Adapté du roman de l’Américaine Lynda Rutledge, le nouveau film de la cinéaste, est construit autour d’une journée vide-grenier, organisée par une vieille dame. Objets accumulés au fil du temps qui font resurgir les souvenirs de famille – thématique chère à la cinéaste- en une chronique sensible . A découvrir…

La cinéaste qui a mêlé au fil du temps, œuvres de fiction ( Depuis qu’Otar est parti …) et Documentaires ( Dernières nouvelles du cosmos ) où s’organisent les récits sur la mémoire et le temps souvenirs de famille douloureux et les rapports complexes , mais aussi , par le biais de ses documentaires, la quête identitaire dans le contexte sociétal. Les objets porteurs de cette mémoire, autour desquels les vies se construisent, dont la cinéaste dit que parfois « elle nous emprisonne et nous étouffe à la fois , et l’oubli qui nous attriste mais aussi nous libère et nous allège.. » . La scène d’ouverture du film qui rappelle en rêve, un de ces objets -souvenirs de petite fille dans sa vaste maison d’un petit village de l’Oise qui en est remplie , Claire Darling devenue vieille et aigrie qui cauchemarde, se réveille persuadée…qu’elle vit son dernier jour !. Alors elle décide de brader tous ces meubles et objets qui se sont accumulés au fil d’une vie bien remplie et parsemée d’événements douloureux qui reviennent, sans cesse , la hanter. Ce vide-greniers improvisé, c’est en quelque sorte une forme d’exorcisme qu’elle s’impose, afin d’évacuer définitivement la souffrance des secrets et non-dits qui , l’âge aidant, ravivent la douleur insupportable dont, seul l’oubli peut la libérer. Le rêve -cauchemar de la mort souhaitée à venir, en est le moyen de s’en détacher définitivement. Mais est-ce possible ?. Organisé autour de flash-back, mêlant passé et présent le récit fait habilement remonter à la surface, les raisons de cette « folie » destructrice ,qui, soudain a pris Claire Darling ( Catherine Deneuve ) bien décidée à en finir !. La mise en scène, oscillant entre le réel du quotidien, les envolées de l’imaginaire et la magie dont il se pare, la cinéaste en fait le moteur . Dès lors, le puzzle s’organise pour nous entraîner dans les interstices de ce que ces objets révélateurs du soutien affectif lui ayant jadis permis d’affronter les « épreuves de la vie » . Leur symbolique révélatrice , nous y entraîne faisant remonter les souvenirs s’attachant à chaque objet, devenus désormais éléments de rejet, reflet de la volonté libératrice de la part de Claire de s’en libérer …

Mais les fantômes des souvenirs ont parfois des résonances quelque peu différentes selon les concernés , qui les voient se raviver. A cet égard, ceux de Claire dont la soudaine « folie » de la vente des reliques familiales , alerte ses amies et proches , va finir par entraîner justement la remise en perspectives (s) et en question (s). A l’image de son amie d’enfance Martine ( Laure Calamy ) tentant de la persuader de mettre fin à ce vide-greniers précipité. Décision qui va faire revenir au bercail , Marie ( Chiara Mastoianni ) la fille de Claire , qui l’avait quittée fâchée …il y a vingts ans ! , et inquiète aujourd’hui de la tournure des événements. La confrontation des souvenirs discordants des trois femmes, ouvrant à d’autres perspectives et possibles, éclairent surtout un passé familial trouble dont les zones d’ombres, vont se préciser et permettre de trouver écho et éclaircissements sur , le vrai et le faux , du vécu et ressenti de chacun sur lequel il s’est appuyé, justifiant leurs réactions à leurs espoirs déçus ! Et ces derniers sont nombreux. A commencer, par les rapports houleux d’amour -détestation entre Claire et son mari entrepreneur, où la violence s’installe. Et le secret du non-dit, sur lequel il repose concernant les circonstances de la mort de leur fils sur le chantier de l’entreprise du père. Drame entraînant les ruptures violents, et les rancunes qui le sont tout autant, dont se fait l’écho révélateur le départ précipité de Marie, coupant le cordon ombilical familial. Attisée par le temps qui passe, la douleur devenue insupportable des ruptures , peut-elle encore s’exorciser ? Le soudain revirement de Claire , faisant appel au prêtre ami de la famille afin de s’en charger , devient révélateur d’une inversion possible des pulsions destructrices qui l’animent . Comme en témoignent , les retrouvailles mère -fille , ouvrant à la perspective de l’apaisement possible …

Portée par ces voyages dans l’espace-temps des souvenirs fantomatiques qui s’entrechoquent dont les objets ravivent chez chacun , sa propre perception des événements. A cet égard y apportent leur contribution, les échanges entre Claire et Martine son amie d’enfance tentant de la ramener à la raison, de la même manière que les retrouvailles entre Marie et Amir son ami d’enfance vont joueur de leu influence , évoquant les beaux jours d’un passé commun , auquel le drame familial a mis fin. La nécessité d’apaiser les tensions fait son chemin pour tenter d’en ouvrir les portes dans le cerveau rancunier de Claire, sombrant dans la folie libératrice envers les frustrations d’une vie. La belle idée du récit, c’est via ces objets la rattachant aux souvenirs dont ils constituent le fil de l’ histoire familiale qu’elle voue au rejet , que peut-être , celui-ci viendra. Ces derniers, scellant, la réconciliation mère-fille ( via une belle séquence ravivée par l’un deux …) , de la même manière que celle des objets convoités par un acquéreur, verra Claire refusant soudain de les lui céder, prenant conscience à leur vision … de ce qu’ils représentent encore pour elle. Le sentiment de la transmission de l’histoire familiale douloureuse prenant dès lors , le relais du rejet pouvant conduire au pire, ouvre à l’opportunité d’un apaisement. Le conte qui s’invite pour le traduire via ces objets tant aimés, est porté par une douce et tendre folie libertaire, dont la grande Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni , embrassent cette « folle journée » de leur présence …
(Etienne Ballérini)
LA DERNIER FOLIE DE CLAIRE DARLING de Julie Bertuccelli. 2018- Durée : 1h 35.
AVEC: Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Alice Taglioni, Colomba Giovanni, Samir Guesmi, Lare Calamy, Olivier Rabourdin, Simon Thomas…
LIEN : Bande-Annonce du film , La dernière Folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli.
[…] préférée… John Travolta, les Bee Gees et le disco. OCS Géants à 20h40– La Dernière folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli (2018 – 1h30).Au soir de sa vie, une femme brade le contenu de sa maison et […]