Après Ma’ Rosa ( 2018 ), le nouveau film du cinéaste Philippin nous entraîne au cœur de la lutte contre les gros trafiquants de drogue dans les quartiers pauvres de Manille. Le choix d’une mise en scène réaliste reflet d’un long travail de recherches en amont , offre au récit l’authenticité complexe et humaine du constat…
Depuis ses débuts, avec Mashita (2005) le cinéaste qui a ouvert la voie au cinéma indépendant dans son pays, et construit une oeuve cohérente au cœur de laquelle s’inscrit le quotidien de la vie et de la précarité d’une population des marges de la société. Montrés et souvent primés dans les festivals internationaux ( Venise, Cannes , Berlin, Locarno …) ses films ont participé a faire découvrir la dure réalité d’un pays de plus de cent millions d’âmes. Constat sur l’éducation, sur l’adoption d’enfants par les étrangers, sur les bidonvilles de Manille , sur la corruption , sur les gangs de voleurs et de trafiquants. Ici ,c’est le trafic illégal de drogue et la lutte contre celui-ci dont le Président Philippin Rodrigo Duterte, élu en 2016 a voulu faire la « priorité » nationale. Le récit en décrit l’un des épisodes dont la séquence d’ouverture du film est à cet égard emblématique, avec la cérémonie du défile militaire et de l’hymne National évoquant dans ses couplets « la défense de la patrie et l’avenir de nos enfants… » , comme objectif pour l’éradiquer, nécessitant le soutien de tous. La mise en place et la préparation d’une « opération d’intervention » imminente destinée à faire tomber l’un des plus gros trafiquants de Manille , nous est décrite avec minutie . Il s’agit en effet pour les autorités de marquer un grand coup , et on a pas lésiné sur les moyens de surveillances ( caméras quadrillant la zone) et en hommes , ni sur les renseignements via les « indics » recrutés parmi d’anciens « dealers » …et les médias convoqués en conférence de presse. C’est par le « prisme » de deux personnages principaux qui y sont impliqués : un des policiers , Moises ( Allen Dizon) et son indic, Elijah ( Elijah Filamor ) , que le cinéaste nous invité à suivre cette opération « commando » déclenchée à partir des renseignements remontés ayant permis de « situer » le « gros » bonnet et ses hommes de mains…

La séquence filmée de nuit, caméra à l’épaule avec un réalisme saisissant, est époustouflante. Le cinéaste privilégiant, ce qu’il définit comme « cinéma direct ou cinéma vérité » , immergeant sa caméra au plus près de l’action , des événements et des personnages pour en capter le ressenti et l’immédiateté… à « hauteur d’homme ». Au cœur de la nuit et des ruelles du bidonville de Manille , la course -poursuite est ponctués par les éclairs des tirs et le bain de sang qui s’ensuit. Opération réussie :une dizaine de victimes, dont le gros bonnet. Le « bilan » présenté à la presse comme une réussite – et en « respect des droits internationaux » y est-il précisé- afin de répondre aux interrogations des organisations des droits de l’homme. Pourtant certaines failles vont se faire jour, soulevant des questions car le «trafic » perdure et les autorités prises à défaut, s’en inquiètent. S’agit-il de défaillances dues à la corruption dans le milieu policier , ou les trafiquants rivalisent-ils d’idées pour trouver d’autres messagers pourvoyeurs ?. C’est cette réalité là , que le cinéaste va chercher à creuser dans la droite ligne de son travail et de sa quête d’authenticité dont il investi son récit, par le choix des comédiens ( agents de police et membres de la brigade d’intervention Swat , l’indic et les figurants des différents lieux de l’action..) tous, non professionnels . Celle-ci se retrouve également dans le vécu et le quotidien des deux personnages principaux , le policier et son indic , dont il dit avoir voulu mettre : « en exergue leur similitude, liée à leur vie de famille et a leur volonté de s’en sortir , bien qu’ils soient issus de milieux différents. Le film montre les fragilités et faiblesses des individus lorsqu’ils sont confrontés à des dilemmes moraux dont les enjeux sont vitaux » . Dès lors, la mise en lumière des enjeux auxquels ils sont confrontés , ouvre à l’analyse et à la description, voire au décryptage, d’un « engrenage » de corruption, dans lequel les individus, sont emportés inexorablement …

C’est en nous faisant pénétrer, par le biais de celui-ci , en plein cœur de faiblesses et des fragilités qui s’y révèlent , que le récit ouvre à la vraie et complexe dimension d’une réalité et d’un constat. Celui , unissant le policier et son indic dans une « lien » déterminée par leurs situations familiales et le havre de paix qu’elles représentent, et devenu fragile par les besoins nécessaires à l’entretenir… se retrouvant , alors , à la merci d’un grain de sable qui peut très vite les faire basculer !. Tous deux confrontés à des besoins financiers qui les font dériver vers un trafic parallèle dont ils seront complices …mais lorsque le danger se referme, sur eux… c’est l’instinct de survie et la loi du plus fort, qui va faire son office !. Implacable le constat d’une corruption qui fait son ménage , et que le cinéaste prolonge avec la belle idée (réelle…) que les trafiquants vont habilement utiliser, afin d’ éviter les « barrages » de détection et autres contrôles policiers mis en place pour juguler leur trafic …utilisant la voie des airs , et les ailes des pigeons voyageurs !… qui vont leur servir de pourvoyeurs . Le cinéaste, la définit comme un « lien omniscient », unifiant tous les personnages… dans un quête libératrice. Mais elle aussi , se révélera illusoire!. Brillante Ma Mendoza , renvoyant aux cérémonies commémoratives des autorités célébrant leurs victimes, tandis qu’en miroir de celle-ci , l’état des lieux reste accablant. Près de trois ans après la mise en place de la lutte contre le trafic , aucun réseau important n’a été démantelé !. Et pire , les exécutions de petits trafiquants ou consommateurs des rues, se multiplient , alors que les trafics d’ampleur perdurent !?. Selon les chiffres officiels de la police Philippine, les victimes de ces opérations seraient de : 7000 , un chiffre contesté par les organisations humanitaires qui l’estiment à : 15 000 ou plus !. Pas étonnant alors que le cinéaste insiste, sur ces images de « propagande commémorative » à la gloire des services d’ordre de l’état !. The « right to kill » , pour quelle efficacité ?…
( Etienne Ballérini)
ALPHA-THE RIGHT TO KILL de Brilante Ma Mendoza – 2019- Durée : 1h 34.
AVEC : Allen Dizon, Alijah Filamor, Baron Geisler, Jalyn Taboneknek, Angela Cortez…
LIEN : Bande – Annonce du film : Alpha, The Right to Kill de Brillante Ma Mendoza.
[…] où l’un des casses tourne mal… Avec Ryan Gosling et Carey Mulligan. OCS Choc à 20h40 Alpha – The right to kill de Brillante Mendoza (2018 – 1h30) Dans les quartiers pauvres de Manille, la lutte antidrogue […]