Théâtre / Roméo et Juliette  et Lear au TNN, ode à l’intemporalité

Quand on entre salle Pierre Brasseur pendant ce Shake Nice on est accueilli par la voix d’Iggy Pop, que l’on peut entendre dire du Shakespeare dans le hall d’accueil en premant les écouteurs disposés sur la droite de l’escalier. Il n’y a bien qu’Irina brook pour faire dire du Shakespeare à Iggy Pop, avec cette superbe vois grave qu’il possède (Quant à sa voix, calme et grave, elle a…)
Roméo et Juliette au TNN, ce n’est pas une mise en scène, c’est une mise en cœur, coté Irina et cotés acteurs. Ces gamins ne disent pas du Shakespeare, ils le vivent, cela sort d’eux. Les pro-Montaigu et les pro Capulet ne se battent pas à l’épée,  mais se battent avec les poings et le couteau, comme des bandes rivales, ce qu’ils sont. Dés le début on y est. Pas besoin de pourpoint et de tuniques
Un personnage dédramatise cette tension, le personnage de la nourrice. Il y a du Molière en elle et il n’a rien d’artificiel que celle d’ici appelle Juliette : « Ma Juju », car c’est sa Juju. Ce qui nous amène à parler de l’intelligente traduction de Marie Paule Ramo, alliant la fidélité à ce qui constitue nœud gordien, Roméo et Juliette, à ce qui est non pas ce que les faibles c’esprit appellerait une  « modernité »  mais à une translation vers la contemporanéité. Et tout ce qui ne parait pas être du Shakespeare, c’est encore du Shakespeare
Après la Nourrice, « Juju ». Cette Juju-là est éclatante de vie et on est au bord de la larme quand elle dit « Ne jure pas par l’inconstante lune ». Pour cette –très- jeune comédienne, je n’ai comme mot que « véritable ». Elle à de qui tenir : fille d’Irina Brook et de Dan Jemmet, petite fille de Natasha Perry et de Peter Brook, Maïa Jemmett nous éblouit par sa présence scénique, par une préscience de la gestuelle immédiate.
Coté acteurs, grande sensibilité de l’interprète de Mercutio. Bien souvent enjoué et plein d’esprit, ce personnage démontre que son sens de l’humour peut parfois être facétieux, voire grossier, au grand dam de ses amis, la bande à Montaigu. Par ailleurs, il est d’humeur changeante et peut avoir de brusques éclats de colère. L’interprète, ici est la traduction parfaite de la description de son personnage, personnage qui va prononcer ce qui est peut-être l’acmé de cette pièce, au moment de sa mort, assassiné par Tybalt : « La peste de vos deux maisons ! »
Parler de l’intelligente traduction de Marie Paule Ramo, alliant la fidélité à ce qui constitue nœud gordien, Roméo et Juliette, à ce qui est non pas ce que les faibles d’esprit appelleraientt une  « modernité »  mais à une translation vers la contemporanéité. Et tout ce qui ne parait pas être du Shakespeare, c’est encore du Shakespeare
Roméo et Juliette est une pièce libre, n’en déplaise aux encadreurs. Irina, Marie Paule et ces jeunes acteurs en font un spectacle libre.
Passons à Lear. La  rencontre d’un italien amoureux de l’art du conte, de l’art de jouer et d’une traductrice adaptatrice subtile. L’italien, c’est Renato Giuliani, de la garde rapprochée d’Irina Brook, bon vivant et le cœur sur la main, pour qui la notion de partage est essentielle ; la traductrice, c’est Marie Paule Ramo, dont je parlais il n’y a pas dix lignes.
Le roi Lear décide de léguer son royaume à ses trois filles : Goneril, épouse du Duc d’Albany, Régane, épouse du Duc de Cornouailles, et Cordélia qui a deux prétendants : le
Duc de Bourgogne et le roi de France. Il assortit son legs d’une condition : il attribuera lesparts en fonction de l’amour que lui témoigneront ses filles dans un discours qu’elles doivent faire sur le champ. Hélas, Hélas, trois fois hélas, Le roi Lear découvre avec un désenchantement amer la duperie du monde. Les masques tombent, le drame se noue, il bannit sa fille adorée, la guerre se prépare, la folie le guette.
Ca, c’est le pitch, comme disent les journalistes qui écrivent en français. Marie Paule Ramo en dégage la substantifique moelle, va à l’essentiel, et il en ressort un petit bijou qui nous restitue ce qu’est cette pièce, un conte. Au demeurant, l’art du conte est consubstantiel de l’art Shakespearien, ne serait-ce que par l’intervention du « Prologue » ans la plupart des pièces : prenez attention, nous allons vous conter… Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves. Avec cette traduction et cette mise en scène, nous avons l’impression de rêver le rêve du pauvre Lear, rêvé peut-être par Shakespeare. Le rêve concentre le réel, une seule actrice interprétera les 3 sœurs, le fou s’exprime par signes on fait vivre par l’adresse – au théâtre, un personnage parle directement aux spectateurs, rompant l’illusion théâtrale- les acteurs jouent tout en narrant – à moins que cela ne soit l’inverse-  cette condensation du récit initial nous met en lumière la similitude du destin de Lear et du personnage  de Gloucester –joué par le même Renato Giuliani- tous les deux refluant leur confiance à l’enfant qui les trahira et la refusant au fidèle. Et surtout un « introducteur de la fable » Jean Baptiste Boussougou, également le « rythmeur musical » dudit récit, introduit par un conte à l’apparence de fable, comme un conte à morale s’apparentant à un conte africain, après tout peut-être en est-ce un. Renato joue avec sa fille Stellla.
Interview donne dans le site du journal La Terrasse :
Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans cette pièce de Shakespeare ?
Renato Giuliani : Plusieurs éléments dont l’un est la transmission. Lear renonce à son royaume pour le donner à ses filles. Ce faisant, il a une attitude un peu hystérique puisqu’il déshérite Cordélia, celle qui est la plus gentille et la plus aimante (malgré les apparences). Cette folie précédant celle qui arrivera plus tard dans la pièce constitue un autre élément motivant. Enfin, certains traits sont autobiographiques : je suis la fille gentille !
Vous jouez avec votre propre fille, Stella Giuliani. Cela apporte-t-il une vérité supplémentaire ?
R. G. : Elle interprètera Cordélia et les autres sœurs ainsi qu’Edmond. Jouer ensemble, c’est un peu essayer d’approfondir nos liens. Stella est dotée d’une énergie lumineuse très forte. C’est la direction que j’ai voulu donner à mon travail, à ma vie, et je suis très fier qu’elle en fasse partie
Renato travaille avec des publics en situation de handicap ou en difficulté et de ses ateliers il en a ramené Karim El-Andari, qui, dans le personnage du fou et d’Edgar (fils du duc de Gloucester) transcende son handicap et nous restitue finalement u jeu d’acteur comme un autre.
Nous sommes loin du Roi Lear avec tout le bataclan, nous sommes au prés serré de ce que nous narre Shakespeare, de son intime. Admirable.

Jacques Barbarin

Roméo et Juliette TNN prochaines représentations mardi 9 et mercredi 10 avril 20h. Ne pas y aller ? Pire qu’une faute, un crime.

 avec Samuel Charieras, Aliénor De Georges, Kevin Ferdjani, Marjory Gesbert, Cyrille De Gonzalgue, Laurent Grappe, Maïa Jemmett, Issam Kadichi, Jérémy Komboh Alié, Haykel Mashate, Irène Reva, Quentin Richard chansons originales Maïa Jemmett scénographie Irina Brook assistante à la mise en scène stagiaire Milica Milosavljevic collaboration artistique Tess Tracy lumière Alexandre Toscani son Guillaume
Pomares costumes Magali Castellan, Coline Dalle, Aurore Lane accessoires plateau Anne-Laure Chiron, Laure Millet, Virginie Pelsez construction Ateliers du tnn, Pascal Brodin, Jérôme Tacconi, Laurent Rivière


Lear avec Karim El-Andari, Renato Giuliani, Stella Giuliani musique Jean-Baptiste Boussougou consultante & coordinatrice LSF Joëlle Stefanini costumes Elisa Octo assistante à la mise en scène Milica Milosavljecic assistants stagiaires Elsa Thoreau, Nathaniel Baker stagiaire Erasmus Marianna Bruni lumière Emmanuel Guedj son Gwenaël Gaudin production Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte d’Azur
Remerciements à CIE Les Anonymes Créatures (Lausanne), Ateliers de la Diacosmie- Opéra Nice Côte d’Azur, Pierre Bellay et Théâtre Francis Gag, Théâtre de l’Eau Vive

 

Crédit photo

Roméo et Juliette & Lear : Gaëlle Simon
Maia Jamett Capture YT
Renato Giulani : site La terrasse

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