Cinéma / DERNIER AMOUR de Benoit Jacquot.

Casanova et ses conquêtes racontées dans ses mémoires « Histoires de ma vie » . Le cinéaste dont l’oeuvre explore souvent la complexité des relations amoureuses , se penche cette fois-ci, en flash-back sur le récit d’un échec en la matière, du maître en conquêtes féminines et vécu comme un camouflet…

La passion et ses conséquences est souvent au cœur des films du cinéaste, comme en témoigne le film au titre emblématique L’école de la chair ( 1998 ) , une passion qui enchaîne et puis se consume . Qu’il s’agisse de l’exploration de celle-ci dans le monde moderne ou dans des temps plus anciens , comme ce fut le cas pour l’adaptation de Marivaux ( La fausse suivante / 2000 ) ou le Sade (2000) sur l’initiation à la sexualité et les aventures du célèbre Marquis De… écrivain libertin et immoral.  Ou, le plus récent Les adieux à la Reine ( 2012 ) évoquant les « amitiés » féminines de Marie-Antoinette. On retrouve ici le goût du cinéaste pour le monde et la culture d’hier et de ce que le remous libertins / libertaires , disent des individus et d’une époque . Giacomo Casanova ; égrenant son aura de voyageur- séducteur au cœur du XVIII ème siècle Européen , en a décrit au coeur de celui-ci les multiples résonances   du mouvement des idées, des mentalités et de l’histoire . On le retrouve ici vieillissant et se remémorant  en plein cœur des « galipettes » qui ont fait sa notoriété,  ce « dernier amour » qui va lui opposer, le refus de céder à ses désirs. Et même pire , le manipuler et l’humilier . Le coups sera rude. Voilà peut-être , pour lui , venu le temps de faire le bilan d’une vie , un  retour sur celle-ci , en forme de récit crépusculaire  à la fois émouvant sur qu’il lui révèle de ce qu’il n’avait jamais connu : les affres de la souffrance de la passion amoureuse non partagée. Comme un coup de fouet en retour …

Casanova ( Vincent Lindon) , en soirée mondaine et libertine ( Crédit Photo: Diaphana Distribution)

C’est à Londres donc, que tout va se jouer , avec cette prostituée Française bien connue de la société libertine, et s’offrant à qui veut d’elle . Son jeu de séduction qui lui permet d’aguicher les hommes et les faire fondre désir, qu’elle le lance en défi à ce «  Casanova » qui va se retrouver piégé par la femme -araignée dans sa toile !. Suscitant le désir , elle lui refusera le passage à l’acte qui doit le concrétiser. Et voilà le séducteur .. pris au piège d’une séductrice qui l’aguiche pour mieux lui résister. Inconcevable non ?. Déstabilisé le Casanova !. Marianne De Charpillon ( Stacy Martin, épatante) c’est elle , qui va le faire patienter et se jouer de lui en multipliant les rendez-vous incitatifs d’espoir ..qui tous vont se solder par un échec . Tous les prétextes seront bons pour « annuler » au dernier moment le passage à l’acte espéré par Giacomo… qui n’y tient plus ! . La mis en scène et en oeuvre de ces moments , Benoît jacquot, y glisse le plaisir de « sa » mise en scène qui les habille des situations où les gestes engageants , succèdent aux retenues, ou les interventions inattendues ( présence intempestive d’un majordome ou d’un obstacle ..), faisant exaspérer l’attente et le désir dont la conclusion attendue , lui sera inexorablement refusé. La belle multiplie les stratagèmes comme éléments de liberté et  d’un choix qui lui appartient. Casanova et Lord Pembroke        ( Christian Erikson)  son compagnon libertin, qui échangent leurs confidences sur les femmes et les conquêtes, sont circonspects sur cette Marianne là, dont ils ont du mal à saisir les motivations. Se glissent alors dans le récit, quelques suggestions et suppositions sur le passé de la jeune femme et autres raisons possibles de son comportement , dont le mystère restera entier !. La fantasmagorie s’invite, en même temps que le mystère s’installe et que quelques digressions sur d’autres personnages viennent s’ajouter en portraits extérieurs . Avec  leur propres identités et destinées , à l’image de celle de la courtisane ruinée ( Valéria Golino ) s’inscrivant dans le tableau global , avec ses déboires dont elle semble, elle aussi , prisonnière et vaincue…

Casanova ( Vincent Lindon) et Marianne De Charpillon ( Stacy Martin) – Crédit Photo: Diaphana Distribution –

Et puis il y a tapies dans l’ombre et prenant un peu plus de place et d’influence au cœur du récit de la séduction- manipulation, les figures troubles de la mère de Marianne et celle de la tante Alchimiste Toutes deux jouant dans les coulisses, un rôle dont les motivations et les raisons, resteront aussi mystérieuses que celle de Marianne. Se servent-elles d’elle ?, à quelles fins ?. Même si des indices peuvent laisser percevoir , ou supposer , que la motivation de l’argent n’est pas exclue , ou, celle de la vengeance féminine attisée par le comportement d’un Casanova « prédateur » , et tenu en position de proie fragilisée ne pouvant assouvir son désir par le refus que lui oppose, la belle Marianne. En tout cas si c’est le cas , il s’y engouffre porté par l’obsession de faire céder la belle, attisé qu’il est par la découverte d’un sentiment jamais ressenti jusque là ! . Focalisé sur celui- ci , au point d’en oublier sa maîtresse du moment , et s’enflammer  sur celle qui se joue de lui …  dont il ne peut se résoudre à croire qu’elle ne lui appartiendra jamais !. Immergé dans le labyrinthe d’une passion folle qui lui fait perdre la raison. Vertigineuse descente dans les affres de la passion inassouvie !. Le classicisme de la mise en scène, finit même par accentuer  le ressenti de  la fatalité sombre, à ce Casanova finissant par comprendre  ce  que, ce « dernier amour » , révèle à ses yeux de la réalité d’une vie débridée dans laquelle,  il s’est perdu . C’est par cette expérience de l’approche et d’un vécu d’un sentiment qu’il n’avait jamais ressenti jusque là , qu’il en prend conscience. Découvrant ce que, peut-être , il n’a jamais su donner –en retour- à ses conquêtes dont il ne savourait chez elles que le plaisir du désir égoïste de la possession de leurs corps !. . Benoît Jacquot complète donc , ici, la thématique de la complexité des relations amoureuses , en puisant dans les mémoires d’un spécialiste en la matière, y faisant éclater  le ressenti et le vécu  de l’inaccessible qu’on n’avait jamais osé , lui opposer , et changeant les règles du jeu! . La dimension tragique de la souffrance ressentie , lui éclatant dès lors, en pleine figure. Poignant !.

(Etienne Ballérini)

DERNIER AMOUR de Benoît Jacquot – 2019- Durée : 1h 38.

AVEC : Vincent Lindon, Stacy Martin, Valéria Golino, Julia Roy, Nancy Tate, Christian Erickson, Anna Cotis, Nathan Willcocks…

LIEN : Bande-Annonce du film : Dernier Amour de Benoît Jacquot.

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