La thématique de l’adoption , et ce qu’elle génère au cœur du couple et de la communauté qui l’entoure . Un récit sensible et frontal qui interpelle sur les enjeux : comportements sociétaux, et le rôle des institutions . A ne pas manquer …

Cecilia ( Victoria Almeïda ) et Diego ( Diego Gentiel ) vivent dans une petite ville située dans la région de la « terre de feu » en Argentine , il ne peuvent pas avoir d’enfants et décident de franchir le pas de l’adoption . Après une longue attente , la délivrance enfin arrive , avec la décision du juge qui va leur permettre de satisfaire leur désir. Celui-ci est d’ailleurs magnifiquement illustré dans les séquences qui précèdent l’arrivée de celui-ci , au cœur desquelles le cinéaste décrit admirablement la fébrilité du couple préparant la maison et l’espace qui sera réservé à l’enfant, multipliant les achats de meubles , jouets et autres objets destinés à lui souhaiter la bienvenue dans ce qui sera désormais , son nouveau foyer où il doit se sentir à l’aise et accepté. Tout est mis en œuvre avec d’autant plus de fébrilité par Diego et Cécilia qu’ils seront soumis à l’épreuve des « six mois d’essai » destinés à définir si le couple et l’enfant vont trouver leurs marques, et permettre… que le décision définitive intervienne.. C’est au cœur de cette période que le cinéaste inscrit son récit afin d’y développer et prolonger la réflexion , qui est au cœur cœur de son œuvre depuis ses débuts dont témoigne son intérêt sur le vécu des ces « histoires intimes » des individus, dont son film magnifique Historias Minimas / 2002 , lui a valu célébrité et reconnaissance internationale. Ces histoires intimes qui touchent notamment les coches populaires et moyennes , sur lesquelles ses films se penchent , il les conçoit comme révélatrices de carences dont les conséquences peuvent se révéler, graves :« l’état et la société dans son ensemble ont leurs limites en matière de justice sociale et d’égalité des chances… ». Avec son nouveau film , il apporte une nouvelle pierre destinée à compléter son constat global sur la société Argentine en abordant le sujet de l’adoption, qui en est devenu le révélateur ….

Cette égalité des chances en question , il en fait d’ailleurs une analyse d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur un regard sans a-priori , scrutateur des comportements et des peurs qu’elles génère . Constat , s’appuyant sur ‘un long travail -en amont – de témoignages et confirmé par les statistiques révélant qu’en matière d’adoption , les choix des parents portent sur les très jeunes enfants et rejettent généralement les jeunes adolescents , témoignant ainsi d’une forme de discrimination sociale , à laquelle les institutions n’apportent pas , ou ne proposent pas, de solutions pour en réduire les effets . Pourtant ces jeunes adolescents issus souvent de contextes et de milieux difficiles ou n’ayant plus de famille , se retrouvent exposés aux mêmes besoins que les plus jeunes. Et , ils risquent même, lorsqu’ils quittent les centres d’accueil à leur majorité , de se retrouver dès lors exposés et sans protection … livrés au quotidien de la rue et ses dangers . Carlos Sorin a choisi de se pencher sur le cas de l’un d’entr’eux , Joel , adolescent de 9 ans, issu d’un quartier difficile de Buenos Aires et qui n’a plus de famille. C’est l’idée forte du choix de son récit d’adoption , auquel Cécilia et son mari , qui vont être confrontés aux difficultés que l’arrivée de ce jeune enfant et son acceptation, va soulever et susciter comme réactions , dans cette communauté provinciale engoncée dans son confort et ses habitudes. . Le double regard du cinéaste est passionnant , qui se penche sur celui des parents adoptifs multipliant les attentions protectrices afin de faire céder la méfiance taciturne de Joël découvrant ce qui est destiné à devenir son nouveau foyer et cadre de vie communautaire . Et puis sur le regard de la communauté et le rejet que son intégration suscite . Celui-ci étant étant basé sur le récit de Joel, répercuté à leurs parents par ses camarades d’ école auxquels il raconte et enjolive son passé « d’enfant des rues et de la violence » . la crainte de l’influence de cette violence permissive qui pourrait se « diluer » chez leurs enfants , va engendrer des tensions , et voilà la communauté des parents , qui va faire bloc pour demander, la mise à l’écart du « perturbateur » !.. Carlos Sorin s’en saisit et y inscrit un travail de scrutateur des mentalités et des rejets générés, s’attachant à démontrer les excès dans lesquels ils peuvent verser, et surtout la réponse trop « faible » des institutions , pour tenter d’y faire face et d’en prévenir les futurs effets dévastateurs !.La description des tensions ( les réactions des enfants de l’école , celle des parents …et le ressenti de Joel (Joel Noguera comédien non-professionnel recruté « dans la rue » par le cinéaste , magnifique en écorché abasourdi par la dimension que prennent les événements) , dans lequel le cinéaste nous plonge, et nous interpelle …

Sa mise en scène « capte » les moindres attitudes , gestes et détails révélateurs des comportements quotidiens avec une acuité exceptionnelle , poursuivant ici son obsession . Celle d’un constat dont il distille les « nuances » du ressent parental ; en même temps qu’il en pointe les comportements indignes, témoignant de son souci extrême à susciter la compréhension du véritable drame, qui s’y joue . A cet égard pour le traduire , le souci de réalisme sur lequel son travail repose est essentiel , par lequel il alimente en amont son récit d’expériences vécues dont son personnage de Joel est une sorte de concentré. Dont s’est inspiré le cinéaste, reprenant une décision de justice concernant un jeune garçon , confronté à une situation de rejet au vécu similaire de celui de celui de Joel. De la même manière que le beau portrait de Cécilia ( grande interprétation de Victoria Almeïda ) , décrit le magnifique parcours « d’apprentissage » , au rôle de mère adoptive , sans passage par la grossesse et l’enfantement . Toute un cheminement psychologique d’un ressenti , ( du découragement, en passant par le doute …) et le crainte de ne pas être à la hauteur . puis, l’évidence du choix , choix traduisant admirablement le parcours de celle qu’elle va devenir, concrétisant ( magnifique scène finale ) doublement , son désir d’enfant et son engagement de citoyenne . Carlos Sorin en décrit t superbement à la fois , le portrait intime d’un couple confronté au désir d’enfant . Et en parallèle brosse , celui collectif, d’une communauté et ses réflexes aux conséquences coupables qu’amplifie cette incapacité institutionnelle à trouver des solutions pour y faire face , avant que cela ne devienne impossible d’en « guérir le mal »! » . A noter , concernant le réalisme du constat , que Carlos Sorin, s’est appuyé pour le traduire – en complément d’un important travail de de recherche et témoignages , sur le choix d’interprètes non – professionnels recrutés sur place lors du tournage qui apportent l’authenticité recherchée, dont témoigne la séquence de la réunion des parent des d’élèves « Dans l’assemblée, les parents étaient de vrais parents de l’école. J’avais préparé la scène avec des dialogues écrits et je leur ai expliqué comment faire, et cela a donné une discussion d’un niveau de violence si élevé que j’ai songé à la filmer telle quelle, comme un documentaire, c’était réaliste, ce qu’ils disaient était vrai, acquérant une force que je n’aurais pas obtenue si je l’avais demandée… » , explique-t-il . C’est grâce à cette approche là , que le film trouve sa force et en devient bouleversant . Ne le manquez pas , vous serez bluffés par la force dramatique et humaine qu’il donne à un sujet majeur de nos sociétés : la protection de l’enfance ….
(Etienne Ballérini)
JOEL , UNE ENFANCE EN PATAGONIE de Carlos Sorin – 2019- Durée : 1h 40-
AVEC : Victoria Almeïda, Diego Gentile, Joël Noguera, Ana Katz, Gustavo Daniele, Emilce Festa …
LIEN : Bande -Annonce du Film : Joel, une enfance en Patagonie de Carlos Sorin.
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