TNN / François d’Assise

Le 14 mars, dans la même salle Michel Simon du TNN, il avait essayé de nous faire croire –et il y avait réussi- à un trou de mémoire durant la représentation du Chant du Cygne. Le 16 mars, dans François d’Assise, Robert Bouvier était tout simplement somptueux, dans cette rencontre à quatre : Joseph Delteil au texte,  Abdel Hakim à l’adaptation et à la mise en scène, Robert Bouvier au jeu et aussi à l’adaptation… et François d’Assise.

Joseph Delteil, écrivain et poète, né en 1894 dans l’Aude, d’un père bûcheron-charbonnier, écrit à Paris, en 1922, son premier roman, Sur le fleuve Amour, qui subjugue les surréalistes. En 1927, Carl Dreyer réalise, d’après sa Jeanne d’Arc, un  film célèbre au titre éponyme. L’auteur populaire écrira nombre de romans, poèmes et biographies, avant de changer de vie en 1930. Avec son épouse Caroline Dudley, il quitte Paris, malade, pour s’installer à La Tuilerie, près de Montpellier.  Il y devient vigneron et écrit plus rarement ; en quatre décennies, il publiera quelques ouvrages seulement, dont François d’Assise (1960) et il meurt en 1978.
Adel Hakim, acteur, metteur en scène, dramaturge et directeur de théâtre (1953-2017)  enseigne l’art dramatique, entre autres, à l’école du Théâtre National de Strasbourg, à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT), au Théâtre National de Bordeaux, à l’école de la Comédie de St Etienne…
« Mes spectacles sont toujours liés au réel de notre monde : diversité culturelle, réalités de la banlieue, dénonciation des pouvoirs qui produisent corruption, injustices sociales et guerres. Ouvrir une autre fenêtre que celles que les médias nous imposent. Et que les publics de banlieue puissent se sentir concernés par notre travail. Jamais je n’aurais voulu diriger un théâtre dans les quartiers bourgeois de Paris. »  Adel Hakim dans une interview donnée au journal La Terrasse en octobre 2016
Robert Bouvier avait joué dans Prométhée Enchaîné et Le Parc, mises en scène par Adel Hakim.  Il  créera avec lui François d’Assise de Joseph Delteil, un spectacle qui n’a jamais cessé de tourner en France et à l’étranger, avec, à ce jour, quatre cent représentations. Un succès éloquent.

Attention !  Je vous vois venir ! Dans cette œuvre, pas de prêche ni de message; juste un moment de vie, fou et joyeux, entre coups de foudre et révoltes, un hymne à la liberté. L’histoire d’un homme, François d’Assise, tour à tour poète, guerrier, philosophe, amoureux, un « françoisier qui ensainte les hommes ». Juste un moment de vie, fou et joyeux. «J’ai appelé ce texte François d’Assise et non pas Saint François. Vous remarquerez que je tiens à cette nuance. Je prétends toujours que tout homme, s’il le veut, peut devenir François d’Assise, sans être saint le moins du monde. J’imagine très bien un François d’Assise laïque et même athée, ce qui importe, c’est l’état d’esprit françoisier et non pas sa place réservée sur un fauteuil doré dans le paradis. Il faut un saint «utilitaire», un saint qui «ensainte» les hommes.» Joseph Delteil
Ce qui me touche, dans cette œuvre, c’est la palette, la couleur des mots. Chacun parle  en même temps- comme dans l’autre- à notre intime, notre sensitif, notre intellectualité. C’est une palette, un chant d’oiseau. Ici, donc, tout passe par la parole.  Et la parole  est- et ne peut être que- paradoxe, idée ou une proposition à première vue surprenante ou choquante, c’est-à-dire allant contrée sens commun, consistant à formuler, au sein d’un discours, une expression, généralement  antithétique. Apparemment invraisemblance ? Prenons ce paradoxe baudelairien  (Les paradis artificiels) : La clarté sombre des réverbères. Au-delà des mots se crée une pensée, un imaginaire. Ce qui me touche, dans ce texte, couplé avec son interprétation, c’est, quelque part, des souvenirs s’installant tels des lucioles, des clignotements incessants finissant par former comme un nimbe de lumière.
Et il y a dans l’interprétation, mieux, l’adéquation, une enfance tenant du mélange de l’archaïque et, mieux que du neuf, de l’audacieux : encore une fois, le paradoxe, l’apparent paradoxe, comme si Robert Bouvier nous emmenait  l’immémorial, nous le tirait vers nous et nous le servait dans la joie, que texte et comédien recherchent. L’image du sacrifice, l’image christique vers la fin du spectacle, image de joie, est la résolution de ce spectacle. Ce n’est pas un spectacle de prechi  -precha, c’est un spectacle de la joie. Delteil avoue qu’il a écrit ce texte « tantôt criant de joie, tantôt ruisselant de larmes ». C’est ça, c’est tout simplement ça. La pleine humanité de François. François va se détacher progressivement des choses et des abritions matérielles. Ce n’est que comme cela qu’il trouvera la tranquillité.

Jacques Barbarin

François d’Assise, d’après Joseph Delteil  – Adaptation Adel Akim & Robert Bouvier – Mise en scène Abdel Akim
Avec Robert Bouvier scénographie Yves Collet en collaboration avec Michel Bruguière Lumière Ludovic Buter son Christoph Bollmann assistante à la mise en scène Nathalie Jeannet coproduction Cie du Passage – Neuchâtel, Théâtre Vidy-Lausanne E.T.E., Théâtre St-Gervais – Genève, Centre culturel suisse – Paris, Théâtre des Quartiers d’Ivry

 

Crédit photos : Camille Lamy

 

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