Après Le déclin de l’empire américain (1986) et Les invasions barbares (2003), le cinéaste Québécois Denys Arcand signe La chute de l’empire américain, un troisième volet consacré cette fois à l’argent. Drôle et cinglant.
« Etre ou ne pas être… » intelligent ? Telle est la question bien shakespearienne que l’on se pose tous les jours. Dès le saut du lit ou, bien plus tard, en le retrouvant après une dure journée de travail (…à la condition d’en avoir un). Cette interrogation Pierre-Paul se l’est déjà posée. En France (dans un jardin élyséen surtout) un adepte des « petites phrases » lui aurait conseillé de « traverser la rue » pour trouver un job de serveur, cependant, à Montréal/Québec, Pierre-Paul, 36 ans, a approfondi le sujet et sa conclusion est sans appel : «L’intelligence, ce n’est pas un avantage, c’est un handicap» et de citer, pour preuve, une ribambelle d’écrivains mondialement connus et d’hommes politiques célèbres qui ont réussi sans briller par leur intelligence ! Aussi, malgré un doctorat de philo, à défaut de donner des cours à l’université, par dépit, il travaille comme chauffeur/livreur !
Sa vie bascule le jour où, témoin d’un braquage sanglant et raté, il se retrouve en possession de deux sacs de sport remplis de billets de banque. Sa nature altruiste et son idéalisme en prennent un coup. Le voilà confronté à un dilemme moral et éthique. Que faire de tout cet argent ?

Comme le suggèrent le titre et l’affiche, La chute de l’empire américain fait référence au 1er volet d’un cycle commencé il y a 33 ans avec Le déclin de l’empire américain (1986), et poursuivi avec Les invasions barbares (2003). Après Le déclin qui abordait le sexe, Les invasions qui évoquait la mort, ce troisième volet, qui n’est peut-être pas le dernier, s’intéresse à l’argent roi. Le titre original devait même être Le Triomphe de l’argent, trop réducteur cependant pour Denys Arcand qui persévère dans son observation de la société québécoise et, plus largement, du monde occidental.

On peut y voir une référence aux premiers longs métrages de fiction (moins connus en Europe) du réalisateur, La Maudite Galette (une histoire policière – 1972) et Rejeanne Padovani (les politiciens corrompus -1973), mais les liens avec les deux précédents épisodes sont multiples. Les trois films ont pour cadre Montréal. Pierre-Paul, le philosophe, et, à un degré moindre Aspasie, la prostituée de luxe, font écho aux personnages érudits du Déclin et des Invasions. Les fidèles Rémy Girard (ex-taulard truculent qui a suivi des cours de gestion fiscale en prison) et Pierre Curzi (fiscaliste véreux, grand amateur de peinture et coureur de jupons) figurent au générique des trois, tandis que Maripier Morin (la prostituée au grand cœur, véritable révélation pour son premier rôle au cinéma) peut être considérée comme le pendant de Marie-Josée Croze, révélée au niveau international par Les Invasions (Prix d’interprétation féminine à Cannes).

Néanmoins (et heureusement) La chute de l’empire américain peut être vue indépendamment des deux autres volets. Soit comme un polar aux nombreux rebondissements, au cours duquel le candide Pierre-Paul (Alexandre Landry, convaincant et même touchant dans son rôle de naïf qui ne ménage pas sa peine pour venir en aide aux sans-abri et aux exclus) va devoir affronter les truands et la police qui cherchent l’un et l’autre à récupérer le magot, soit comme un comédie dramatique sociale où le cinéaste s’en prend au capitalisme financier (avec notamment une scène très instructive sur l’art de blanchir l’argent sale) et au système dans son ensemble (la police, la justice, les politiques), ou encore comme une comédie au rire très grinçant et bien servie par des répliques à la fois cinglantes et savoureuses (voir les extraits dans la bande annonce ci-dessous). C’est parfois cynique, mais il est aussi question de compassion et de bonté ! Bref, à 77 ans, Denys Arcand est loin d’être sur le déclin…
La chute de l’Empire américain de Denys Arcand (Canada – 2018 – Comédie dramatique – 2h09 minutes). Avec Alexandre Landry, Maripier Morin, Rémy Girard, Louis Morissette, Maxime Roy, Pierre Curzi, Vincent Leclerc, Yan England.
Voir la bande annonce (Jour2fête)
Philippe Descottes
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