Théâtre / Le chant du cygne

Encore un cadeau du TNN, les 13 et 14 mars. J’en connais une qui va bientôt nous manquer.

Vite vite le sujet de cette pièce, le pitch comme disent les journalistes qui écrivent en français : Le chant du Cygne est une pièce en un acte de Tchékhov écrite à vingt six ans. Une nuit, l’acteur Svetlovidov  s’endort ivre dans sa loge. Il s’éveille en pleine nuit, seul, apeuré et oublié de tous. Les portes du théâtre sont fermées de l’extérieur et il ne peut sortir. Cherchant de l’aide, il rencontre le souffleur Ivanytch, qui ne sachant où demeurer passe la nuit dans une des loges. Cette rencontre inattendue amène les deux hommes à évoquer les heures glorieuses du théâtre autrefois, et la carrière passée de Svetlovidov, aujourd’hui âgé et malade.
Et voilà que l’on nous annonce avant le spectacle, qu’ en raison d’une chute, le comédien Roger Jendly est remplacé par Robert Bouvier, le metteur en scène du spectacle – et comédien !
« Le plus petit drame au monde » d’Anton Tchekhov se joue comme à notre insu, se déclinant en de drôles de variations et digressions quand les protagonistes s’abandonnent aux confidences et revisitent d’autres textes ou chansons. La scène elle-même semble se prêter au jeu des mirages, par le dialogue des ombres, des lumières, des sons, de ces fantômes qui l’habitent et des accidents incongrus qui peuvent s’y produire.
Robert Bouvier  garde l’intégralité du texte et l’enrichit d’une mise en abyme, construite à partir d’un trou de mémoire du vieil acteur. Il déploie, dans le temps, les nombreuses problématiques de la pièce originale, en la ponctuant d’épisodes comiques rivés au présent de la représentation.

Notre vieil acteur retrouve des répliques de ses anciens rôles, des bribes de son passé, ses moments de gloire et ses échecs, ses illusions perdues, sa solitude convoque Shakespeare Roméo et Juliette, Molière Je vous vois accabler un homme de caresses/Et témoigner, pour lui, les dernières tendresses /De protestations, d’offres, et de serments, puis Tchékhov, mais la Mouette.
Cette mise en scène est alerte, elle a l’intelligence de savoir nous perdre dans nos repères, dans notre rationalité : où sommes nous, dans une pièce qui foire parce que l’acteur ne sait plus son texte, qui se raccroche à des bribes, et là sont convoqués Pirandello et Brecht, à la fois la mise en abîme en un certain effet d’étrangeté (
Verfremdungseffekt, nommé aussi distanciation).
Mais aussi elle est un questionnement sur l’art dramatique, non un questionnement je dirais intellectuel, mais une interrogation sur le mode sensible, comme nous disant sans cesse : « Nom de Dieu, qu’est ce que le théâtre ? » en nous tendant différentes perches : le décor, serait-ce un décor dans l’obscurité, sur lequel s’attache le début de la représentation,  est-ce la brochure de la pièce, est-ce un méthode mnémotechnique  afin de se rappeler le texte, est-ce la servante*, est-c l’acteur qui déclame l’acte 1 scène 1 du Misanthrope, est-ce tout cela à la fois, est-ce autre chose ? Mais quoi ?
Et puis au fond… personnellement, et en ce qui me concerne, j’ai l’impression que ces 10 pages de Tchékhov on été pour la Compagnie du Passage comme un canevas de commedia dell’arte : il y a la précision du texte et l’inventivité toit autour et je dirais que tout ce qui n’est pas du Tchékhov c’est encore du Tchékhov, comme le silence après du Mozart.
Le première fois que j’ai vu ce spectacle (car je l’ai revu le lendemain, c’est vous dire) au moment du « trou », j’ai failli me lever et faire une adresse au public : « Mais cela peut arriver, rasseyez-vous, il va se reprendre… » Mais je ne suis pas Armelle Helliot…
Question comédiens, si Robert Bouvier n’est pas, question âge, un « vieil acteur » on croit à tout : son trou de mémoire, ses silences, ses reprises hésitantes, sa dynamique… Quant à Adrien Gygax,  le souffleur il transforme cette coutre apparition, presque un  faire-valoir du « vieil acteur », en un feu d’artifice de jeu théâtral, plus il cherche à trouver un souffleur russe su XIXème siècle, en plus, pieds nus, plus on rit. C’est Arlequin.
Une scène de théâtre a son existence secrète, palpitante, habitée par tous ceux qui en ont foulé les planches, et portant les traces invisibles de tant de paroles, de lumières, de musiques, et de sons. Un lieu de renaissance pour l’artiste comme pour le spectateur, un lieu à jamais porteur de vie, où ressuscitent à jamais les personnages rêvés par les auteurs.(Robert Bouvier)
Que dire de plus ? Ah, si : tout ce qui n’est pas du Tchékhov c’est encore du Tchékhov
Et d’ajouter que sur les photos c’est Roger Jendly, bien qu’il n’ait pu faire les 2 représentations niçoises,  Comme on dit à propos des photos de catalogues, photos non contractuelles

Jacques Barbarin

 

Le chant du cygne
Anton Tchékhov Traduction André Markowicz, Françoise Morvan, création originale Robert Bouvier

Avec Robert Bouvier, Adrien Gygax collaboration artistique Vincent Fontannaz scénographie & costumes Catherine Rankl musique originale Mirko Dallacasagrande univers sonore Julien Baillod lumière Pascal Di Mito vidéo Alain Margot maquillage Talia Cresta production déléguée Cie du Passage coproduction Cie du Passage, Théâtre de Carouge – Atelier de Genève

 

*Au théâtre, la servante ‘est une lampe posée sur un haut pied qui reste allumée quand le théâtre est plongé dans le noir, déserté entre deux représentations ou répétitions. Régulière,, c’est elle qui veille lorsqu’il n’y a plus personne

Photo Fabien Quekkoa

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