Cinéma / PETRA de Jaime Rosales.

Une jeune peintre intègre une résidence d’artistes chez un célèbre plasticien manipulateur qui y fait régner une atmosphère oppressante. le récit, en forme de quête identitaire et artistique porté par une mise en scène suscitant la participation du spectateur dans la tragédie qui s’y joue, est passionnant.

Le cinéaste Espagnol ( Un tir dans la tête / 2008 , La belle jeunesse / 2014) qui s’est révélé  dans les festivals (  Cannes notamment, dans les sections parallèles) , et y a suscité l’intérêt de la critique et du public par l’approche formelle de ses récits. On en retrouve ici, au cœur des plans-séquences très travaillés , la dimension intimiste du vécu des personnages entraînés dans le tourbillon implacable de la manipulation dans laquelle , va les enfermer le cynisme glacial du plasticien, Jaume ( Joan Botey ). La tragédie qui va inexorablement s’ y inscrire empruntant la dimension originelle de la tragédie Grecque, est amplifiée par la conduite du récit et ses plans-séquence admirablement construits , utilisant les espaces extérieurs et intérieurs , où le mystère s’y invite en même temps que la violence pour en décrire les dégâts psychologiques causés. La « dualité » de ces deux espaces les prolongeant d’une certaine manière,par son rapport aux lieux et à la violence de la confrontation des individus, qui s’y joue. Comme le laisse percevoir la première séquence où dès l’arrivée de Petra dans les lieux de la résidence campagnarde, d’emblée, dès les premiers contacts avec ceux qui y vivent, s’inscrit rapidement la curiosité sur les raisons et les motivations de la venue de cette dernière , les sous-entendus quelque peu provocateurs , venant s’immiscer dans les échanges . Soulignés par le parti-pris des plans-séquences, la caméra jouant constamment du mouvement de va-et-vient lors des dialogues entre les personnages , les intégrant dans le cadre de l’image, pour insensiblement les en faire sortir, allant se poser ensuite sur un couloir vide, un paysage ou un objet. La rupture créée par la dynamique les mettant hors-champ de l’image , crée le sentiment de surprise comme si tout à coup quelque chose d’autre ( un mystère, un danger?) pourrait s’immiscer et faire basculer le moment et la situation évoquée …

Petra( Barbara Lennie ) – Crédit Photo : Condor Distribution-

Le suspense ainsi amené qui interpelle le spectateur, installe cette synergie voulue par le cinéaste qui explique son choix et sa volonté d’attiser la curiosité du spectateur, créer «  une sensation de présence…tout a été pensé pour que le spectateur entre dans le film … » , dit-il . Et c’est amplifiée par sa mise en scène en plans-séquences admirablement construite et scandée en chapitres invitant le spectateur à en décrypter les mystères qui s’y font jour,et les ravages qu’ils causent. Alors rassurez-vous , on ne vous dévoilera pas les éléments du récit auxquels le cinéaste vous incite à la participation d’une « création collective » , invitant chacun de vous à y faire intervenir vos propres perceptions par rapport  aux pistes qui sont suggérées , ainsi que votre point de vue sur les événements et les personnages qui s’y retrouvent impliqués. Et croyez-nous, la maestria de sa mis en scène qui y conduit est absolument fascinante, on ne peut que se prendre au jeu ! . D’autant plus qu’au coeur des chapitres qui forment le récit, Jaime Rosales ajoute à sa construction en forme de « puzzle » , le supplément qui va vous inviter … à mettre en ordre des événements dont la linéarité temporelle -sur trente années- n’est pas respectée. Des sauts dans le temps et des informations et souvenirs qui s’y télescopent, des secrets inavouables et autres mensonges qui s’y révèlent , créant des tensions supplémentaire et y décuplant la violence psychologique subie. L’atmosphère qui en devient irrespirable . Petra et tous ceux qui gravitent autour de Jaume en vivent le traumatisme dévastateur de la tragédie conduisant inéluctablement,  à son dénouement. Hantée depuis son enfance par le déchirement du mystère qui entoure sa naissance , Petra ( Barbara Lennie , superbe) et déterminée à le percer, au vu des éléments réunis au fil des ans , qui l’on conduite à cette résidence où Jaume règne en maître sur son univers d’esclaves soumis à son pouvoir . Ignoble et détestable y compris avec son fils , Lucas ( Alex Brendemühl)  et sa femme, Marisa  ( La magnifique et bouleversante Marisa Paredes), humiliée avec le même détachement froid et pervers subi par les autres résidents . Et Petra qui en découvre les coulisses, va se retrouver emportée elle aussi par le cyclone ravageur de la tragédie qui se joue inexorablement . Juan Rosales nous immerge donc, dans celui-ci , en témoins de cette atmosphère étouffante de la violence psychologique et des secrets sur lesquels elle repose qui emprisonnent tous ceux qui sont soumis au bon vouloir de cet homme, pervers et cynique…

au premier  plan :Marisa (M arisa Paredes , au second plan , Jaume ( Joan Boley) – Crédit Photo : Condor Distrbution-

Dans le rôle de Jaune, Joan Boley, comédien non -professionnel y est exceptionnel, il s’y s’est investi avec un professionnalisme qui a bluffé toute la troupe du film explique, Barbara Lennie impressionnée  :« Joan est un homme aimable, doux, généreux et j’ai pu voir de mes propres yeux le travail qu’il a fait pour préparer son rôle. J’admire le travail de Joan, il m’impressionne d’autant qu’il a pris cela avec légèreté. Au moment de tourner, il a moins souffert que nous autres. Il était là sans pression et le rôle était un cadeau de la vie pour lui » . Le travail collectif à l’image de celui d’une troupe voulu par le cinéaste en est certainement l’aboutissement. Offrant aux superbes plans-séquences très travaillés dans leur lent dynamique dramatique qui s’y déploie , et que complète une directions de comédiens dont l’investissement dans leurs rôles est à l’unisson de celui de Juan Boley. Dans le rôle de Petra , Barabara Lennie, s’est pliée à l’exigence méticuleuse du cinéaste qui, dit-elle « stimule l’inventivité » du travail de comédien. La grande Marisa Paredes ( habituée des films d’Almodovar) dans son rôle de   « femme piégée dans sa cage dorée », et en quête de résilience , en offre la belle dimension de résistance qui s’y inscrit. Au cœur de cette tragédie Jaime Rosales, y brosse deux magnifiques portraits de femmes qui font face par leur force et détermination :«  je crois que la vie nous a fait résistantes a beaucoup de choses… », souligne Marisa Paredes. Au bout du compte, le combat de Petra et Marisa qui leur permettra de se construire leur «  être au libre au monde », ouvre l’aboutissement de la tragédie, à une forme d’espoir. Sans rien «  spoiler » des événements du récit , on espère vous avoir convaincu d’aller en déguster et apprécier,en les découvrant , l’habile mise en scène de la tragédie et ses secrets que Jaime Rosales a concoctée et vous invite à partager !. Bonne projection …

( Etienne Ballérini)

PETRA de Jaime Rosales – 2019 – Durée : 1h 47.

AVEC : Barbara Lennie, Alex Brandemûhl, Juan Boley, Marisa Paredès, Petra Martinez, Carme Pla, Oriol Pla, Chema Del Barco et Natalie Madueno….

LIEN : Bande-Annonce du Film : Petra de Jaime Rosalès .

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