Théâtre / Un « Docteur Knock » qui vous gratouille !

Le Théâtre de la Cité présentait en ce début Mars une œuvre chatouillante et gratouillante par l’une des compagnies théâtrales de PACA que j’apprécie le plus Le théâtre du Kronope.

C’est une compagnie professionnelle créée en 1983. Ses créations révèlent un univers baroque où le masque de théâtre permet de mettre en résonance le mot et le corps de l’acteur. Le masque permet la liberté, replaçant l’acteur au centre du système théâtral, loin des effets spéciaux : le masque exclut le mensonge.  Des spectacles en forme de tableaux musicaux dansés, burlesques ou poétiques. Depuis plus de 30 ans, le travail du Kronope repose sur l’impérative nécessité de rendre la culture accessible à tous.

Ils sont installés en Avignon, où ils présentent leurs créations chaque année. Il y a bien sûr des œuvres théâtrales qui sont « propices » au jeu masqué, comme Les Fourberies de Scapin, L’Avare, Le malade imaginaire, Le songe d’une nuit d’été, Les Précieuses Ridicules, mais aussi d’autres qui en sont apparemment éloignées, à l’instar de leur adaptation de Germinal, de Don Quichotte, du Chien des Baskerville et donc de ce Docteur Knock.

Le Docteur Knock est un ancien voyou devenu médecin qui débarque dans le petit village de Saint-Maurice afin d’y faire fortune selon une méthode particulière. Suivant son adage « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore. », il va ainsi faire croire aux villageois en les manipulant astucieusement, qu’ils ne sont pas aussi bien portants qu’ils pourraient le penser. C’est ainsi qu’il trouvera chez chacun un symptôme, imaginaire le plus souvent, et de ce fait pourra exercer lucrativement sa profession.

Cette comédie est écrite en 1923, à une époque où l’emprise de la publicité intensive commence à gagner l’Europe. L’idée de l’appliquer au domaine de la médecine relevait, alors, de l’effet  comique. Au delà de l’aspect comique, un autre point de vue est possible. En effet, en 1922 sort un film Nosferatu le Vampire. Dans ce film, l’employé du comte Orlock (Nosferatu) se nomme Knock. Nosferatu voyage sur un bateau, dont il décime l’équipage, tout en amenant la peste. Dans la pièce Knock commence à exercer sur un bateau dont tout l’équipage devient malade.

Comédie grinçante, Knock dénonce la manipulation, qu’il s’agisse de médecine ou de toute idéologie, comme de n’importe quel commerce.

Ce  Knock enfonce joyeusement les clous de cette manipulation. Le décor, comme tous les décors du Kronope, « hautement improbable » accumulation à l’apparence éparse d’éléments hétérogène mais soudain dégageant un univers à l’instar de la pièce « kronopée » loufoque, bizarre, à la limite du grotesque, déroutant, peut-être un peu préoccupant.

Et tandis que les masques s’agitent dans une sorte de mouvement brownien, que Knock poursuit sa marche triomphale, déstabilisant les deux représentants de la rationalité, l’instituteur et le pharmacien, les lumières nous plongent dans un univers fantasmatique, à la limite de l’expressionnisme : nous avons le sentiment que Knock s’est transmuté en docteur Caligari, voir en docteur Mabuse.

C’est toute forme de manipulation qui est au cœur de cette pièce, qu’elle soit politique, relevant de secte, l’hôtel de St Maurice transformé en clinique, c’est le régime de la Corée du Nord, les camps de Syrie, l’hôpital de Shock Corridor.

 

Un de mes premiers souvenir d’avec Le Kronope, si ce n’est le premier : en1992, je les voyais en Avignon, les Princes, les Sorcières, les Mendiants d’après Shakespeare. Il y avait tous les personnages du Roi Lear, tout au moins les principaux, c’est-à-dire une brave quinzaine. A la fin du spectacle, 4 comédiens viennent saluer. Des spectateurs ont demandé pourquoi les autres ne venaient pas saluer, et qu’il était impossible qu’il ne soit que soit que 4.

Cet art, cette générosité, cette passion de transmettre, cette bonne humeur, cette joie de vivre, c’est leur marque de fabrique. Si d’aventure (en aventure) vous allez au festival d’Avignon, en allez vous chez eux, THEATRE DU KRONOPE 10 route de Lyon 84000 Avignon,  04 90 27 14 31

 

Jacques Barbarin

 

Adaptation et mise en scène Guy Simon Assistante mise en scène  Joëlle Richetta Comédiens Anaïs Richetta, Yves Sauton, Guy Simon et Jérôme Simon Création musicale  Pascal Fodor Création des masques et accessoires Martine Baudry Masque de Monsieur Parpalaid Louis-David Rama Création des costumes Nicole Lamarche et Sylvie Delalez Décors Jacques Brossier assisté de Julie Fabre Création Lumière Jean-Claude Delacour et Damien Gandolfo

 

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