LES DRAPEAUX DE PAPIER de Nathan AMBROSIONI

Charlie, bientôt 24 ans, mène une vie sans excès : elle se rêve artiste, travaille comme graphiste, et peine à joindre les deux bouts. Quand son frère vient la retrouver après douze ans d’absence, son existence va être considérablement perturbée. Vincent a 30 ans et sort tout juste de prison où il a purgé une lourde peine. Il a tout à apprendre dans un monde qu’il ne connaît plus, et où il devra pourtant se faire une place. Charlie est prête à l’aider. C’est son frère après tout, son frère dont la colère peut devenir incontrôlable et tout détruite malgré lui. C’est donc l’histoire d’une tentative de réinsertion, de réadaptation, de retour à la vie, parmi les autres, avec ses règles et ses contraintes. La famille a explosé, le père ne parle plus au fils, la mère est partie à l’étranger et donne parfois des nouvelles, par des lettres qu’elle envoie à Charlie, et auxquelles elle joint des drapeaux de papier. Charlie et Vincent vont devoir apprendre à se (re)connaître, puis peut être à s’aimer…Mais le chemin est long et semé d’embûches.
Présenté en avant première au cinéma Rialto de Nice, en présence du réalisateur, le film a marqué favorablement le public, comme il l’avait fait en d’autres occasions, et Nathan, qui n’a pas encore 20 ans, impressionne par sa maîtrise, l’efficacité de sa mise en scène, et la justesse des partis pris de réalisation (gros plans parfaitement cadrés, montage fluide et inspiré), et la complicité avec son chef opérateur Raphaël Vandenbussche contribue également à la réussite de l’ensemble. Remarquablement dirigés, les deux acteurs principaux, Noémie Merlant et Guillaume Gouix sont épatants. On sent le jeune cinéaste parfaitement à son aise, comme il l’a été face au public à l’issue de la séance niçoise. Il réussit à transmettre l’émotion des situations et à illustrer les variations de comportement de ses personnages, tout en laissant place à quelques notes d’humour, avec des dialogues bien ciselés et percutants.
Enfant du pays Grassois – il est né à Peymeinade en 1999 -, père ingénieur et mère commerçante, qui l’ont toujours soutenu, Nathan Ambrosioni est venu au cinéma par le film d’horreur. Entre 12 et 16 ans il confie qu’il n’a regardé quasiment que des films de ce genre. Un jour, il a vu avec sa mère, le film « Mommy » de Xavier Dolan, et il a compris qu’on pouvait faire des films sur d’autres sujets que des monstres, jouer sur d’autres registres que la peur. En s’intéressant à la biographie du cinéaste Québecquois, Nathan a également découvert que l’on pouvait faire du cinéma très jeune, et y parvenir sans passer par les filières habituelles. Avant de se lancer dans l’aventure du long métrage, il réalise sept courts métrages, « toujours du cinéma d’amateur, avec des amis et tourné dans la région ». Il décide faire le montage de tous ses films, et là encore, la comparaison avec Xavier Dolan fait sens, puisque l’auteur des « Amours imaginaires » et « Laurence anyways » a monté tous ses films.

Nathan Ambrosioni n’a pas 18 ans lorsqu’il se lance dans le projet de son premier long métrage. Il est en terminale, et partage son temps entre l’écriture de la première version du scénario – il y en aura plusieurs autres – et la préparation du bac. Une fois le diplôme en poche, il se lancera dans l’aventure du tournage, car une maison de production Sensito films a donné son accord pour l’accompagner, et il a obtenu l’avance sur recettes, il est d’ailleurs le plus jeune réalisateur à avoir réussi ce petit exploit. Stéphanie Douet, la productrice était présente à Nice aux côtés de Nathan, et a vanté les qualités d’écriture du jeune auteur-réalisateur-monteur, sa capacité à modifier et perfectionner les différentes versions du récit en tenant compte des remarques, et la détermination dont il a fait preuve pour défendre son projet. Le tournage, bouclé en 23 jours, s’est, en grande partie, effectué dans des lieux familiers du pays grassois, entre le Var et les Alpes Maritimes, que Nathan connaît depuis son enfance. Interrogé lors de sa venue à Nice sur l’idée de départ de son film Nathan a expliqué : « je voulais écrire un film qui parle de la liberté. J’avais 17 ans, je savais qu’un jour ou l’autre j’allais quitter mes parents, je me posais beaucoup de questions sur la manière dont j’allais appréhender cette liberté. Je suis tombé par hasard sur un article dans « Libération » qui m’a bouleversé : c’était le portrait d’un prisonnier qui avait fini de purger sa peine. Il vivait une « sortie sèche », sans aide de l’état, il devait retrouver seul sa famille, ses anciens amis ; mais quand on sort à 30 ans, après 12 ans de prison, que reste-t-il des relations d’avant ? Il parlait de la liberté comme de quelque chose de tangible, de matériel, quelque chose de proche et d’inatteignable, qui l’attirait et l’effrayait en même temps. Ses interrogations rimaient avec les miennes, à mon petit niveau. J’ai bâti le personnage de Vincent, puis je lui ai rajouté une sœur, parce que je connais bien la relation de fraternité. Ma sœur a l’âge de Charlie, il y a des similitudes entre elle et le personnage. C’est quoi être une jeune femme de 23 ans ? Je voulais raconter une histoire simple, sans grandes péripéties, sans un récit compliqué. Je voulais un film porté par les sentiments et je voulais filmer des acteurs ». Concernant les méthodes de travail, Nathan a également précisé : « Je voulais m’adapter à la façon de travailler des comédiens. Par chance, Noémie et Guillaume avaient à peu près la même méthode. On voyait la scène une fois, juste avant de tourner, dans un coin du décor, à voix haute. Souvent je leur disais, et c’est devenu un leitmotiv sur le tournage, « laissez du temps entre chaque phrase… ». En revanche, j’ai beaucoup travaillé en amont avec le chef opérateur, il ose beaucoup de choses avec la lumière et j’adore ça. La photographie m’inspire beaucoup, notamment certains clichés de Stephen Shore et Nan Goldin.». Sur le choix des gros plans, qui est l’un des marqueurs du film, Nathan Ambrosioni indique « je voulais que l’on soit proche des personnages, qu’on les regarde, qu’on danse avec eux. J’ai beaucoup de mal avec les plans larges, je n’arrive pas à filmer les paysages, j’espère que ça viendra plus tard. Un acteur m’intéresse tellement plus qu’un paysage.
Il y a beaucoup de caméra portée mais aussi des plans posés, selon l’intensité de la scène. On a parfois tourné deux décors en une journée, et quand il restait un peu de temps, on improvisait… ».
( Marc Chaix ).
LES DRAPEAUX DE PAPIER de Nathan Ambrosioni – 2019- Durée : 1 h 43.
AVEC : Guillaume Gouix , Noémie Merlant, Sébastien Houbani, Jérôme Kircher, Alysson Paradis , Anne Loiret…
LIEN: Bande-Annonce du film , Les drapeaux de Papier de Nathan Ambrosioni.
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