C’est sûr que c’est pas ton blaze, Anémone.. Ton nom c’était Anne Bourguignon, née dans la grande bourgeoisie parisienne. Tu tires ton pseudonyme du premier film dans lequel tu as tourné, Anémone de Philippe Garrel. C’est beau, comme fleur, une anémone. Un beau bouquet d’anémone, ça vaut bien une rose Baccarat.
Ah, bien sûr, ce qui t’as fait connaitre, c’est Le Père Noël est une ordure. Mais c’est Coluche qui t’offre ton premier grand rôle au cinéma dans Vous n’aurez pas l’Alsace est la Lorraine, en 1977. Et en 1979, tu crée sur scène la pièce écrite par la troupe du Splendid, Le père Noël est une ordure.
Pour moi, LPNEUO (Le Père Noël est Une Ordure) est de la commedia d’el arte moderne, on y retrouve tous les ingrédients : à partir d’un canevas le soir de Noël, à la permanence téléphonique parisienne de l’association « SOS Détresse Amitié », des bénévoles sont perturbés par l’arrivée de personnages marginaux et farfelus, qui provoquent des catastrophes en chaîne. Comme dans la commedia, ce sont les acteurs eux-mêmes qui ont écrit les dialogues, dans lequel chacun a intégré sa personnalité. Et, si on avait un peu le temps, je suis sûr que, en analysant la typologie de chaque rôles, on retrouverait ceux de la commedia… La pièce a été adapté au cinéma, mais pour moi, le véritable LPNEUO, c’est la pièce de théâtre, d’abord parce qu’elle a été conçu comme une pièce de théâtre et Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli/ Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. Si on rajoute à cette unité un autre décor, une autre temporalité, on touche le cour de cette œuvre.
Revenons à notre fleur, et ne quittons pas le théâtre : tu travaille avec Planchon (L’avare, 1999). Tu as 25 pièces à ton palmarès, où Molière croise Feydeau, Jean Noël Fenwickn Jean Vautrin, Musset, une adaptation de Simenon par Hossein (La Prison, ta première pièce en 1972). En décembre2010, tu mets en scène La fille de Madame Angot de Charles Lecoq à l’opéra de Lausanne.
Mais le grand public… Ah, le grand public…. En quoi est- il grand, au fait ? Il ne te te connaît que par le cinéma. Et encore sait-il qu’en dehors de Ma femme s’appelle reviens, Pour cent briques, t’as plus rien, Le quart d’heure américain, Le mariage du siècle… tu remportes le César de la meilleur actrice pour Le grand chemin en 1988, film de Jean Louis Hubert, tiré de son roman éponyme ? On a parlé de contre emploi parce que tu jouais une partition dans laquelle on ne t’attendait pas. Un peu comme si Coluche ne pouvait pas jouer Tchao Pantin. Dans les quelques 80 films que tu as joué, il y a Chabrol, Christine Pascal, Romain Goupil, Tonie Marshall, Véra Balmont, Philippe de Broca, Yves Robert, Jean Michel Ribes…
La bande dessinée t’as rendu hommage : En 2010 l’ouvrage Drôles de femmes aux éditions Dargaud écrit par la journaliste Julie Bermant et illustré par Catherine Meurisse s’intéresse à toi, à Yolande Moreau, Dominique Lavanant, Silvie Joly, Florence Cestac, Michèle Bernier, Claire Bretécher, Tsilla Chelton et Amélie Nothomb « dix artistes féministes livrent spontanément des pans de leur carrière, leurs histoires de famille, mais aussi leurs doutes. Très bavard, très touffu, ce livre est vraiment une réussite, et un bel hommage à des femmes atypiques ». La journaliste rencontre « Anémone avec son chihuahua au fin fond de la campagne », et Catherine Meurisse, l’illustratrice, les rencontrera aussi, pour leurs représentations dessinées (Le Nouvel Observateur)
Mais il y a aussi tes engagements et tes prises de position. Il faut quand même savoir qu’en 1988 tu soutiens la candidature d’Antoine Waechter aux présidentielles, qu’en 1995 tu es candidate aux municipales à Paris sur la liste « Paris Ecologie Solidarité Citoyenneté », qu’en 2002 tu es porte parole d’Attac et participes au Forum Social Mondial, en 2005 tu t’exprimes en faveur du « non » lors su référendum sur le projet de traité constitutionnel européen « Ce texte se préoccupe plus de commerce que de l’homme », en 2012 tu soutiens Jean Luc Mélenchon candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle…
Le 22 décembre 2017, lors d’une interview accordée au quotidien Le Parisien, tu annonces mettre définitivement fin à sa carrière le 31 décembre 2017, et portes un regard très critique et désabusé sur ce qu’est devenu le monde en général, et celui du show-biz en particulier. Elle dit dans cette interview: « On s’est fait traiter de tous les noms quand on était écolos de la première heure, quand on disait qu’il fallait se bouger. » Et de renchérir : « Aujourd’hui, quand je dis que c’est trop tard, on ne me croit toujours pas. » Pour elle, cela faisait déjà « longtemps » qu’il était trop tard. « Ça va aller de pire en pire, il n’y a plus d’eau, les sols crèvent, on va sûrement avoir des épidémies, des famines, une guerre nucléaire… »
Militante comme ton frère pour un retour à une société plus éthique et écologique, tu as choisi de vivre à la campagne dans un tout petit village du Poitou. Dis, dans ta ferme du Poitou, as-tu rencontré ce coq amoureux d’une pendule dont parle Nougaro ?
Jacques Barbarin
Illustrations
Anémone en 2014 François Guillot AFP
Anémone dans la pièce « Grossesses Nerveuses » 2011 afp.com Pierre Verdy