Après Le Bruit des glaçons (2010 ) le nouveau film du cinéaste, s’invente au fil des séquence d’un scénario que les héros, un Bourgeois et un SDF, découvrent au fur et à mesure et guide leur destinées. Surprises et humour absurde saupoudré d’envolées provocatrices. On se laisse prendre au jeu…
Le cinéma de Bertrand Blier dès ses débuts s’est articulé sur une forme d’écriture où l’imaginaire y est débridé, et sans tabous. A la fois provocateur et nostalgique , il distille autour de rencontres, un sorte de marche en avant vers des horizons et des destinées ouvrant à une réflexion sur les individus, le monde , sur le cinéma et les acteurs . Son inspiration débridée et l’inattendu qu’elle réserve , il l’explique comme une sorte de fatalité d’écriture qu’il a du mal à expliquer : « Ah ! J’ai du mal à en parler parce que c’est un drôle de truc. Je ne sais même pas ce que c’est. C’est un film issu d’une écriture de malade si l’on considère que l’imaginaire est une maladie dont je suis profondément atteint. Ça sort comme ça sort, accompagné d’idées d’acteurs… » , dit-il . Et les acteurs, ils sont de nouveau ici au premier plan dès la première séquence qui les réunit pour les inscrire dans l’aventure atypique que le réalisateur leur réserve, comme objet de son inspiration dont ils découvrent au dernier moment, ce que le scénario leur demande de jouer ! . C’est ce plaisir là du jeu, que Bertrand Blier distille, avec une sorte de plaisir sadique en les confrontant à l’inconnu des situations qu’ils vont devoir affronter. Car un comédien il doit faire vivre son personnage , le servir …parfois même sans se poser de questions ! . Comme le décrit , la rencontre dans les rues embouteillées de Bruxelles , entre le Bourgeois,Foster ( Christian Clavier ) et Taupin, le SDF ( Gérard Depardieu ) . Foster qui , lui, connaît le scénario faisant entrer dans celui-ci que Taupin ignore , l’entraînant dans l’exécution …du meurtre d’un certain Réveillé ! . Taupin incrédule, proteste , mais le voilà comédien involontaire engagé dans lune aventure de film noir , chère au cinéaste de Buffet Froid ( 1979) où l’on y assassinait sans ménagement: …

Voilà donc, que l’imaginaire se met en branle avec nos deux compères au taquet, et l’imaginaire du cinéaste qui va les entraîner dans son flot de situations en train de s’écrire et dont le scénario, va leur être livré en voiture électrique par l’assistant du réalisateur, et en plein tournage ! . A eux de faire le boulot !. Et cette « écriture de malade » dont Bertrand Blier dit être atteint qui se met donc en marche, entraînant nos compères dans les aventures et rencontres les plus saugrenues et surprenantes. Portées par le mécanisme de l’écriture accompagné de celui de la « fluidité» de la mise en scène dont le cinéaste , habilement , explique que l’expérience acquise « avec l’âge et le temps » lui a permis de se débarrasser des contraintes, pour gagner en efficacité. La rythmique donc, s’y déroule en effet avec un « timing » soutenu , au cœur duquel les réflexions sur la vie et ses dangers , la mort et le cinéma s’inscrivent en miroir dont témoignera, entr’autres, le changements des destinées de nos deux héros. Le cinéaste, via son amour des comédiens et comédiennes , leur ouvre sa partition en leur offrant , des petits et ( ou ) grands rôles , dont l’importance se rejoint dans ce qu’ils représentent et véhiculent, comme symbolique. Son amour des comédien lui fait ouvrir les portes de son cinéma tout aussi bien à Christian Clavier ( le seul de la « Bande du Spendid » qu’il n’avait pas encore sollicité…) , comme à des nouvelles personnalités dont il apprécie le talent : Alex Lutz , Sylvie Testud, Alexandra Lamy , ou encore Farida Rahouadj. Leurs rencontres et confrontations nous offrant de superbes moments servis par l’écriture et les dialogues toujours aussi efficaces, du cinéaste …

Les femmes y ont une place prépondérante dans ce qu’elles révèlent à la fois de leur tempérament en même temps que de leur capacité à faire face, même quand elles se retrouvent au cœur de situations décalées. A l’image de Farida Harouadj dans cette scène étonnante où elle se retrouve interpellée par une homme qui dit être son mari, et à qui elle demande …s’ils ont eu des enfants ensemble !. De la même manière que l’on retrouve Audrey Dana ou sylvie Testud sur son Caddy, face a des situations improbables qui semblent improvisées , ou comme Alexandra Lamy ( superbe moment…) face à Christian Clavier en situation comique inattendue que le cinéaste semble avoir écrite comme un « défi » de jeu pour le comédien . Et côté féminin toujours , il y a cette belle séquence de la chanson « danse avec moi » du film Le quai des orfèvres chantée par Farida Harouadj , en double hommage à Henri-Georges Clouzot , cinéaste qui « m’a donné envie de faire du cinéma » , et au père ( Bernard Blier ) qui y joue un de ses plus beaux rôles . Les hommes, au cœur également du récit, y apportent aussi la dimension des seconds rôles autour du tandem masculin( Clavier / Depardieu) pérorant sur le sens de la vie, et sur la bouffe ( la dernière séquence , recette de Poulet et de Lapin mode Depardieu ) ; mais aussi , les conneries et les mauvaises manières. Alex Lutz qui panique demandant « un coup de main pour l’aider à tuer sa femme ! » , et on y disserte aussi , sur le monde du cinéma comme il va, avec ses succès et ses échecs ( on m’ a sifflé à Cannes! ) ; et en guise de conclusion, cette belle réplique sur « la différence entre la vie et le cinéma… » , dite par Guy Marchand, le producteur. C’est par celle-ci que Bertrand Blier nous dit, les raisons de son amour pour le cinéma et des comédiens.
( Etienne Ballérini )
CONVOI EXCEPTIONNEL de Bertrand Blier – 2019- Durée : 1h 25.
AVEC : Christian Clavier , Gérard Depardieu , Farida Rahouadj , Alex Lutz , Alexandra Lamy, Audrey Dana , Sylvie Testud, Guy Marchand, Louis-Do De Lenqueseng, Bouli Lanners, Charlie Dupont …
LIEN : Bande -Annonce du film : Convoi Exceptionnel de Bertrand Blier .