Cinéma / ROJO de Benjamin Naishtat.

C’est dans la lourde atmosphère de l’Argentine en 1975 à la veille du coup d’état qui installera la Dictature (1976- 1983) que nous plonge le jeune cinéaste de la nouvelle vague du cinéma de son pays. Un « polar » politique , au symbolisme efficace sur la violence,  et qui interpelle sur la lâcheté et le silence de l’acceptation de la loi du plus fort . A voir…

l’affiche du Film.

La première séquence est glaçante qui se déroule dans de restaurant où , interpellé par un inconnu ( Diego Cremonesi ) un avocat réputé va finir par humilier ce dernier , conduisant à une altercation qui va virer au drame et engendrer une spirale d’événements tragiques. Un peu plus tard , un autre lieu nous fait découvrir une maison abandonnée dont de mystérieux visiteurs viennent récupérer meubles et autres objets , faisant table rase . Le mystère entoure ces événements où les comportements humains y révèlent une dérive engendrée par une certaine paranoïa comportementale , liée aux tensions politiques et sociales . Une atmosphère de défiance lourde pèse qui va permettre , la peur et le silence aidant, de préparer la place au coup d’état qui se prépare et à la dictature qui survivra. Benjamain Naishtat ( né à Buenos Aires en 1986) fait partie de cette jeune génération de Cinéastes Argentins de talent qui veulent décrypter le passé de leur pays. Cherchant à comprendre les raisons de cette violence qui s’est déchaînée lors de la Dictature et qui a laissé des traces profondes qui résonnent encore aujourd’hui « il est évident en Argentine que l’Histoire est vivante et prégnante dans le quotidien des gens. Il est donc important de toujours s’y intéresser, mais aussi d’en parler » , dit-il . Les séquelles de la Dictature et des comportements qui on permis à celle-ci de faire sombrer le pays dans des atrocités, reste une plaie restée béante . Toute personne né dans les années 1980 , dit-il en porte le « fardeau »… et le sien a été marqué par une histoire familiale douloureuse faite de persécution et d’exil. Ses deux premiers longs métrages ( Historia del Médio/2014  , et Movimiento / 2015 ) en abordaient déjà une certaine approche distanciée, par le choix du genre de l’horreur. Cette fois-ci , son choix de mise en scène et de récit s’est construit autour d’une approche cinéphillique faisant référence au cinéma Politique ( SydneyPollack , John  Boorman ,sam  Peckinpah , Francis Coppola , Sidney Lumet …) des années 1970, afin d’en décrypter à son tour les mécanismes, qui y ont conduit dans son pays …

Alfred Castro( au premier plan) et Dario Grandinetti – Crédit Photo : Condor Distribution –

Références auxquelles son récit et l’ampleur des événements et des personnages qui les traversent sont inscrits dans un réel où il y apporte sa touche personnelle en remplissant de symbolisme l’intrigue et les enjeux dramatiques qui s’y jouent . C’est la belle idée du récit dont les références – personnages et lieux- font écho au traumatisme ( le silence , les secrets , le désert , les atrocités …) resté ancré, y compris, dans ce qu’il révèle des lâchetés et de complicités qui ont conduit à la tragédie . Celle qui se joue, ici , Benjamin Naishtat, la décline via les comportements contradictoires révélateurs de ses héros, portraits représentatifs ( universels?) d’une certaine misère humaine. Jouant à la fois de l’identification, de l’empathie et ( ou ) du rejet ), Benjamin Naishtat , n’en fait à aucun moment des personnages vertueux , mais bien … des individus empêtrés dans leurs contradictions !. Qu’ il s’agisse de l’avocat ( Dario Grandinetti ) , ou de son ami avec qui il concocte – profitant de la situation- quelques affaires juteuses .Ou encore , de cet autre personnage , le détective Sinclair ( Alfredo Castro), tous,  deviennent en quelque sorte, le reflet de cette misère humaine . Ils cherchent à évoluer, mais sont prisonniers de leurs lâchetés, à l’image de Claudio , l’avocat qui se sent coupable , mais qui acceptera de vivre avec son secret …et gardera le silence protecteur. De la même manière, le personnage passionnant du détective donneur de leçon qui s’investi d’une « mission » ( agent du pouvoir?) , et devient ambigu à souhait . Il  « représente un certain fanatisme d’extrême- droite qui, à l’époque, a été présenté comme bouclier contre « la menace rouge » antipatriotique et athée », explique le cinéaste ….

le désert : la tombe du silence – Crédit Photo : condor Distribution-

Et puis s’y ajoute la représentation , tout aussi revêtue de symbolique de la mise en scène de la violence et des lieux ( publics ou privés ) dans lesquels elle se déroule . Cette violence qui est là , dans l’air , perceptible mais invisible et dont le révélateur devient l’absence supposée de quelqu’un ( disparu ? ), ou parti on en sait pourquoi ?( arrêté comme opposant ? …) et du silence qui l’entoure « personne ne l’a plus revu… » . Celle dont on finit par s’accommoder et qui finit par se diluer… dans l’oubli, guidé par la peur la peur : « parce qu’on veut vivre en paix.. ». L’oubli qui renvoie à ceux arrêtés et , ou , persécutés dans l’ombre , ou condamnés à l’exil ; ou pire encore : disparus ( enterrés en secret… ) dans ce désert auquel la symbolique   ( magnifique scène ) fait écho , accompagnant le silence de la nuit et du désert . Le néant .   « C’est délicat , tout ce qui se passe en ce moment... » , on sait, mais il vaut mieux fermer le yeux et ne rien dire ! . En contrepoint , le décalage de l’ironie et de l’absurde qui investi certaines séquences est donné comme une sorte de recours humoristique à la noirceur de ce réflexe coupable . Car il faut bien le dire : « quand tout le monde se tait … Personne n’est innocent ! » , et c’est bien ce constat là… de la lâcheté et de l’aveuglement que le cinéaste, renvoie aux yeux des spectateurs !. A méditer…

(Etienne Ballérini)

ROJO de Benjamin Naishtat -2019 – Durée : 1h 50 .

Avec : Dario Grandinetti , Andrea Frigerio, Alfredo Castro, Laura Grandinetti, Diego Cremonesi, Susana Pampin, Calusio Martinez Bel , Rudi Chenikoff, Mara Bestelli ;;;

LIEN : Bande- Annonce du film : ROJO de Benjamin Naishtat .

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