Amis lecteurs, le Château de Nice, nous le savons, n’existe plus depuis juillet 1706 de par la volonté du roi Louis XIV. Nous en avons parlé je pense dans une de mes récentes péroraisons littéraires.
A partir du XVIème siècle, les ducs de Savoie successifs, très inquiets de voir les rois de France lorgner sur le riche Milanais décident de renforcer notablement la forteresse de Nice malgré les gros travaux déjà entrepris vers 1440 par le gouverneur Nicod de Menthon pour renforcer ses défenses.
On construisit alors sur le côté nord trois grosses tours reliées par des courtines. A la base de ces tours un fossé et, par la suite, on verrouillera le glacis descendant vers l’actuelle place Garibaldi par un puissant ouvrage à cornes qui épargnera à la citadelle le 15 août 1543 d’être prise d’assaut par les envahisseurs franco-turcs. En 1504, un nouveau duc de Savoie, Charles III dit Le Bon prend les rênes du pouvoir savoyard et entreprends de nouveaux travaux pour renforcer les défenses de Nice qu’il sait de plus en plus menacée par un François 1er avide de conquêtes. Se fait jour alors le projet de «déperchement» de la population civile vivant sur la plateforme sommitale, vers la ville basse, projet qui prendra corps dès 1550. Le but est de libérer tout le sommet en vue de donner à la colline une fonction exclusivement militaire donc d’accueillir des soldats, de l’artillerie, une vaste poudrière, des magasins de vivres et…des réserves d’eau, élément vital pour tenir un siège prolongé. La colline n’avait pas de sources exploitables sauf à la base du massif, côté mer où jaillissait depuis des siècles une source limpide qui avait creusé dans la base du rocher ( Rauba Capeù) une grotte dite du Pairou ou des Chaudronniers. Cette nappe d’eau était une aubaine, mais voilà, pour la récupérer il fallait percer la colline verticalement sur environ 80m pour l’exploiter, travail inimaginable pour l’époque! Un ingénieur sarde André Bergante fut pressenti pour exécuter ce travail. Avec l’aide de son fils François et d’une équipe d’ouvriers il s’attela à la tâche pendant plusieurs années, mais parvint à son but. Une noria actionnée par deux personnes permettait de puiser l’eau de la source et de l’amener au sommet de la forteresse. La galerie verticale creusée dans le rocher fut dénommée «puits du Diable» car l’on disait que l’ingénieur avait sûrement du avoir l’appui occulte du Démon pour avoir réussi cette réalisation considérée à l’époque comme la huitième merveille du monde!
Ce puits sera comblé en 1706 lors de la destruction du castèu, réutilisé pendant la Révolution, encore comblé vers 1830. Bon, c’est fini me direz vous? Eh bien non! Ayant perdu tout intérêt stratégique, la colline avait commencé à être ouverte au public dès l’époque sarde (1815-1860) et le site était déjà très apprécié des promeneurs. Le seul bémol était la montée plutôt pénible pour y accéder. Il y aura bien, un peu plus tard, un très bel escalier accolé à la tour Bellanda, ancienne propriété des frères Clérissi (1825) propriétaires également d’un hôtel-pension tout voisin. Cet escalier fut offert à la Municipalité en 1868 par un certain Jean-Charles Lesage originaire de l’Orne, amoureux de Nice, qui légua à la Ville la somme de 50000francs pour embellir la colline du Château. C’était déjà un début! En 1938, toutefois le projet d’un ascenseur moderne prend corps. Il est confié à l’ingénieur Milan pour la réalisation et l’exploitation. La guerre survient en 1939 puis les occupations italienne et allemande. Ces derniers, dès septembre 1943, fortifient la colline du Château, creusent des galeries, utilisent l’ancien puits de Bergante pourra y installer un monte-charge destiné à alimenter en munitions des canons de FLAK (DCA) disposés sur le sommet. Ce projet va heureusement échouer par manque de temps pour le mener à terme.
En 1951, le projet d’ascenseur public refait surface. Après tout, les allemands ont fait le plus gros travail pourquoi ne pas en profiter! Il suffit de terminer la galerie d’accès, d’aménager le puits pour y loger l’ascenseur ce qui sera fait en 1953. Une belle réalisation qui permet à tout un chacun de profiter de la belle promenade du parc et d’admirer les beaux panoramas visibles depuis les différents points de vue aménagés çà et là, de la mer à la montagne!
Yann DUVIVIER
Sources: «Du Château vers le Paillon» par luc Thévenon (Serre édit. 1999)
«Histoire de Nice» par Robert Latouche (Ville de Nice 1965)
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