Il existe à Nice une galerie d’art contemporain pas banale, la Galerie Christian Depardieu, 6, rue du docteur Jacques Guidoni (ex passage Gioffredo). Elle se situait avant dans l’est de Nice Christian, cet amoureux de l’art, sait que l’art n’est pas uniquement l’art plastique. Dans sa prudente adresse, il s’y trouvait un sous sol, qui existe dans l’actuelle. Il e profite pour organiser des concerts, et ouvrir son public vers le théâtre. Du théâtre dans un lieu non prévu à cet effet ? Mais le théâtre doit-il avoir « un lieu prévu à cet effet ?
Vendredi 29 mars, il recevait Loïc Langlais, comédien chevronné et metteur en scène itou, ainsi que Nicole Laffont, amoureuse pratiquante et patentée de cet art, en un hommage à Samuel Beckett: je me suis régalé, je pèse mes mots, dans leur version de Pas moi et de la Dernière Bande.
Samuel Beckett est considéré comme le maître de l’absurde, bien qu’il ait toujours refuse cette appellation. Dans Pas moi, Beckett explore jusqu’à leur réduction extrême les possibilités de la forme théâtrale. Il joue avec les possibilités de la parole et du jeu pour les ramener à l’épure. Les personnages traversent l’existence en laissant une « tâche sur le silence ». Une respiration des mots qui se confond avec la musique du souffle.
Not I, l’humain, l’humaine dans ce cas précis, n’a carrément plus de corps. De ces restes humains, tout ce qui demeure est une bouche, organe de la parole qui, tout en ressentant fortement l’urgence de dire, n’arrive plus à le faire de façon compréhensible.
Dans Pas moi, Beckett explore jusqu’à leur réduction extrême les possibilités de la forme théâtrale. Il joue avec les possibilités de la parole et du jeu pour les ramener à l’épure. Les personnages traversent l’existence en laissant une « tâche sur le silence ». Une respiration des mots qui se confond avec la musique du souffle
Dans ce que j’ai vu à la galerie Depardieu la collaboration Beckett- Loïc Langlais- Nicole Laffont est plus qu’opérationnelle… Sur écran vidéo, le bas du visage de Nicole, de noir maquillé, le rouge des lèvres, le blanc des dents, le rose de la langue, mâchent les mots beckettiens, les articulent, les expectorent, le rouge en symbolisent le sang, le mouvement des lèvres suggèrent l’envol d’un oiseau, le noir du maquillage où se mêlent des incidences de lumière nous mènent sur la trace d’un Tapiés…
Dans ce « monodrame », comme on qualifie parfois La dernière Bande, le vieux Krapp, écrivain raté et clochardisé, soliloque en réécoutant chaque année une vieille bande magnétique, sorte de journal où il témoignait du bonheur de son amour et de sa rupture désolante. Confronté trente ans plus tard au vide, il semble ne donner sens à sa vie qu’en se souvenant, avec nostalgie et dérision.
La raréfaction du texte locuté est poussé à son intensité la plus absolue puisque le texte que l’on entend ne provient pas d’une présence humaine sur scène mais d’une bande magnétique, c’est en quelque sorte une fin de partie. Au demeurant, Fin de partie précède La dernière bande d’une année. On sent Loïc Langlais tés à l’aise, très à son aise dans ce mélange intime entre l’écoute de ce lui passé et de son acting. Loïc Langlais à toujours été à l’aise pour se couler dans les interrogations que pose toute interprétation. Le me rappelle ce qu’il nous offrait dans La Noce chez les petits bourgeois. Mais je vous parle d’un temps…
Contrairement à Musset, je n’étais pas seul, l’autre fois, non au Théâtre Français mais à la Galerie Depardieu : il y avait Samuel, il y avait Loïc, il y avait Nicole… et il y avait moi.
Jacques Barbarin
Illustrations
Samuel Beckett Crédit photo Roger Pic
La dernière Bande mise en scène Dan Jemmett