Je me suis toujours demandé ce que signifiait ce « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Il y a de cela disons une dizaine d’années, j’étais allé pour la première fois au Mémorial de la Shoah, à Paris. Après une très longue visite, je vais à la librairie, achète un livre sur les Einsatzgruppen***, et afin de parler un peu avec la personne qui tenait la caisse, lui dit  tout ce que  j’ai vu pendant la visite… Et lui de me répondre: „Ah bon? Vous avez vu ça?“ C’était sa manière de me dire: „Tu n’as rien vu à Auschwitz“

L’utilisation de l’arme nucléaire par les Etats-Unis contre le Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale fait depuis toujours l’objet d’un débat vif en émotions. Au départ, rares étaient ceux qui remettaient en cause la décision prise par le président Truman de larguer deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Mais dès 1965, l’historien Gal Alperowitz affirmait que si les deux bombes avaient certes provoqué la fin immédiate de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants japonais avaient l’intention de capituler. Larguer deux bombes atomiques n’était donc pas nécessaire pour gagner la guerre. Ward Hayes Wilson   traduit par Antoine Bourguilleau 7 juin 2013 Slate.fr

Jacques Barbarin

*Claude Nougaro « Il y avait une ville »
**Tinian l’une des trois principales îles des Mariannes du Nord, à l’ est de la mer des Philippines. Elle a été utilisée comme base pour les bombardements du Japon, notamment pour les bombardements nucléaires des villes d’ Hiroshima et de Nagasaki
***Les Einsatzgruppen (littéralement groupe d’intervention) étaient des unités de police politique militarisées du IIIème Reich  chargées, à partir de l’invasion de la Pologne, de l’assassinat systématique des opposants réels ou supposés au régime nazi et en particulier des Juifs.

https://www.youtube.com/watch?v=Z2WXoQVF53M

Illustration
Le champignon atomique sur Hiroshima
Hiroshima en 2018
Nagasaki
Nagasaki plusieurs jours après la bombe

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